samedi 3 avril 2021

Anarchisme et non-violence N°4

La manifestation     Partie 1

 

Méthode d’action directe

 

 Le 22 janvier se déroulait dans Paris une manifestation contre la guerre au Vietnam. Organisée par le M.C.A.A., elle devait, partant de la gare St Lazare, aboutir à l’ambassade des Etats-Unis. Une centaine de personne y participait dont plusieurs camarades d’ » A. et N.V ». Cette manifestation, outre ses objectifs propres, avait ceci d’intéressant qu’elle était non violente.

Après l’arrivée de la police, presque tous les manifestants se laissèrent trainer jusqu’aux cars et passèrent plusieurs heures au poste.

Cette manifestation, organisée par un mouvement qui ne se recommande pas de la non-violence, et dont les participants n’avaient pour la plupart aucune idée de celle-ci, s’est relativement bien passée, malgré certaines erreurs dues en grande partie à notre inexpérience.

IL semble intéressant, partant de cette action précise, d’étudier les différentes formes de manifestations non violentes en fonction d’une optique anarchiste, mais d’abord il faut répondre à quelques questions :

·       Pourquoi manifester ?

·       Qu’est-ce qu’une manifestation ?

·       Quelle est la différence entre une manifestation courante et une manifestation non-violente ?

 

En premier lieu, une manifestation sert à sensibiliser l’opinion sur un point particulier, soit parce la presse n’en fait pas grand cas, soit pour amener cette opinion à réagir.

Par exemple, les Français sont parfaitement indifférents à la guerre du Vietnam : la presse, en général, contribue à faire de cette guerre uniquement les problèmes des Américains et des Chinois.

En manifestant, nous montrons que nous sommes concernés et, en même temps, nous expliquons par nos tracts ce qui nous rattache au problème vietnamien. Cette manifestation contribue à encourager ceux qui luttent à l’intérieur des pays bellicistes et les sort de leur isolement. Elle pousse aussi dans une certaine mesure les dirigeants de ces pays à régler rapidement le problème, obligés qu’ils sont de tenir compte de l’opinion internationale.

Mais une manifestation sert également à regrouper des forces, elle sert à réunir des individus isolés, à leur donner le goût du militantisme. Pour le militant, elle est l’action qui développe la réflexion et permet la mise en application de certains principes. La manifestation, pour les anarchistes, est une des multiples formes que peut revêtir l’action directe.

Le refus d’employer les méthodes violentes lors de nos actions nous amène à rejeter les manifestations classiques : celles-ci, en général, se déroulent pourtant très pacifiquement : le cortège défile d’un point à un autre en criant quelques slogans clés et, quand la police intervient, chacun prenant alors ses jambes à son cou se précipite à l’intérieur de la plus proche station de métro ; la manifestation est terminée. Ceux qui ne couraient pas assez vite passent la nuit au poste. S’il y a eu quelques violences de la part des manifestants, les quelques-uns qui se sont laissé prendre trinquent pour les autres.

Une manifestation est l’expression d’une même contestation, elle représente une communion d’esprit, une revendication collective. L’attitude de chaque manifestant contribue à la réussite ou à l’échec de la manifestation. C’est pourquoi l’ensemble des manifestants est responsable du comportement de chacun. Si un manifestant se comporte d’une façon que je désapprouve (s’il frappe un flic, par exemple), j’endosse la responsabilité de son acte : surexcités par cette espèce d’ambiance insurrectionnelle qui règne lors d’une manifestation classique ainsi que par leurs propres cris, certains participants oublient les raisons qui les ont amenés là et perdent tout contrôle. Ils sont à ce moment capable de commettre des actes parfaitement insensés auxquels je refuse de m’associer. Il n’est pas question ici de violence révolutionnaire mais simplement de violence instinctive.

Les instincts les plus bas se déchainent avec comme conséquence la haine de l’ennemi, du flic en l’occurrence ; c’est une lutte entre deux forces utilisant les mêmes moyens : la violence, la haine, la loi du plus fort. Une manifestation n’est pas une révolution : on ne renverse pas un état en manifestant à 1000 ou 2000 personnes. La violence, d’un point de vue purement tactique, est donc parfaitement inutile et justifie aux yeux de l’opinion les brutalités policières.

Lors d’une manifestation courante, aucune consigne particulière n’est prévue pour réagir à l’intervention de la police…Chacun se débrouille, se sauve ou fait le coup de poing. Pourtant, face au service d’ordre, face à la force qui empêche l’expression de notre revendication commune, la solidarité est l’arme la plus puissante que nous possédons. Pour protester contre l’emprisonnement d’un manifestant, pour se solidariser avec lui (nous luttions pour une idée commune pendant la manifestation), il existe une force bien plus persuasive que la fuite, que la violence, c’est l’emprisonnement collectif. Il engage plus profondément tous les manifestants et élargit la responsabilité individuelle (car ceux qui sont conduits au poste, sont seuls, face à la police, à assumer la responsabilité de la manifestation). De plus, l’attitude qui consiste à prendre la fuite lorsque les flics interviennent atténue la puissance de nos revendications.

Pour qui accepte la violence révolutionnaire, une manifestation devrait plutôt prendre la forme d’une insurrection armée. Sinon quelle est la portée d’une manifestation se disloquant lamentablement dès l’intervention de la police ? Qu’après un acte de révolte individuelle on prenne la fuite, cela peut se comprendre, cela peut s’expliquer, la répression lorsqu’on agit isolément est alors d’autant plus lourde. Or la force d’une manifestation est précisément dans le nombre des participants, dans leur volonté d’aller jusqu’au bout.

Il n’est pas possible de lutter à armes égales contre les puissances oppressives. A la violence de la répression, il faut opposer notre détermination, notre volonté commune, notre solidarité ; c’est de cette façon que l’on obtiendra un résultat. C’est en  assumant la responsabilité de nos actes que nous serons révolutionnaires, que notre lutte sera positive.

Pour qu’une manifestation non violente réussisse, atteigne son but, il faut que chaque participant soit conscient du rôle qu’il joue ; son comportement pendant l’action doit être réfléchi ; ses actes ne doivent pas être seulement conditionnés par le respect des consignes : le participant doit comprendre celles-ci, savoir pourquoi elles ont été données. Chacun est engagé dans l’action et responsable de celle-ci.

C’est dans cet esprit qu’une manifestation non violente doit se dérouler, et c’est pourquoi il est nécessaire de bien expliquer cette forme d’action, d’en exposer tous les détails, de faire en quelque sorte « le manuel du parfait manifestant non-violent ». Ceci pour éviter certaines erreurs pendant les manifestations dues à l’ignorance des participants.

Je vais commencer par la manifestation non-violente courante ( exemple celle du 22 janvier) en donnant le plus de détails possibles sur son organisation, son déroulement, sur les erreurs à éviter, les consignes à observer en expliquant le mieux possible les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’adopter un tel comportement. Que ce soient les organisateurs ou les manifestants, tous doivent connaitre es moindres détails de l’action dans laquelle ils s’engagent.

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