s. f. (latin methodus ; grec
methodos) L'ordre qu'on met, qu'on suit pour dire, enseigner ou faire quelque
chose, pour arriver à un but constitue une méthode. La manière d'être ou d'agir
prend ce nom occasionnellement. L'ouvrage qui contient, rangés dans un ordre de
progression logique, les principaux éléments d'une science, d'un art, s'appelle
méthode. En philosophie, la marche rationnelle de l'esprit pour arriver à la
connaissance ou à la démonstration de la vérité. Ainsi la règle employée pour
faire une démonstration scientifique prend le nom de méthode. Dès lors la
méthode nous apparait comme une démonstration par le raisonnement. En fait de
raisonnements, s'il en est de bons, il en est aussi de mauvais, de sorte qu'il
en est de même des méthodes. « Si, dit Colins, les hommes ont généralement mal
raisonné, il ne faut pas en conclure qu'ils raisonnent toujours mal ; la
nécessité sociale les forcera à bien raisonner ou à disparaitre. » Il est plus
difficile que certains ne pensent de bien raisonné, et surtout d'employer la
bonne méthode pour arriver à cette fin, parce que les préjugés sont vivaces. La
première chose à faire consiste à se défaire des préjugés qui faussent
l'intelligence, comme la méthode à employer pour bien raisonner consiste à
oublier ce que l'on croyait savoir pour y substituer ce qu'on saura. Cette
méthode nous paraît la meilleure pour acquérir les connaissances qu'on ignore.
L'expérience nous permet de constater que les enfants apprennent bien plus vite
que les personnes âgées. Cela se comprend. Les enfants ne savent pour ainsi
dire rien ou bien peu, ils ont plus ou moins conscience de leur état
d'ignorance ; aussi sont-ils portés à s'instruire volontairement. Il en est
tout autrement des hommes, qu'on appelle instruits, quand il s'agit de
s'assimiler une autre règle, de suivre une autre méthode pour acquérir une
instruction dont ils ne soupçonnent pas le besoin. « Les hommes instruits, dit
de Potter, croient savoir, et même bien savoir, tout ce qui est du domaine de
l'intelligence. Leur vanité ne leur permet pas de supposer qu'aucune raison
personnelle puisse avoir un horizon plus étendu que le leur. Il en est ainsi
parce que ces hommes reculent devant le travail de se faire enfant pour se
former un autre raisonnement, un langage nouveau dont ils n'avaient pas même
l'idée. Ils feignent d'ignorer que tout doit changer, jusqu'aux expressions ou
du moins jusqu'à la valeur vague, jusqu'ici impropre, souvent fausse qu'on leur
avait enseignée. » Nos savants oublient que ce qui était relativement bon pour
le passé, devient mauvais dans le présent et ne peut plus, pour l'avenir, être
base d'ordre. Malgré les déceptions que les systèmes plus ou moins empiriques
apportent dans la vie sociale, ces mêmes personnes ne se résoudront que bien
difficilement à chercher et à trouver une nouvelle voie qui leur donne la
preuve de leurs fautes en les orientant vers la vérité. Acculé dans ses
derniers retranchements, le savant de nos jours consentira péniblement à
adopter par-ci, par-là, quelques modifications qu'il engrènera, au petit
bonheur des circonstances, dans son système, espérant ainsi opérer une
rénovation générale. Il ne réfléchit pas assez qu'un système est une œuvre tout
d'un jet ou d'une pièce qui doit, non seulement exposer le but qu'il poursuit,
mais démontrer les possibilités de l'atteindre. Que le prolétaire, l'opprimé,
le déshérité s'intéresse à ajuster, à coudre un morceau de tissu neuf sur un
habit usé, la nécessité lui en fait souvent une obligation dans notre société ;
mais que les classes possédantes, qui sont plus ou moins les classes
dirigeantes, fassent une obligation légale aux classes laborieuses et opprimées
de vivre de privations, alors que la société générale regorge de richesses,
n'est et ne peut être que le résultat, la mise en pratique d'une mauvaise
méthode. Ainsi, au point de vue social qui nous intéresse particulièrement, la
méthode employée jusqu'à ce jour ne permet pas de pouvoir espérer une
rénovation sérieuse et scientifique des conditions d'existence des opprimés qui
n'ont rien à espérer de bon de l'organisation sociale de nos jours. Une
méthode, pour être réellement scientifique, doit se présenter dans le cadre de
l'harmonie générale, elle ne doit pas viser à tasser des choses disparates ni à
accoupler des choses inconciliables. D'un bon raisonnement, d'une bonne méthode
appliquée à la vraie science dépend le bonheur domestique et social. C'est vers
cette méthode et cette science que les efforts de l'Humanité doivent tendre. –
Elie SOUBEYRAN
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