[Traduction du manuscrit par J.M. Laurian et Arthur, Spartacus, n° 63, 1975]
Synopsis
Ce qui caractérise la
situation mondiale actuelle, ce sont d'abord des facteurs européens, à la tête
desquels se placent l'Allemagne et la Russie. Ces facteurs, incarnés par le
nazisme en Allemagne et par le bolchévisme en Russie, sont le résultat d'une
évolution qui est celle de l'après-guerre européenne, en économie et en
politique. Cet après-guerre est économiquement enraciné dans le monopolisme
ultra-impérialiste, qui tend au système du capitalisme d'Etat. Politiquement,
elle ouvre la voie à une forme d'Etat totalitaire, qui culmine dans la
dictature. La compréhension profonde et réelle du bolchévisme aussi bien que du
fascisme ne peut être obtenue que par l'examen critique et analytique de ces
phénomènes et de leurs rapports. Tous les autres faits sont marginaux,
secondaires ou découlent de ces causes premières; placés au centre de l'analyse
scientifique, ils ne peuvent que dévier l'examen et donner une image fausse de
la situation. Ce livre a la prétention d'être le premier essai d'analyse
scientifique, qui, partant de l'évolution économique et politique
d'après-guerre en Allemagne et en Russie, donne la clé qui ouvre la
compréhension de tous les problèmes de premier plan qui dominent aujourd'hui la
scène politique mondiale. Brièvement brossées et placées dans la clarté d'une
argumentation historique et dialectique apparaissent, dans l'ordre, les preuves
édifiantes : 1. de l'effondrement inévitable et nécessaire de l'ancien
mouvement ouvrier, dont le représentant typique était la social-démocratie ; 2.
de à conception a-historique et de l'échec des techniques d'organisation de
l'expérience socialiste en Russie, dont le bolchévisme était l'agent ; 3. de la
logique interne de la nouvelle orientation de la Russie vers le capitalisme
d'Etat et la dictature bureaucratique qui fut la tâche historique du stalinisme
; 4. de l'existence d'une nouvelle révolution industrielle en Europe dont les
conséquences politiques et sociales ne peuvent plus être maîtrisées au niveau
traditionnel du libéralisme et de la démocratie ; 5. du développement de
l'impérialisme en un ultramonopolisme et du succès de ses prétentions au
pouvoir totalitaire par la montée du fascisme, dont la fraction la plus active
et la plus caractéristique est le nazisme ; 6. de la concordance interne des
tendances vers le capitalisme d'Etat en Allemagne et en Russie, de leur
identité structurelle, organisationnelle, tactique et dynamique, dont le
résultat fut le pacte politique et l'unité d'action militaire ;7. qu'une
deuxième guerre mondiale est inévitable en tant que conflit entre les
puissances ultramonopolistes du capitalisme d'Etat d'une part, et les
puissances libérales-démocratiques de l'autre; l'Europe, dont la division
nationale, les conditions du droit à la propriété individuelle et les rapports
d'administration démocratique doivent se trouver sacrifiés à la primauté des
exigences politiques du pouvoir totalitaire et omnipotent d'un monopolisme
global en gestation, à défaut d'un nouveau système socialiste, se retrouve
l'enjeu de ce conflit; 8. de l'impossibilité de résoudre vraiment et
complètement ces problèmes dans un système capitaliste, même si celui-ci se
change en capitalisme d'Etat, libéré des liens de la propriété privée,
développé en économie planifiée et favorisé par les rapports internationaux
d'une large fédération d’Etats. Nouvelle ère économique La fin de la guerre
mondiale de 14-18 ne voyait apparemment que des vainqueurs et des vaincus. En
réalité il n'y avait que des vaincus. Les vainqueurs eux-mêmes étaient vaincus.
Non sans doute par les armes, mais par la loi de l'évolution historique. La
guerre elle-même n'était que le moment décisif de cette évolution. Elle était
responsable de la défaite de tous, de la catastrophe générale. C'est ce qui fit
qu'après la guerre, la Russie et l’Allemagne – où une révolution avait
bouleversé la vieille ordonnance des choses – ne furent pas les seuls pays à
offrir un visage différent. Des changements profonds, des ruptures importantes
avaient également affecté les structures économiques, sociales, politiques et
idéologiques de la France, de l'Angleterre, de l'Italie et des Etats-Unis. A
cette différence près que le fait était notoire chez les vaincus, alors que les
gouvernements et les masses des Etats victorieux ne le savaient pas encore. Les
Etats étaient entrés en guerre sous le signe de l'impérialisme et tout d'abord
l'Allemagne dont le capitalisme, mû du brûlant désir de rattraper le temps
perdu, avait rapidement atteint les limites de son cadre national, devenu trop
étroit. Aussi employa-t-il toute sa force d'expansion à faire sauter le verrou
de son développement ultérieur et à repousser les limites de son espace
économique. Sa volonté provocatrice de conquête exigeait une nouvelle
répartition du monde et c'est lui qui mit le feu aux poudres de la guerre. Mais
les autres Etats capitalistes n'étaient ni pacifiques, ni innocents. Tous
s'étaient armés, tous avaient développé leur militarisme, préparé une
éventuelle attaque et compté sérieusement avec un conflit mondial inévitable.
