La manifestation Partie 1
Méthode d’action directe
Le 22 janvier se déroulait dans Paris une
manifestation contre la guerre au Vietnam. Organisée par le M.C.A.A., elle
devait, partant de la gare St Lazare, aboutir à l’ambassade des Etats-Unis. Une
centaine de personne y participait dont plusieurs camarades d’ » A. et N.V ».
Cette manifestation, outre ses objectifs propres, avait ceci d’intéressant qu’elle
était non violente.
Après l’arrivée de la police,
presque tous les manifestants se laissèrent trainer jusqu’aux cars et passèrent
plusieurs heures au poste.
Cette manifestation, organisée
par un mouvement qui ne se recommande pas de la non-violence, et dont les
participants n’avaient pour la plupart aucune idée de celle-ci, s’est relativement
bien passée, malgré certaines erreurs dues en grande partie à notre
inexpérience.
IL semble intéressant, partant
de cette action précise, d’étudier les différentes formes de manifestations non
violentes en fonction d’une optique anarchiste, mais d’abord il faut répondre à
quelques questions :
·
Pourquoi manifester ?
·
Qu’est-ce qu’une manifestation ?
·
Quelle est la différence entre une
manifestation courante et une manifestation non-violente ?
En premier lieu, une
manifestation sert à sensibiliser l’opinion sur un point particulier, soit
parce la presse n’en fait pas grand cas, soit pour amener cette opinion à
réagir.
Par exemple, les Français sont
parfaitement indifférents à la guerre du Vietnam : la presse, en général,
contribue à faire de cette guerre uniquement les problèmes des Américains et
des Chinois.
En manifestant, nous montrons
que nous sommes concernés et, en même temps, nous expliquons par nos tracts ce
qui nous rattache au problème vietnamien. Cette manifestation contribue à
encourager ceux qui luttent à l’intérieur des pays bellicistes et les sort de
leur isolement. Elle pousse aussi dans une certaine mesure les dirigeants de
ces pays à régler rapidement le problème, obligés qu’ils sont de tenir compte
de l’opinion internationale.
Mais une manifestation sert
également à regrouper des forces, elle sert à réunir des individus isolés, à
leur donner le goût du militantisme. Pour le militant, elle est l’action qui
développe la réflexion et permet la mise en application de certains principes.
La manifestation, pour les anarchistes, est une des multiples formes que peut
revêtir l’action directe.
Le refus d’employer les
méthodes violentes lors de nos actions nous amène à rejeter les manifestations
classiques : celles-ci, en général, se déroulent pourtant très
pacifiquement : le cortège défile d’un point à un autre en criant quelques
slogans clés et, quand la police intervient, chacun prenant alors ses jambes à
son cou se précipite à l’intérieur de la plus proche station de métro ; la
manifestation est terminée. Ceux qui ne couraient pas assez vite passent la
nuit au poste. S’il y a eu quelques violences de la part des manifestants, les quelques-uns
qui se sont laissé prendre trinquent pour les autres.
Une manifestation est l’expression
d’une même contestation, elle représente une communion d’esprit, une
revendication collective. L’attitude de chaque manifestant contribue à la
réussite ou à l’échec de la manifestation. C’est pourquoi l’ensemble des
manifestants est responsable du comportement de chacun. Si un manifestant se
comporte d’une façon que je désapprouve (s’il frappe un flic, par exemple), j’endosse
la responsabilité de son acte : surexcités par cette espèce d’ambiance
insurrectionnelle qui règne lors d’une manifestation classique ainsi que par
leurs propres cris, certains participants oublient les raisons qui les ont
amenés là et perdent tout contrôle. Ils sont à ce moment capable de commettre
des actes parfaitement insensés auxquels je refuse de m’associer. Il n’est pas
question ici de violence révolutionnaire mais simplement de violence
instinctive.
Les instincts les plus bas se
déchainent avec comme conséquence la haine de l’ennemi, du flic en l’occurrence ;
c’est une lutte entre deux forces utilisant les mêmes moyens : la
violence, la haine, la loi du plus fort. Une manifestation n’est pas une
révolution : on ne renverse pas un état en manifestant à 1000 ou 2000
personnes. La violence, d’un point de vue purement tactique, est donc
parfaitement inutile et justifie aux yeux de l’opinion les brutalités policières.
Lors d’une manifestation
courante, aucune consigne particulière n’est prévue pour réagir à l’intervention
de la police…Chacun se débrouille, se sauve ou fait le coup de poing. Pourtant,
face au service d’ordre, face à la force qui empêche l’expression de notre
revendication commune, la solidarité est l’arme la plus puissante que nous possédons.
Pour protester contre l’emprisonnement d’un manifestant, pour se solidariser
avec lui (nous luttions pour une idée commune pendant la manifestation), il
existe une force bien plus persuasive que la fuite, que la violence, c’est l’emprisonnement
collectif. Il engage plus profondément tous les manifestants et élargit la
responsabilité individuelle (car ceux qui sont conduits au poste, sont seuls,
face à la police, à assumer la responsabilité de la manifestation). De plus, l’attitude
qui consiste à prendre la fuite lorsque les flics interviennent atténue la
puissance de nos revendications.
Pour qui accepte la violence révolutionnaire,
une manifestation devrait plutôt prendre la forme d’une insurrection armée.
Sinon quelle est la portée d’une manifestation se disloquant lamentablement dès
l’intervention de la police ? Qu’après un acte de révolte individuelle on
prenne la fuite, cela peut se comprendre, cela peut s’expliquer, la répression
lorsqu’on agit isolément est alors d’autant plus lourde. Or la force d’une
manifestation est précisément dans le nombre des participants, dans leur
volonté d’aller jusqu’au bout.
Il n’est pas possible de
lutter à armes égales contre les puissances oppressives. A la violence de la
répression, il faut opposer notre détermination, notre volonté commune, notre solidarité ;
c’est de cette façon que l’on obtiendra un résultat. C’est en assumant la responsabilité de nos actes que
nous serons révolutionnaires, que notre lutte sera positive.
Pour qu’une manifestation non
violente réussisse, atteigne son but, il faut que chaque participant soit
conscient du rôle qu’il joue ; son comportement pendant l’action doit être
réfléchi ; ses actes ne doivent pas être seulement conditionnés par le
respect des consignes : le participant doit comprendre celles-ci, savoir
pourquoi elles ont été données. Chacun est engagé dans l’action et responsable
de celle-ci.
C’est dans cet esprit qu’une
manifestation non violente doit se dérouler, et c’est pourquoi il est
nécessaire de bien expliquer cette forme d’action, d’en exposer tous les
détails, de faire en quelque sorte « le manuel du parfait manifestant
non-violent ». Ceci pour éviter certaines erreurs pendant les
manifestations dues à l’ignorance des participants.
Je vais commencer par la
manifestation non-violente courante ( exemple celle du 22 janvier) en donnant
le plus de détails possibles sur son organisation, son déroulement, sur les
erreurs à éviter, les consignes à observer en expliquant le mieux possible les
raisons pour lesquelles il est nécessaire d’adopter un tel comportement. Que ce
soient les organisateurs ou les manifestants, tous doivent connaitre es
moindres détails de l’action dans laquelle ils s’engagent.
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