mercredi 7 avril 2021

LIBRE ARBITRE Encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure

 


Par libre arbitre s'entend la liberté du vouloir, c'est-à-dire la décision entre deux possibilités opposées appartenant exclusivement à la volonté de l'individu, sans que, pour rien, puissent influencer sur cette décision la pression du milieu extérieur et la lutte intérieure des divers motifs et mobiles. Malebranche (De la recherche de la vérité, 1712, I, p, 1), définit le libre arbitre : la puissance de vouloir ou de ne pas vouloir, ou bien de vouloir le contraire. Et Bossuet (Traité du libre arbitre, 1872, C. II) : plus je recherche en moi[1]même la raison qui me détermine, plus je sens que je n'en ai aucune autre que ma seule volonté ; je sens par là clairement ma liberté, qui consiste uniquement dans un tel choix. Pour ceux qui admettent le libre arbitre comme possibilité concrète, et ceux qui l'admettent seulement comme possibilité abstraite, c'est-à-dire entre indéterministes et déterministes, la lutte est séculaire. Kant a rompu la traditionnelle conception du libre arbitre (spontanéité absolue, liberté d'indifférence, exception au principe de causalité) en le présentant comme autonomie de la raison de laquelle la volonté dépend. Pour Kant l'autonomie du vouloir est : « cette propriété du vouloir pour lequel il est une loi à lui-même », (Krit. d. Prollt. Vern., 1878, I. S. 8 ; Grundl. Z. Met d. sitt. 1882, p. 67). Pour l'Ardigò, l'autonomie est spécialisation et indétermination d'action qui rentre dans la loi Universelle de la causalité. L'autonomie du végétal est la vie ; celle de la brute, le cerceau ; de l'homme, l'idée, autonomie maximum, formation naturelle plus complexe qui se superpose aux formations inférieures en les dominant. L'autonomie est libre arbitre : arbitre, en tant que forme spéciale d'activité qu'elle possède en elle-même la raison d'être et qui domine les inférieures ; liberté parce qu'elle n'est pas l'unique possibilité de l’hétéronomie, mais elle est un nombre indéterminé de possibilité (La morale dei positivisti, 1892, pp. 118 et suiv.). Pour Bergson (Essais sur les données imm. de la conscience, 1904, p. 167), la liberté est le même pouvoir par où le fond individuel et inexprimable de l'être se manifeste et se crée dans ses propres actes, pouvoirs desquels nous avons la conscience comme d'une réalité immédiatement sentie. S'appelle liberté le rapport du moi concret avec l'acte qu'il accomplit et ce rapport est indéfinissable précisément parce que nous sommes libres. Le déterminisme volontaire, qui n'est qu'une espèce du déterminisme universel, énonce que toutes les actions de l'homme sont déterminées par ses états inférieurs. Les actes volontaires sont déterminés par le pouvoir impulsif et inhibitoire des représentations : le choix dépend de la représentation qui possède une plus grande impulsion. Si l'on pouvait connaître - écrivit Kant impulsions qui meuvent la volonté d'un homme et prévoir toutes les occasions extérieures qui agiront sur lui, on pourrait calculer la conduite future de cet homme avec la même exactitude que celle avec laquelle on calcule une éclipse solaire ou lunaire. Il y a diverses formes de déterminisme volontaire : le théologique, l'intellectuel, le sensitif, l'idéaliste. Selon le déterminisme volontaire théologique nos actions sont un produit de l'action divine, de la prédestination, de la grâce, de la providence. Le prédéterminisme théologique se concilie avec la théorie catholique du libre arbitre dans la doctrine de la science moyenne, doctrine avec laquelle Molinos (et les jésuites en général) soutient que Dieu connaît ce qui est actuel et possible, mais qu'il y a aussi ce qui est conditionnellement possible, c'est-à-dire ce qui est entre la pure possibilité et l'actualité. La connaissance divine de cette troisième catégorie de faits est science moyenne ou conditionnelle. Dieu a prévu les actions humaines de cette troisième espèce (conditionnellement possibles) : malgré cela elles sont libres. Le déterminisme volontaire intellectuel, dit aussi psychologique, remet l'action déterminative dans l'intelligence, faisant de tout acte la conséquence pure d'un jugement, cependant que le déterminisme sensitif ou sensuel fait des sensations l'unique cause nécessaire des actes, et que le déterminisme idéaliste considère l'idée en soi, absolue, comme la déterminante des actes humains, sans aucun lien avec la réalité matérielle. Il ne faut pas confondre le déterminisme avec le fatalisme. Ici les événements sont prédéterminés ab œterno d'une manière nécessaire par un agent extérieur, pendant que là la nécessité est immanente et se confond avec la nature même. –

C. BERNERI

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