Car tous étaient dominés par le capitalisme et s'étaient engagés sur la voie de
l'impérialisme vers le conflit militaire, considéré comme solution définitive.
Selon les exigences de leur système, les portes de l'avenir ne s'ouvraient que
par la force des armes. L'heure décisive était enfin arrivée. La guerre avait
éclaté. La puissance la plus forte – celle des armées les plus importantes, des
techniques militaires les plus développées et du nerf de la guerre – avait
vaincu. Mais uniquement sur le plan militaire : uniquement selon les règles du
jeu de la guerre. Simultanément, le système bourgeois de tous les pays du monde
capitaliste, que ceux-ci aient ou non participé à la guerre, se trouva acculé
aux limites de sa validité pendant un conflit, qui était pourtant son ultime
recours. La puissance de ce système se trouva brisée de l'intérieur. Sa toi,
son ordre, son autorité et sa force touchaient à leur terme. L'histoire lui
avait donné le coup de grâce.Le système capitaliste n'est pas un système
unique, semblable à lui-même à tous les stades de son développement, ce n'est
pas un système donné une fois pour toutes. On peut clairement identifier
différentes phases définies par des caractères structuraux variables, des
fonctions, des formes d'expression différentes, des effets et des causes
changeantes. L'unanimité, la norme et la durée, n'existent que dans les grands
traits de ses objectifs, dans le principe de sa nature, le rythme de ses
fonctions et le dénominateur commun de ses effets. Le système économique
capitaliste – comme tout système d'économie –doit fournir à la société les
biens dont elle a besoin pour se maintenir ci se développer. Il a donc un but
social. Sa nature est telle qu'il ne parvient à ce but que par le biais de
l'enrichissement privé. L'objectif social principal est lié à des objectifs
individuels secondaires qui deviennent des objectifs premiers pour les agents
économiques particuliers. Car l'agent économique, représenté par le chef
d'entreprise, se tient sur le terrain de la propriété privée dont la finalité
est la poursuite d'intérêts privés. A ses yeux, l'enrichissement privé est le
sens même de son activité économique. L'économie, dont il est le bénéficiaire,
n'est pour lui qu'appropriations, bonnes affaires, chance de gains et profits.
Le moyen de remplir son rôle social, aussi bien que d'atteindre son but comme
acquéreur individuel, le chef d'entreprise capitaliste le trouve dans le
travail salarié. Il emploie des ouvriers qui n'ont pas de moyens de production
propres et ne peuvent vivre que de la vente de leur force de travail, et il les
exploite. Pour parvenir à cette exploitation, il les oblige à accomplir un
travail dont la valeur dépasse le salaire qu'il leur paie. Le revenu
supplémentaire, ou plus-value, entre dans sa poche comme profit. Tandis que les
lois abstraites et la dynamique de ce procédé d'exploitation restent les mêmes
dans toutes les phases du développement capitaliste, les formes et les
résultats varient selon les techniques de travail, les méthodes de production,
les modes de distribution, les procès de circulation et le degré d'évolution du
système global. L'approvisionnement de la société en vivres est assuré par des
marchandises qui s'acquièrent sur le marché contre de l'argent. Mais la
possibilité de se procurer ces marchandises, l'approvisionnement du marché, le
besoin des consommateurs, le pouvoir d'achat de l'argent, la solvabilité des
acheteurs, l'accumulation du profit en vue de nouveaux investissements
productifs, la reproduction du procès de production, en définitive l'ensemble
des traits de l'économie capitaliste sont soumis à des variations incessantes.
Car elles ont pour causes des principes et des lois qui –indépendamment de la
volonté humaine – sont pour leur part soumis à un changement perpétuel.
