La manifestation Partie II
Pour organiser une
manifestation non-violente
Une organisation ou un groupe
d’individus décident de préparer une manifestation non violente. Le mieux est
de créer une commission de cinq ou six personnes qui travailleront plus
efficacement qu’une grosse équipe. Si c’est la première fois qu’ils préparent
une manifestation non violente, il est nécessaire qu’ils s’y prennent très à
l’avance pour préparer minutieusement
l’opération.
Différentes possibilités
s’offrent à eux :
La manifestation
autorisée : Toute manifestation de rue est interdite sans autorisation. Il
est nécessaire de communiquer le parcours à la préfecture de police pour que
celui-ci soit accepté ou refusé : ce que l’on sait vingt-quatre heures, et
même des fois moins, avant le jour J. Il est bien évident que neuf fois sur dix
la manifestation est interdite et qu’au point de départ un déploiement massif
de policiers empêche toute possibilité de regroupement. Certaines organisations
qui ne veulent pas sortir de la légalité emploient systématiquement cette
méthode. Quant aux anarchistes, ils n’ont que faire de la légalité et ignorent
les lois interdisant les manifestations. Ils n’ont donc aucun scrupule elles ne
seraient pas observées. Cet « encadrement » peut-être composé des
responsables des points de regroupement. Ils ne doivent en aucun cas être
« les flics de la manifestation » mais ils ont pour mission
simplement de répercuter les consignes venant
des porte-parole et favoriser la bonne marche de la manifestation.
Pour que la manifestation ait
un certain retentissement il faut prévenir la presse et la radio vingt-quatre
heures à l’avance et leur dicter un court communiqué, mais sans parler du lieu
de la manifestation. Prévoir un camarade pour téléphoner à toutes les agences
de presse à l’instant où commence la manifestation : elles pourront ainsi
envoyer des journalistes. Le procédé permet de ne divulguer le parcours qu’au
dernier moment.
La manifestation proprement
dite : son déroulement.
Avant de participer à une
manifestation non-violente il faut en accepter l’esprit, il vaut mieux ne pas y
aller que d’y participer avec un esprit de contestation ; on peut après
son déroulement critiquer sa forme ou certains détails : ce qui est
constructif, mais pendant l’action, il est absolument nécessaire de se plier à
la discipline que l’on s’est imposée au départ. Pour bien comprendre les
raisons que font que cette autodiscipline est nécessaire, je vais reprendre
point par point le déroulement de la manifestation du 22 janvier et procéder à
son analyse critique.
Point de départ de la
manifestation : métro liège, 16H30 précises. A 15 heures tous les
manifestants ont rendez-vous aux
différents points de ralliement d’où ils distribuent une partie des tracts et
reçoivent les dernières consignes. A quelques minutes du départ, par petits
groupes, pour éviter d’attirer l’attention, ils se rapprochent du métro Liège.
Les porteurs de banderoles les camouflent au mieux. Il faut pendant tout ce
temps ne pas se faire remarquer car il est plus facile aux flics de nous
disperser pendant ce temps où nous sommes encore inorganisés ; et la
moindre erreur, cinq minutes avant la manifestation, peut provoquer leur
arrivée.
A 16H30 les porteurs de
banderoles déplient celles-ci en signe de ralliement et tous les manifestants
se regroupent par rangées de trois personnes avec un intervalle de 1,5 mètre
entre chaque rang. A partir de ce
moment, il faut observer un silence absolu et une attitude digne. Voilà qui va
hérisser le poil de beaucoup d’anarchistes, mais il y a à cela une explication
qui me semble d’une logique élémentaire :
-Pour l’alignement
« militaire » : il n’est évidemment pas question de faire un
défilé au pas cadencé dans les rues de Paris, mais un cortège est un cortège,
et si l’on donne à celui-ci une allure de troupeau désorganisé au même titre
que la foule qui entoure la manifestation, celle-ci ne se différencie pas de
celui-là. Une centaine de personnes rangées de façon ordonnée, portant
correctement les banderoles et les chasubles, attirent plus l’attention qu’un
nombre important de manifestants avançant en désordre. De plus, un cortège bien
groupé ne se laissera pas couper aux feux rouges, ce qui aurait pour effet de
le disperser.
-Pour le silence et la
dignité : Je vais l’expliquer en prenant l’exemple de la guerre du Vietnam.
Cette guerre tue tous les jours des centaines de personne. A chaque instant,
les risques de son extension sur le plan mondial s’agrandissent : les
américains emploient des moyens de destruction de plus en plus insensés, de
plus en plus ignobles. Pour exprimer notre indignation devant tant d’horreurs,
nous manifestons. Il semble que l’attitude logique à adopter soit celle de la
méditation ; s’il ne faut pas fumer, ni rire, i bavarder, ni marcher les
mains dans les poches, c’est tout simplement parce qu’un tel comportement
serait contradictoire avec ce que nous ressentons et avec les idées que nous
défendons…nous devons nous concentrer, penser aux raisons pour lesquelles nous
luttons, avoir aux yeux du public un comportement digne qui doit l’ébranler. Si
nous ne crions pas de slogans, c’est parce que notre contestation va plus loin
qu’une simple phrase clé : « us go home » ou « charlot
des sous », cela n’attire pas plus l’attention qu’un silence, porteur de
réflexion, qui intrigue chaque passant, le met mal à l’aise.
