jeudi 27 janvier 2022

MÉTAPSYCHIE encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure

 


Notre époque pourrie de matérialisme, qui ne voit rien au-delà de la jouissance immédiate, nie le mystère qui est partout, qui nous enveloppe des pied à la tête. Mystère auquel les métaphysiques et les religions ont apporté différentes réponses et que les sciences psychologiques et physiologiques tentent d'expliquer à leur tour. Mystère qui recule à mesure que notre pauvre savoir tente de le dissiper. Ne désespérons pas, cependant. Un jour viendra peut-être où nous pourrons enfin connaître la réalité cachée sous les apparences. Quelques-uns de ses « secrets » nous ont été révélés. En ce qui concerne la vie mystérieuse du « moi », des faits inexpliqués, qualifiés de surnaturels par les cerveaux malades, deviennent explicables : l'auto-suggestion explique jusqu'aux « miracles ». La vie est pleine de miracles ; ils obéissent à des lois aussi naturelles que la chute des corps ou l'attraction universelle. Dans la vie humaine tout entière, l'inconnu joue un rôle, et bien sot qui ose le nier. Le mystère nous entoure. Nous vivons dans le mystère. Nous en sommes imprégnés. Quand il n'existe pas, nous le créons. Tout est mystère en nous et hors de nous. La vie ? La mort ? Que sont-elles, nous n'en savons rien. Un phénomène physico-chimique ? Mais cela n'explique rien. Ne compliquons pas les choses en les obscurcissant par nos théories. Dernière venue parmi les sciences nées de l'étude du mystère, la « métapsychie » a apporté sa précieuse collaboration à la psychologie et à la métaphysique. Elle tient d'ailleurs de ces deux disciplines. On ne peut nier le puissant intérêt que présentent les recherches métapsychiques. Elles tendent à démontrer qu'un ensemble de phénomènes qu'on considérait à tort jusqu'ici comme surnaturels peuvent être étudiés expérimentalement. Tout un côté obscur de l'âme humaine est ainsi mis en lumière. On explique désormais normalement des faits qui semblaient anormaux. Rien de plus naturel que ces faits. Encore une science qui combattra la superstition. La métapsychie peut avoir de grosses conséquences en sociologie et en morale. Le surnaturel – ou ce qui passe pour l'être – imprègne tous nos gestes. Par l'étude de ces faits peut être modifiée la conduite de l'individu. Il peut agir sur sa destinée. J'entends d'ici les journalistes, gens prêts à blaguer ce qu'ils ne comprennent pas : « Les métapsychistes sont des fumistes. Leurs expériences sont truquées. Elles ne prouvent rien. Tout le monde peut en faire autant... La métapsychie, quelle bonne blague ! Aimez-vous les médiums ? On en a mis partout. Méfions-nous des médiums, ce sont gens capricieux. Il y en a pour tous les goûts et même pour tous les dégoûts. Ectoplasme rime avec cataplasme... » etc... Ces gens-là confondent tout: spiritisme, magnétisme, tables tournantes, maisons hantées, marc de café, médiumnité, fakirisme, satanisme, magie, corps astral, sur-âme... Ils embrouillent les questions, selon leur habitude. Ne portons pas grande attention aux critiques qu'ils adressent aux chercheurs désintéressés. Suivons avec intérêt les travaux de ces derniers. Il y a une vraie et une fausse métapsychie. Ne tenons compte que des recherches sérieuses dues à de véritables savants. La métapsychie n'en est qu'à ses débuts. Faisons lui crédit, comme nous le faisons à toutes les parapsychologies de l'avenir. Ne nions pas ce qu'il y a de sérieux au fond de cette « métapsychie » blaguée par les sceptiques du boulevard. L'après-guerre lui donne un aspect de nouvelle religion : la religion de ceux qui n'en ont pas. Elle est la preuve que l'esprit ne peut se contenter du fait brutal qui tombe sous les sens. Il y a d'autres faits qui, pour ne pas tomber immédiatement sous les sens, n'en sont pas moins réels. On expliquera un jour ou l'autre par la télépathie ou la médiumnité certains faits qualifiés d'étranges, aussi facilement qu'on explique la forrnation des nuages ou la condensation de la pluie. La physico-biologie dira son mot dans ce domaine, comme elle le dit dans tant d'autres. N'excluons pas de la science ce que nous ne comprenons pas. Nous savons peu de chose en face de ce que nous avons encore à connaître. Laissons lui le temps de mettre au point ses méthodes. La psychanalyse pourra également venir en aide à la métapsychie en recourant elle-même aux méthodes de la science. La métapsychie ne pourra pas plus se passer de son concours que de celui de la chimie ou de la physique mathématique. Il y a tout un ensemble de sciences occultes qui côtoient la métapsychique : chiromancie, onomancie, astromancie et autres. C'est un legs que nous a fait le Moyen Âge, entre tant d'autres legs. Il sied de ne pas trop s'attarder en leur compagnie : on deviendrait fou. Il faut n'en prendre qu'une faible dose si l'on veut conserver son équilibre. Certes, l'occulte vaut d'être étudié, mais avec prudence. Il convient de contrôler les preuves apportées par les occultistes et de ne pas prendre à la lettre tout ce qu'ils racontent. Gardons-nous d'ajouter foi aux boniments des charlatans. Des gens ont l'habitude d'accepter les yeux fermés tout ce qui sert leurs théories. Ils sont aveugles. Ils permettent aux charlatans de se faire prendre aux sérieux. Les recherches occultes offrent de l'intérêt. Ne les repoussons pas de parti[1]pris. Mais méfions-nous des mystificateurs. Ils sont légion. Leurs « fumisteries » jettent le discrédit sur des recherches louables. Le mercantilisme fait ici des siennes, comme partout ailleurs. Les pires indésirables prennent part aux « expériences », « séances » et autres « réunions » plus ou moins spirituelles. Il y a là d'étranges abus. Charlatans et naïfs font autant de mal. Il est bien difficile de démêler ici la bonne foi du mensonge. Il importe de se méfier, non seulement des « fumistes », mais des gens qui voient partout de la « fumisterie ». Ils sont aussi dangereux. Dans le domaine des sciences occultes, que d'erreurs à combattre ! Les charlatans sont ici les maîtres. La mystification fait son œuvre. Agissons avec prudence et ne nous fions pas au premier venu. Robert Houdin nous amuse, sans essayer de nous convaincre. Il n'est que prestidigitateur. Combien de gens essaient de nous convaincre de ce qui n'existe pas, sans être eux-mêmes convaincus. –

GÉRARD DE LACAZE-DUTHIERS

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