L'économie capitaliste offre ainsi une certaine image à l'époque de l'artisanat
petit-bourgeois et du marché urbain, une autre à l'époque des manufactures, des
fabriques et du marché national, une autre encore à celle de la grande
industrie, de l'économie de cartel, du capital financier, de l'exportation et
du marché à l'échelle mondiale. Nombreuses sont les phases successives, et bien
que toutes suivent le principe capitaliste, leur suite présente un tableau fait
de variations multiples. Quand la guerre mondiale éclata, le développement du
capitalisme était arrivé au stade où les trusts nationaux luttaient contre
d'autres trusts nationaux, où la concurrence des différents groupes financiers
butait contre les frontières, où la domination du marché mondial semblait
promise à celui qui dominerait le monde par les armes. La poussée vers le
profit à l'échelle mondiale donna le mot d'ordre de la guerre mondiale. Mais à
la fin de la guerre, il fallut se rendre à l'évidence : dans chaque pays,
l'économie nationale était bouleversée de fond en comble, la balance entre le
travail et la consommation était paralysée au point d'être incapable de
fonctionner, que le pouvoir d'achat des masses s'était réduit à une peau de
chagrin, que la perte du marché mondial avait causé la banqueroute des
industries d'exportation des pays vaincus et que toute l'économie de marché
était à l'agonie. La circulation de l'argent et des biens subissait des
interruptions dévastatrices. Des inflations rongeaient les derniers avoirs. Les
banques fermaient, les caisses étaient vides et la Bourse se mourait. La
production ne rentrait plus dans ses frais. La plus-value manquait et le
capital perdait toute valeur comme source de profit pour les possédants.
L'approvisionnement de la majorité cessa avec l'arrêt de l'enrichissement de la
minorité. A ceci s'ajoutaient les charges énormes imposées aux peuples pour la
reconstruction des régions dévastées, les tributs et le remboursement des
dettes de guerre, la guérison des blessures et des dommages qu'avait causé la
guerre aux personnes et aux biens. Un mur croissant de difficultés empêchait
toute tentative de régénération. Tout n'était que décomposition et délabrement.
L'économie ? Incapable de remplir sa fonction sociale et de procurer des biens
matériels et vitaux. Le capital ? Sans profit et donc sans stimulants et sans
impulsion pour fonctionner. Les masses ? Sans travail et sans salaire et donc
sans possibilité de prolonger leur existence. L'humanité ? Incapable de
poursuivre son évolution historique... Le déclin de l'Occident semblait arrivé.
Le livre d'Oswald Spengler [Le déclin de l’Occident] connut un immense succès…
Le chaos enfanta la révolution... Le tournant historique La guerre mondiale avait
été dure. La défaite générale qui l'avait suivie fut plus dure encore, mais le
pire de tout fut l'aveuglement complet de ses participants, leur incapacité à
reconnaître la défaite. C'est pour cela que personne ne prit conscience du
contenu historique de la situation ni du côté des vaincus, ni de celui des
vainqueurs. Quoi d'étonnant à ce que les gouvernements, chargés du destin de
leurs peuples, aient fait des erreurs si graves et si fatales ? Les
gouvernements des Etats victorieux se rengorgèrent, dans l'inanité de leur
triomphe, d'un succès final chèrement payé. Ils se glorifièrent dans le monde,
ruminèrent une vengeance à l'endroit de leurs ennemis abattus et leur dictèrent
des traités de paix impitoyables, lourds de sacrifices ou ignominieux. L'individualisme,
reconverti en chose nationale et dégénéré en chauvinisme, vécut là son heure la
plus étourdissante. Si les vainqueurs avaient compris que la guerre avait été
pour eux aussi un changement de phase, un retournement radical de leurs
conditions d'existence, ils auraient sans doute adopté une autre attitude. Il
n'y aurait eu ni réparations, ni chantages matériels, pas un met de « crime et
de châtiment » Mais ils étaient ivres de l'arrogance des vainqueurs, la fureur
les avait rendus aveugles et la haine sourds. Non seulement parce qu'eux-mêmes
étaient aussi des capitalistes, dont les mauvais instincts se sont trouvés
excités par la guerre, forme ultime et sauvage de la concurrence économique,
mais surtout parce que les vaincus, maintenant livrés à leur vengeance,
n'avaient pas cessé une minute d'être les vieux loups de l'égoïsme et des
hyènes assoiffées de butins. Ils s'imaginaient trop bien, d'après leurs
récentes et sanglantes expériences, que les vaincus auraient exercé à leur
place des méthodes encore plus cruelles et plus rusées pour les soumettre et
exiger des réparations. Sans doute y eut-il des tentatives pour prôner
l'humanité et présenter les traités de paix avec bon sens et intelligence. «
Union avec les pays et les peuples vaincus pour édifier d'un libre accord une
communauté plus grande et plus enrichissante ! Fraternisation sous l'égide de
droits communs et égaux pour nos intérêts les plus hauts ! Dépassement des
limites étroites de la petite bourgeoisie nationale et union dans un état fédéral
continental ou dans une confédération internationale ! » Tels étaient les
thèses, les programmes, les manifestes et les objectifs conformes aux données
et à la situation historiques. Mais l'égoïsme des pillards les a fait taire et
la folie dominatrice des individus les a balayés des tables de conférence.
C'est ainsi que la vieille idéologie resta inentamée. Mieux, elle se donna des
fêtes bruyantes en y mettant moins de frein que jamais. Dans l'ivresse de la
victoire, le drapeau national fut hissé à tous les mâts et à tous les créneaux.
