mercredi 21 avril 2021

Textes Marx & Engels

 " Le salaire ordinaire est, d’après Smith, le plus bas qui soit compatible avec la simple humanité [A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, traduit par Germain Garnier, Paris, 1802, tome I, p. 138. Les deux derniers mots sont en français chez Marx], c’est-à-dire avec une existence de bête. La demande d’hommes règle nécessairement la production des hommes comme de toute autre marchandise [loc. cit., I, p. 162]. Si l’offre est plus grande que la demande, une partie des ouvriers tombe dans la mendicité ou la mort par inanition. L’existence de l’ouvrier est donc réduite à la condition d’existence de toute autre marchandise. L’ouvrier est devenu une marchandise et c’est une chance pour lui quand il arrive à se placer."

"Et précisément la possibilité qu’a le capitaliste de donner une autre orientation à son capital a pour conséquence ou bien de priver de pain l’ouvrier * limité à une branche d’activité déterminée, ou de le forcer à se soumettre à toutes les exigences de ce capitaliste."

"L’ouvrier n’a pas seulement à lutter pour ses moyens de subsistance physiques, il doit aussi lutter pour gagner du travail, c’est-à-dire pour la possibilité, pour les moyens de réaliser son activité. Prenons les trois états principaux dans lesquels peut se trouver la société et considérons la situation de l’ouvrier en elle. 1º Si la richesse de la société décline, c’est l’ouvrier qui souffre le plus, car : quoique la classe ouvrière ne puisse pas gagner autant que celle des propriétaires dans l’état de prospérité de la société, aucune ne souffre aussi cruellement de son déclin que la classe des ouvriers [Smith, loc. cit., tome II, p. 162]. [III] 2º Prenons maintenant une société dans laquelle la richesse progresse. Cet état est le seul favorable à l’ouvrier. Là intervient la concurrence entre les capitalistes. La demande d’ouvriers dépasse l’offre. Mais : D’une part, l’augmentation du salaire entraîne l'excès de travail parmi les ouvriers. Plus ils veulent gagner, plus ils doivent sacrifier leur temps et, se dessaisissant entièrement de toute liberté, accomplir un travail d’esclave au service de la cupidité. Ce faisant, ils abrègent ainsi le temps qu’ils ont à vivre. Ce raccourcissement de la durée de leur vit est une circonstance favorable pour la classe ouvrière dans son ensemble, parce qu’elle rend sans cesse nécessaire un apport nouveau. Cette classe doit toujours sacrifier une partie d’elle-même pour ne pas périr dans son ensemble. En outre : Quand une société se trouve-t-elle en état d’enrichissement croissant ? Quand les capitaux et les revenus d’un pays augmentent. Mais ceci est possible seulement a) si beaucoup de travail est amoncelé, car le capital est du travail accumulé ; donc si une partie toujours plus grande de ses produits est enlevée des mains de l’ouvrier, si son propre travail s’oppose à lui de plus en plus en tant que propriété d’autrui et si ses moyens d’existence et d’activité sont de plus en plus concentrés dans la main du capitaliste. b) L’accumulation du capital accroît la division du travail. La division du travail accroît le nombre des ouvriers ; inversement, le nombre des ouvriers augmente la division du travail, tout comme la division du travail augmente l’accumulation des capitaux. Du fait de cette division du travail d’une part et de l’accumulation des capitaux d’autre part, l’ouvrier dépend de plus en plus purement du travail, et d’un travail déterminé, très unilatéral, mécanique. Donc, de même qu’il est ravalé intellectuellement et physiquement au rang de machine et que d’homme il est transformé en une activité abstraite et en un ventre, de même il dépend de plus en plus de toutes les fluctuations du prix du marché, de l’utilisation des capitaux et de l’humeur des riches. L’accroissement de la classe d’hommes [IV] qui n’ont que leur travail augmente tout autant la concurrence des ouvriers, donc abaisse leur prix. C’est dans le régime des fabriques que cette situation de l’ouvrier atteint son point culminant. c) Dans une société dans laquelle la prospérité augmente, seule les plus riches peuvent encore vivre de l’intérêt de l’argent. Tous les autres doivent soit investir leur capital dans une entreprise, soit le jeter dans le commerce. Par suite, la concurrence entre les capitaux s’accroît donc, la concentration des capitaux devient plus grande, les grands capitalistes ruinent les petits et une partie des anciens capitalistes tombe dans la classe des ouvriers qui, du fait de cet apport, subit pour une part une nouvelle compression du salaire et tombe dans une dépendance plus grande encore des quelques grands capitalistes ; du fait que le nombre des capitalistes a diminué, leur concurrence (laits la recherche des ouvriers n’existe à peu près plus, et du fait que le nombre des ouvriers a augmenté, leur concurrence entre eux est devenue d’autant plus grande, plus contraire à la nature et plus violente. Une partie de la classe ouvrière tombe donc tout aussi nécessairement dans l’état de mendicité ou de famine, qu’une partie des capitalistes moyens tombe dans la classe ouvrière. Donc, même dans l’état de la société qui est le plus favorable à l’ouvrier, la conséquence nécessaire pour celui-ci est l’excès de travail et la mort précoce, le ravalement au rang de machine, d’esclave du capital qui s’accumule dangereusement en face de lui, le renouveau de la concurrence, la mort d’inanition ou la mendicité d’une partie des ouvriers."

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