J’ai pris l’exemple de la
guerre du Vietnam, mais toutes les raisons qui nous font nous retrouver dans la rue sont des raisons graves. Nous ne
manifestons pas pour nous défouler, mais dans un esprit de contestation qui
demande un comportement ferme. L’attitude non violente n’est pas une attitude
passive ; elle doit opposer à la violence la force de notre détermination,
et devant l’indifférence et l’ignorance des problèmes qui nous touchent, nous
devons présenter une continuité dans nos actions, une volonté d’aboutissement.
Reprenons le cours de la
manifestation :
Lorsque la police intervient
plusieurs éventualités se présentent :
·
La police dialogue avec les porte-parole. En ce
cas, le cortège s’arrête le temps du dialogue. Si la police l’autorise, le cortège
continue sa route ; si les flics embarquent les porte-paroles ou empêchent
la manifestation d’aller plus loin, le mot d’ordre de s’assoir doit être donné.
·
La police embarque un ou plusieurs manifestants :
tous s’assoient.
·
La police saisit les banderoles et refoule les
manifestants sur le trottoir (cas qui s’est produit le 22 janvier). Il est
nécessaire que les porte-parole conviennent bien à l’avance du comportement à
suivre, qui ne peut être que s’asseoir instantanément car la moindre hésitation
de leur part entraine un cafouillage dont la police profite inévitablement.
Une fois le cortège arrêté et
la consigne de s’asseoir sur la chaussée sur la chaussée donnée, chacun doit
rester à l’emplacement où il se trouve et ne pas se laisser entrainer sur le
trottoir (ce qui provoquerait la dislocation du cortège et la défection d’une
partie des manifestants). Une fois assis, conservé la même attitude digne que
pendant la manifestation. Si nous nous asseyons, c’est parce que la police nous
empêche d’aller jusqu’au bout de notre action ; devant la force, nous
refusons la fuite, nous adoptons une attitude de résistance passive.
La position assise oblige les
policiers à nous trainer dans les cars, ce qui demande un certain travail ;
il est donc recommandé de ne pas se raidir, mais de se laisser aller le plus
possible : il leur faut ainsi plus de temps pour nous embarquer, c’est
beaucoup plus spectaculaire et ils ne peuvent nous trainer que rang par rang.
Ceux qui sont assis et attendent doivent conserver le silence, se tenir le plus
droit possible et surtout ne pas provoquer la police, ce qui est parfaitement
inutile et risque d’entrainer de sa part un redoublement de violence. De plus,
la provocation systématique n’est pas non violente. Le moment de l’embarquement
dans le car est le plus spectaculaire et le plus caractéristique des
manifestations non violentes. C’est l’instant où le public est le plus
sensibilisé par notre action. Il faut donc que les distributeurs de tracts
continuent leur travail, dialoguent avec les passants ; c’est la période
la plus importante de leurs travail, mais eux seuls doivent distribuer les
tracts ; les manifestants assis, même quand le public prend parti et leur
parle, doivent conserver une attitude silencieuse et ne pas répondre aux
provocations policières.
Lorsque nous sommes à l’intérieur
des cars la manifestation n’est pas finie pour autant. Pendant tout le trajet
jusqu’au commissariat, il est souhaitable de garder le silence. . Lors de la
manifestation du 22 janvier, certains participants questionnèrent et même
plaisantèrent avec la police. Il est bien compréhensible qu’une telle attitude
nuit à notre action. Le silence, pendant le transfert, créé une atmosphère
lourde qui met les policiers mal à l’aise ; nous les intriguons et, qui
sait, peut-être réfléchissent-ils !
A la sortie des cars, on nous
conduit jusqu’aux cellules où l’on procède à un relevé d’identité. Une fois
dans les cellules, quelques manifestants adoptèrent une attitude que nous
estimons lamentable. Il est inutile d’entamer ici une polémique. Je voudrais
simplement dire que lorsque l’on se regroupe pour mener une action collective,
les inimitiés, les différences de point de vue, les comptes à régler, etc.
Doivent être oubliés le temps de l’action ou bien il est inutile de se
déranger. Lorsqu’on n’est pas certain de pouvoir s’adapter à la discipline qu’impose
forcément toute manifestation, on reste chez soi ou on manifeste tout seul.
Au commissariat, le 22 janvier,
nous sommes restés 4 heures, ce n’est pas grand-chose et un temps si court
devrait être utilisé, je pense, à discuter de la manifestation, de son
déroulement, et chacun donnerait son avis, exprimerait sa façon de voir les
choses. Ce serait 4 heures consacrées à un travail constructif et cela
permettrait, pour les futures manifestations, de tenir compte de l’avis de
chacun. Au cours de ce temps passé au commissariat, les responsables doivent
penser à relever le nom et l’adresse des participants en vue d’actions futures.
Avant de participer à une
manifestation non violente, il faut envisager l’éventualité de passer une
soirée ou une nuit au poste, il est donc anormal de se montrer impatient de
sortir lorsqu’on est dans les cellules. Nous devons montrer aux flics que nous
sommes décidés à recommencer, que cet emprisonnement n’a aucun effet sur nous,
qu’il n’a fait que nous ancrer plus encore dans nos idées, que notre esprit de
solidarité est renforcé.
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