L'inflation rhétorique fêta mille fois ses orgies sur les tribunes lors
d'inaugurations de monuments aux morts. On traça de nouvelles frontières et
l'on s'empressa de doubler les barbelés et les chevaux de frise derrière les frontières,
de renforcer les troupes et de leur donner des ordres stricts. Les antagonismes
nationaux furent exacerbés avec tous les artifices de la démagogie. Derrière
cette mascarade idéologique, le vieux capitalisme privé se dressait, menaçant,
tel le phénix qui renaît de ses cendres. Qui prétendait qu'il eût abdiqué ? Où
en était la preuve ? Il fallait être fou ou visionnaire pour élever de telles
prétentions. N'était-il pas clair que la guerre lui avait permis de renaître
plus magnifique encore ! Et le capitalisme, dans son égoïsme borné, raflait de
nouveau ses profits, comme si le système d'exploitation et d'enrichissement
était sauvé à jamais de tous risques et périls. Même tableau de l'absence la
plus totale de compréhension et d'éducation politiques de l'autre côté, chez
les Etats vaincus, au premier chef en Allemagne. Ici, ce n'étaient pas
l'orgueil et le ressentiment qui empoisonnèrent la raison, mais la honte et
l'opprobre. Le vieux pouvoir avait été jeté à terre comme d'un coup de foudre.
L'empereur était un déserteur. Ludendorff un mendiant d'armistice. L'armée un
colosse vacillant. C'est une émeute populaire spontanée, mais trouble et
largement divisée dans ses objectifs, qui porta au pouvoir gouvernemental le
parti socialiste. Mais une tragique erreur voulut que les hommes choisis par
les masses pour détenir et exercer le pouvoir révolutionnaire fussent ceux-là
mêmes qui, tremblants de peur devant l'insurrection des masses et mus par des
sentiments hostiles de voir leur autorité battue en brèche, avaient déclaré «
haïr la révolution comme le péché » [Mot d'Ebert rapporté dans les souvenirs du
prince Max de Bade (Erinnerungen und Dokumente. 1927) (N.d.T.)] La bourgeoisie
démissionna, sa volonté de pouvoir étant brisée et ses espoirs déçus. Elle attendit
un nouveau cours des choses pour reprendre l'initiative. Mais l'occasion ne se
présentait pas et les hommes nouveaux regardaient, désemparés, vers les
anciens. Il s'avéra que la gauche n'était qu'un bien piètre et bien impuissant
succédané de la droite. Cette gauche était entrée dans la guerre aux côtés de
la bourgeoisie « pour défendre la patrie ». Elle avait planté là le socialisme
et abandonné son rôle révolutionnaire. Pendant toute la durée de la guerre,
elle était restée fidèle à son ennemi de classe pour le meilleur et pour le
pire. Elle avait oublié tous les principes et tous les mots d'ordre de la lutte
des classes. Tout au long de la guerre, le soutien supposé provisoire au nom de
la défense nationale s'était transformé en union permanente sous le signe de
l'unité nationale. Cette unité, destinée à être celle de la victoire, fut
finalement celle de la défaite. Cependant cette défaite offrait la chance de se
souvenir d'un passé meilleur et de revenir au lustre révolutionnaire de sa
doctrine. Elle aurait pu renverser la vapeur de sa malheureuse politique de
guerre et se laisser glisser de nouveau dans le sillage des luttes de classes.
Décision qui n'aurait pas seulement soulevé l'enthousiasme de la classe
ouvrière allemande, mais aurait également rencontré acclamations et échos de la
part de la révolution russe. Mais il est impossible de faire un lion d'un
mulet. L'alliance de guerre avec la bourgeoisie a ramené la social-démocratie
allemande à ses véritables raisons d'être. Elle n'a jamais été qu'un semblant
de mouvement socialiste. Pendant des décennies, elle a réussi à faire illusion
sur le principe, en fin de compte bourgeois, de sa nature. Jamais elle n'a
réussi à le surmonter. Elle était et resta un parti réformiste petit-bourgeois,
celui des déçus et des victimes du développement capitaliste. Ce n'était pas un
mouvement révolutionnaire, mais l'expression de la révolte des
laissés-pour-compte enragés du capitalisme. Ceci explique son empressement à
s'allier à la bourgeoisie lorsque le principe bourgeois, qui était son propre
principe, fut sérieusement menacé. De là provient l'abandon impudent de son
étiquette socialiste et de son emballage estampillé lutte-des-classes. De là
aussi sa répugnance intime et sa résistance extérieure à toute activité pouvant
logiquement conduire à la révolution. Elle était partie en guerre avec
l'enthousiasme des boutiquiers pour sauver les biens sacrés de la propriété
privée, du profit, de la nation et de l'individualisme. C'était avec
l'épouvante des boutiquiers et la mauvaise conscience des traîtres qu'elle
battait maintenant en retraite devant toute révolution qui promettait ces biens
sacrés à une ruine certaine. Le mouvement ouvrier allemand – comme, plus
largement, celui des Tchèques, des Autrichiens et des Hongrois – aurait pu
asseoir les gouvernements de gauche d'Europe centrale et orientale et, avec la
Russie, créer un pôle invincible d'orientation économique et politique face aux
démocraties occidentales. C'eût été démasquer d'un seul coup la pseudo[1]victoire
de ces Etats démocratiques et révéler leur défaite en tant que défaite
effective et définitive du système capitaliste. (...) [Une partie du manuscrit
manque ici (N.d.T.).] Ceci aurait pu être démontré pratiquement et positivement
par les peuples libérés qui auraient préparé les fondations d'un système social
vraiment socialiste en faisant valoir fructueusement leurs intérêts sociaux et
économiques. Le fort développement industriel, notamment en Allemagne, aurait
pu s'allier aux richesses de la Russie en produits agricoles et en matières
premières. La civilisation occidentale se serait fondue avec l'orientale en un
contenu culturel nouveau infiniment plus riche. L'homme capitaliste et l'homme
féodal se seraient combinés pour donner un type d'homme supérieur qui aurait
trouvé la voie menant au socialisme. A partir de là, il eût été possible
d'enfoncer les portes d'un avenir meilleur pour toute l'humanité.
