Par libre arbitre s'entend la
liberté du vouloir, c'est-à-dire la décision entre deux possibilités opposées
appartenant exclusivement à la volonté de l'individu, sans que, pour rien,
puissent influencer sur cette décision la pression du milieu extérieur et la
lutte intérieure des divers motifs et mobiles. Malebranche (De la recherche de
la vérité, 1712, I, p, 1), définit le libre arbitre : la puissance de vouloir
ou de ne pas vouloir, ou bien de vouloir le contraire. Et Bossuet (Traité du
libre arbitre, 1872, C. II) : plus je recherche en moi[1]même la raison qui me détermine, plus je sens
que je n'en ai aucune autre que ma seule volonté ; je sens par là clairement ma
liberté, qui consiste uniquement dans un tel choix. Pour ceux qui admettent le
libre arbitre comme possibilité concrète, et ceux qui l'admettent seulement
comme possibilité abstraite, c'est-à-dire entre indéterministes et
déterministes, la lutte est séculaire. Kant a rompu la traditionnelle
conception du libre arbitre (spontanéité absolue, liberté d'indifférence,
exception au principe de causalité) en le présentant comme autonomie de la
raison de laquelle la volonté dépend. Pour Kant l'autonomie du vouloir est : «
cette propriété du vouloir pour lequel il est une loi à lui-même », (Krit. d.
Prollt. Vern., 1878, I. S. 8 ; Grundl. Z. Met d. sitt. 1882, p. 67). Pour
l'Ardigò, l'autonomie est spécialisation et indétermination d'action qui rentre
dans la loi Universelle de la causalité. L'autonomie du végétal est la vie ;
celle de la brute, le cerceau ; de l'homme, l'idée, autonomie maximum,
formation naturelle plus complexe qui se superpose aux formations inférieures
en les dominant. L'autonomie est libre arbitre : arbitre, en tant que forme
spéciale d'activité qu'elle possède en elle-même la raison d'être et qui domine
les inférieures ; liberté parce qu'elle n'est pas l'unique possibilité de
l’hétéronomie, mais elle est un nombre indéterminé de possibilité (La morale
dei positivisti, 1892, pp. 118 et suiv.). Pour Bergson (Essais sur les données
imm. de la conscience, 1904, p. 167), la liberté est le même pouvoir par où le
fond individuel et inexprimable de l'être se manifeste et se crée dans ses
propres actes, pouvoirs desquels nous avons la conscience comme d'une réalité
immédiatement sentie. S'appelle liberté le rapport du moi concret avec l'acte
qu'il accomplit et ce rapport est indéfinissable précisément parce que nous
sommes libres. Le déterminisme volontaire, qui n'est qu'une espèce du
déterminisme universel, énonce que toutes les actions de l'homme sont
déterminées par ses états inférieurs. Les actes volontaires sont déterminés par
le pouvoir impulsif et inhibitoire des représentations : le choix dépend de la
représentation qui possède une plus grande impulsion. Si l'on pouvait connaître
- écrivit Kant impulsions qui meuvent la volonté d'un homme et prévoir toutes
les occasions extérieures qui agiront sur lui, on pourrait calculer la conduite
future de cet homme avec la même exactitude que celle avec laquelle on calcule
une éclipse solaire ou lunaire. Il y a diverses formes de déterminisme
volontaire : le théologique, l'intellectuel, le sensitif, l'idéaliste. Selon le
déterminisme volontaire théologique nos actions sont un produit de l'action
divine, de la prédestination, de la grâce, de la providence. Le prédéterminisme
théologique se concilie avec la théorie catholique du libre arbitre dans la
doctrine de la science moyenne, doctrine avec laquelle Molinos (et les jésuites
en général) soutient que Dieu connaît ce qui est actuel et possible, mais qu'il
y a aussi ce qui est conditionnellement possible, c'est-à-dire ce qui est entre
la pure possibilité et l'actualité. La connaissance divine de cette troisième
catégorie de faits est science moyenne ou conditionnelle. Dieu a prévu les
actions humaines de cette troisième espèce (conditionnellement possibles) :
malgré cela elles sont libres. Le déterminisme volontaire intellectuel, dit
aussi psychologique, remet l'action déterminative dans l'intelligence, faisant
de tout acte la conséquence pure d'un jugement, cependant que le déterminisme
sensitif ou sensuel fait des sensations l'unique cause nécessaire des actes, et
que le déterminisme idéaliste considère l'idée en soi, absolue, comme la
déterminante des actes humains, sans aucun lien avec la réalité matérielle. Il
ne faut pas confondre le déterminisme avec le fatalisme. Ici les événements
sont prédéterminés ab œterno d'une manière nécessaire par un agent extérieur,
pendant que là la nécessité est immanente et se confond avec la nature même. –
C. BERNERI
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