Tiré de Socialisme ou Barbarie, "L ouvrier américain" par Paul Romano Partie 1
Introduction
Je suis un jeune ouvrier qui approche de la trentaine. J'ai passé toutes ces dernières années au sein de l'appareil productif du pays le plus hautement industrialisé du monde. La plus grande partie de mes années de travail s'est passée dans des industries où régnait la production de masse, au milieu de centaines et de milliers d'autres ouvriers. Leurs sentiments, leurs soucis, leurs joies, leurs lassitudes, leurs fatigues, leurs colères, je les ai tous partagés d'une manière ou d'une autre. Lorsque je parle de "leurs sentiments" j'entends ceux qui sont en relation directe avec les réactions provoquées par le système moderne de production à grandes vitesses. Je suis encore aujourd'hui dans une usine - l'une des compagnies géantes du pays.
Cette brochure est écrite à l'intention de la base ouvrière et son objet est d'exprimer ses pensées les plus intimes dont les ouvriers ne parlent que très rarement même à leurs camarades de travail. En tenant pour ainsi dire un journal de la vie quotidienne à l'usine j'espère révéler les causes du profond mécontentement des ouvriers qui ces dernières années a atteint son point culminant et qui s'est exprimé dans les grèves et débrayages spontanées de ces temps de ces temps derniers.
L'ébauche de cette brochure a été distribuée à des ouvriers dispersés sur tous les points du territoire. Leur réaction a été unanime. Ils étaient à la fois surpris et heureux de voir imprimées en toutes lettres les impressions et les pensées qu'eux-mêmes n'avaient que rarement exprimé avec des mots. Les ouvriers sont trop épuisés lorsqu'ils rentrent de l'usine pour avoir le courage de lire autre chose que leurs "comics" quotidiens. Pourtant, la majorité des ouvriers qui lurent cette brochure veillèrent tard dans la nuit pour aller jusqu'à la fin une fois qu'ils l'eurent commencée.
Par contre la réaction d'intellectuels sans contacts avec la classe ouvrière, à la lecture de cette brochure, offre un contraste frappant: pour eux ce n'était là que la réédition d'une histoire souvent écrite. Ils étaient déçues. Il y avait trop de saleté et de bruit là-dedans. Ils ne pouvaient pas saisir ce que les mots exprimaient. Ils ne trouvaient rien d'autre à dire que : "Et alors?" Il fallait s'y attendre. Comment des gens aussi étrangers à l'existence quotidienne des masses laborieuses de ce pays auraient-ils pu comprendre la vie des ouvriers que seuls les ouvriers sont à même de comprendre.
Je n'écris pas pour amener ces intellectuels à approuver les actions ouvrières ou à sympathiser avec elles. Mon intention est bien plutôt de montrer concrètement aux ouvriers eux-mêmes que souvent à l'instant même où ils pensent que leur condition est sans issue, leurs réactions et leurs propos quotidiens prouvent qu'il existe une voie ouverte à des changements radicaux.
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