Malheureusement toute la constitution de la social-démocratie allait à
l'encontre de cet objectif; c'était pour l'essentiel la constitution, tant
interne qu'externe, du prolétariat allemand. Sans parler des résistances qu’elle
a rencontrées du côté russe et qui ont empêché sa réalisation. Alors, qui dira
que la social-démocratie eut absolument tort de fonder son attitude sur les
questions qu'elle posa : « Qui a la preuve que la guerre a défait le
capitalisme en tant que système ? Où sont les signes tangibles d'une telle
affirmation ? Le prolétariat doit-il se laisser conduire par des fous et des
visionnaires et tenter le saut dans le néant ? » Les masses affaiblies, à peine
revenues du saut meurtrier dans le néant de la guerre, n'avaient ni la force ni
le courage d'une seconde tentative du même ordre. Elles n'avaient ni la
certitude, ni la conviction qu'il n'y a pas de succès, ni de développement dans
l'histoire sans ce saut dans le néant. Les boutiquiers eurent donc le dernier
mot. L'opportunisme l'emporta. La défaite militaire entraîna celle de la
révolution. Au tournant de l'histoire, aucune décision historique n'intervint.
Le fiasco allemand Il ne s'agit pas d'écrire un réquisitoire. La question peut
donc rester en suspens de savoir lesquels des représentants de la révolution
allemande ou de la révolution russe portent la plus grande responsabilité dans
le manque de coordination entre l'Allemagne et la Russie soviétique pour
édifier en commun un ordre socialiste. Les deux parties ont mal manoeuvré. Même
sans cette liaison directe avec la révolution russe, la social-démocratie
aurait été en mesure d'établir le contact avec la nécessité historique si elle
avait possédé l'organe révolutionnaire adéquat. Ce n'est pas par sa politique
de guerre qu'elle a perdu cet organe, elle ne l'a jamais possédé. Simplement,
c'est dans sa politique de guerre que cette absence devint alors évidente pour
tous. Et se trouva de nouveau confirmée dans son manquement aux tâches
révolutionnaires. Il ne semble pas superflu de considérer aujourd'hui encore
ces tâches, ne serait-ce que pour constater combien leur réalisation était
proche et quels moyens relativement minces auraient suffi. Toutes les
conditions objectives étaient réunies, il ne manquait qu'un petit rien avec
lequel le marxisme vulgaire n'a naturellement jamais compté : la volonté
subjective, la confiance en soi, le courage d'innover. Mais ce petit rien était
tout. Avec l'appel unanime à la socialisation, la révolution allemande a mis à
l'ordre du jour la tâche essentielle. Cet appel, éveillé par la révolution
russe, et martelé dans les cerveaux comme le signal de la rupture, est parti de
la classe ouvrière, s'est répercuté dans la petite bourgeoisie, s'est propagé
dans les cercles intellectuels et s'est même introduit dans les rangs de la
bourgeoisie. Le sentiment que le capitalisme s'était complètement effondré et
que sa domination était terminée était en effet général. Le sauvetage du chaos
ne semblait possible que grâce au socialisme. La devise du jour était : Hic
Rhodus, hic salta ! Les représentants officiels du parti du prolétariat ne
surent que faire de ce mot d'ordre de socialisation. Ils récitaient bravement
leur catéchisme de propagande traditionnelle et se débattaient dans le petit
réduit d'une politique sociale réformiste. Il ne leur était jamais passé par
l'esprit que la politique sociale n'est au fond que la renonciation à la
révolution, que ses acomptes ne font que rendre le capitalisme un peu plus
supportable aux masses, qu'elle endort et tue à petit feu l'intérêt et le goût
pour l'étude des problèmes révolutionnaires. Un marxisme plat et mécanique les
a fortifiés dans cette démission. Le socialisme – pensaient dans leur naïveté
ces bons apôtres – viendra tout seul dès que le prolétariat aura pris le
pouvoir. Il ne devient réalité qu'au lendemain de cette fameuse révolution.
Toute tentative visant à l'étudier comme un phénomène humain complexe et
difficile passait pour une utopie déplacée dont on ne pouvait que rire et à
laquelle il fallait s'opposer. Or, dans le tourbillon de la révolution, la rue
s'est insurgée contre ce refus commode de penser des dirigeants. Les masses
souffraient des affres de la faim aussi bien que des séquelles de la guerre.
Elles pensaient, avec raison, qu'elles ne pouvaient en être libérées que par le
socialisme. Elles ne voulaient pas être trompées une seconde fois et exigèrent
la socialisation. Et elles réussirent à imposer la formation d'une Commission
pour la socialisation qui fut chargée – aux termes du décret gouvernemental –
de « déterminer quelles branches d'industries, d'après leur développement,
étaient mûres pour être socialisées et dans quelles conditions ceci pourrait
advenir ». Le style de ce décret était aussi mauvais que les idées qu'il
contenait. On n'y faisait pas la moindre mention du programme alors répandu
partout : « Abolition de la propriété privée des moyens de production ! » Pas
un mot au sujet des expropriations, confiscations, avec ou sans indemnités. Pas
de suppression du monopole privé de l'armement, aucun contrôle d'Etat sur le
capital bancaire et financier, aucune saisie des profits de guerre. Aucune
intervention dans la puissance économique de la citadelle de toutes les
réactions, les grands domaines agraires appartenant aux Junkers, à l'est et à
l'ouest de l'Elbe. Rien de tout cela ! Ce ne fut que craintes et hésitations,
manque total de décisions et d'activité résolue, ignorance et mollesse sur tous
les points déterminants. On était au lendemain de la révolution mais le
socialisme ne s'instaurait pas de lui-même. Pour masquer ce fiasco total, les
dirigeants ouvriers, devenus hommes d'Etat, mirent tout en oeuvre pour exhorter
les masses à la patience ou pour dénaturer la situation qu'elles regardaient
d'un oeil critique et défiant. Un démagogue endurci, le leader des mineurs Hué,
le doigt vengeur levé, mit en garde son parti contre le rôle de syndic de
faillite, l'avertissant que ce n'était pas le capitalisme qui serait socialisé,
mais sa banqueroute. Otto Braun qui s'était hissé jusqu'au fauteuil de
président du conseil de Prusse déclara, avec la mine d'un homme auquel Dieu a
donné l'intelligence en même temps que la place, qu'il n'était pas de « pire
moment pour la campagne de socialisation » que celui de l'effondrement général
du capitalisme. Scheidemann, Ebert, Eisner, David et toute la clique des
leaders de deuxième et de troisième catégorie entonnèrent le même air apaisant.
Au Congrès des Conseils d'ouvriers et de soldats de Berlin, Hilferding,
l'économiste distingué de la social-démocratie, produisit un petit
chef-d'oeuvre de rapport qui visait à déprécier et saboter la tâche de la
socialisation. Tout d'abord, il en exclut par principe la production paysanne
et les industries d'exportation. Il refusa ensuite catégoriquement la formation
d'associations de production contrôlées par les ouvriers. Là-dessus, il divisa
les branches industrielles selon qu'elles étaient prêtes ou non à être
socialisées. Il inventa aussitôt tout un clavier de socialisation : intégrale,
à moitié, au quart. Pour finir, quand il ne resta plus rien du problème qu'il
avait si bien taillé, dépecé et vidé de sa substance, il exigea encore « un certain
temps » avant d'entreprendre la tâche effective de socialisation. Le dernier
mot de sa sagesse fut : « On ne socialise pas un capitalisme en faillite. Il
nous faut attendre de lui avoir rendu ampleur et vigueur. Quand nous le verrons
de nouveau sain et fort, alors nous entamerons notre oeuvre de socialisation !
» Charlatanerie dont la bêtise n'eut d'égale que l'impudence mais qui remporta
le succès escompté. Après d'infinis atermoiements, discussions, manœuvres et
détours, la Commission pour la socialisation finit par admettre le principe,
tout platonique, de la nationalisation des mines de charbon. Le résultat
pratique fut une résolution votée à la majorité, sans queue ni tête, consistant
en une proposition qui recommandait de « créer une organisation des
charbonnages qui devrait être gérée par les ouvriers, la direction des
exploitations et des représentants de l'intérêt général ». Une confusion et un
galimatias difficiles à surpasser ! Mais déjà, s'étalait sur les colonnes
d'affichage et sur les murs le tract prétentieux et mensonger signé Scheidemann
: « Le socialisme est arrivé ! La socialisation est en marche ! » Au même
moment, les troupes de Noske investissaient le bassin de la Ruhr : il
s'agissait en effet de protéger le capital des charbonnages contre la révolte
des esclaves des mines, qui, plus énergiques et mieux avisés, avaient commencé
à s'en emparer, de liquider les conseils que les ouvriers des houillères
avaient mis en place de leur propre autorité révolutionnaire, et de mettre un
terme à l'activité de la Commission des Neuf, qui poussait à une véritable
socialisation révolutionnaire. Tout ce qui est arrivé en délibération au
Parlement en fait de lois sur la socialisation, sur l'organisation des mines de
potasse, en fait de décret réglant les attributions de la Commission pour la
socialisation, ainsi que de loi sur la socialisation de l'industrie du charbon,
s'est heurté à la résistance acharnée et passionnée du capital des charbonnages
et de la finance. Les premiers signes de l'incapacité et de la faiblesse du
gouvernement social-démocrate étaient suffisants pour rendre au capitalisme le
sentiment du retour proche de sa puissance. Il a donc pu jeter à la corbeille
le programme de socialisation qui était d'un dilettantisme ridicule et le remplacer
par un programme de super-trusts capitalistes. Stinnes, qui a tiré parti de la
guerre et de la révolution, sut en faire, devant le Conseil économique du
Reich, l'objectif de ses plans audacieux pour rétablir les profits. Loin d'être
délivrées du capitalisme, les masses avaient été précipitées dans un esclavage
encore pire. Malgré tout, elles n'envoyèrent pas leurs dirigeants à tous les
diables. Les traîtres et les trahis se tenaient en grande estime. L’expérience
russe Les hommes n'apprennent rien de l'histoire. Les ouvriers non plus. Ils
auraient pu apprendre de la Russie comment on fait une révolution. Les
enseignements du modèle soviétique avaient été impressionnants et ils les ont
suivis avec enthousiasme. Mais, lorsqu'ils furent eux-mêmes surpris par les
événements révolutionnaires, ils ne surent que faire. Cela ne dépendait pas
d'eux, pas uniquement d'eux du moins, mais d'abord du fait que la Russie
n'était pas l'Allemagne et qu'une situation historique ne se répète jamais de
façon identique. C'est pour cela qu'il y a une différence frappante dans la
dynamique des deux mouvements. Le mouvement ouvrier d'Europe centrale,
notamment l'allemand, est resté en-deçà des tâches que lui fixait l'histoire,
alors que la classe ouvrière et paysanne russe y ont satisfait et au-delà. Cela
avait des raisons profondes.
Tandis que l'Allemagne
possédait un vieux mouvement ouvrier, une organisation bien implantée faisait
totalement défaut en Russie. Ne fût-ce qu'à cause de cette carence, il n'était
pas possible d'y préparer méthodiquement une révolution de grande envergure. Le
système barbare de réaction féodale que représentait le tsarisme s'était
puissamment renforcé après sa victoire sur la révolution de 1905 pour être en
mesure de réprimer avec succès dans le sang toute tentative de nouveau
soulèvement des masses. Mais, le tsarisme s'étant brusquement effondré pendant
la guerre mondiale, la tournure imprévue prise par les événements menait au
bord de l'abîme, abîme qu'il fallait absolument franchir. Les masses ne savaient
que faire. C'est alors qu'intervint une couche d'intellectuels, qui étaient
avant tout des émigrants et qui avaient reçu à l'étranger une formation
marxiste. Elle s'empara de la direction de la révolution et força le cours des
événements dans une vie déterminée, conformément aux données de sa doctrine.
C'était d'une audace, d'une témérité sans pareilles. Il s'avéra bien vite que
cette témérité avait été folle. De plus en plus rapidement, cette voie s'est
éloignée de la réalité. Dans l'abstraction de la théorie, tout était juste,
chaque pas pouvait se justifier en s'appuyant sur Marx. Seulement Marx n'avait
pas écrit pour la Russie, mais pour l'Europe occidentale hautement
industrialisée. Le gouffre se creusait entre l'idée et la réalité sans le vouloir
et sans pouvoir l'éviter, la pratique s'enfonçait à chaque pas plus
profondément dans un monde imaginaire. Le courage de l'utopie finit en utopie.
Le conflit avec le tsarisme, la propriété terrienne et la paysannerie, dans un
pays où les 4/5 de la population étaient encore occupés dans l'agriculture à la
veille de la révolution, aurait dû provoquer une révolution comme celle qu'il y
avait eu en Angleterre au milieu du 17e, en France à la fin du 18e et en
Allemagne au milieu du 19e siècle : une révolution de caractère bourgeois. De
fait, la révolution de février 1917 fut d'abord un soulèvement des masses
paysannes et du prolétariat, encore sans conscience de classe. Elle se dressa
contre le tsarisme qui, malgré son renforcement apparent depuis la révolution
de 1905, était blessé à mort dans ses bases mêmes. Elle agit sans programme
révolutionnaire particulier, comme dans un acte de défense instinctif, comme on
abat un animal enragé ou comme on écrase du pied un champignon mortel. . Si,
après cette rupture radicale, les représentants de la bourgeoisie prirent
possession des organes gouvernementaux, à leur tête Milioukov, Goutchkov,
Rodzjanko, Kerenski, entre autres, cela correspondait parfaitement à la loi de
la succession historique. C'était le tour de la bourgeoisie. C'était à elle de
prendre l'initiative et de représenter l'ordre nouveau selon le schéma
traditionnel. Il dépendait de la bourgeoisie russe d'être à la hauteur de sa
tâche historique. Réclamer la succession au pouvoir ne pouvait suffire pour l'exercer.
Il y fallait aussi les aptitudes, la force et l'efficacité. Et là, il s'avéra
rapidement que la politique bourgeoise confuse, impuissante et sans imagination
allait au fiasco. La révolution perdit ainsi très vite son caractère bourgeois.
A sa place, le facteur prolétarien prit une influence qui finit par devenir
décisive. Non seulement la bourgeoisie n'était pas à la hauteur, mais les
leaders prolétariens étaient plus conscients de leurs buts et plus instruits
politiquement, mieux préparés à leur rôle révolutionnaire. La révolution gagna
ainsi un nouveau visage, elle se mua en révolution prolétarienne. Il serait
pourtant faux d'en conclure que la révolution russe a aboli pour toujours les
lois qui régissent la succession des phases révolutionnaires. Le mécanisme de
cette loi de l'histoire de tous les peuples a démontré depuis des décennies que
le capitalisme fait invariablement et nécessairement suite au féodalisme.
Quelles seraient les raisons qui permettraient de faire une exception pour la
Russie ? Et quelles raisons y aurait-il pour que cette exception remette en
cause la validité de cette loi pour l'avenir ? Selon la logique historique, la
bourgeoisie capitaliste devait donc suivre l'aristocratie féodale dans la
domination de la Russie. Non pas le prolétariat ou le socialisme. Même pas si
quelques fractions minimes des masses révolutionnaires, voire du prolétariat
industriel, en faisaient profession. La Pravda se fit pourtant l'interprète de
cette idée dans son premier numéro de 1917 en reconnaissant comme « devoir
fondamental » de la révolution « l'institution d'un système démocratique et
républicain ». Mais la couche intellectuelle dirigeante poursuivait d'autres
buts politiques. Elle ne s'occupait pas des lois de l'histoire. Elle préférait
s'en remettre à la situation au jour le jour. Les actions de masse
s'accumulaient aussi bien en quantité qu'en qualité. La possibilité de gagner
le pouvoir en une nuit a toujours exercé un charme irrésistible. Ce fut un raz
de marée, qui voulait engloutir non seulement ses victimes mi également es
maîtres. C'est ainsi que tout le pouvoir politique tomba entre les mains des bolcheviks.
Pendant l'été 1917, Lénine soutenait encore l'idée qu'il s'agissait, après les
combats révolutionnaires, d'ériger un régime bourgeois de gauche avec une large
influence socialiste[1]prolétarienne.
Et dès octobre, les extrémistes bolcheviks obtenaient la victoire pour eux
seuls. Pour eux, il était évident que le pouvoir ainsi gagné irait dans le sens
de leurs théories politiques et de leurs objectifs socialistes. Ce qui semblait
hier encore utopie allait donc pouvoir se réaliser. La contre-révolution
féodale n'avait pas résisté à l'assaut de la révolution. Elle ne présentait
plus la moindre résistance à la prise du pouvoir par les bolcheviks. La
contre-révolution bourgeoise inclinait d'autant moins à se soumettre. Pas tant
la contre-révolution bourgeoise russe que celle du monde entier. Consciente de
la solidarité de tous les intérêts capitalistes face à l'ennemi de classe, elle
se sentait frustrée de la succession historique de la terre russe, dans le
cadre de l'histoire russe. C'est pourquoi elle a tenté d'arracher au
bolchévisme ce qui, d'après elle, lui appartenait. Tant que ces tentatives
venaient de l'extérieur et tant qu'elle a tenté de réclamer son droit
historique à l'aide d'armées d'invasion blanches, elle a échoué. Ce fut
l'exploit le plus sensationnel et l'époque la plus glorieuse du jeune
gouvernement révolutionnaire.
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