Les hommes se sont toujours
efforcés de connaître leur milieu de vie pour s'y adapter et surtout pour
l'adapter à leurs besoins. Ils ont connu ce milieu, grâce il leurs organes des
sens ; à leurs oreilles, à leurs yeux, etc. Mais ces organes ne leur ont permis
d'avoir que des connaissances imparfaites et fragmentaires. « L'œil, par
exemple, ne perçoit pas la dixième partie du spectre lumineux ; s'il pouvait
distinguer les radiations émanées de tous les êtres vivants en raison de leur
température, il les verrait clairement pendant la nuit. L'être que nous
percevons est une forme fictive créée par nos sens. Si nous parvenions a le
contempler tel qu'il existe réellement entouré de la vapeur d'eau qu'il exhale,
du rayonnement que sa température engendre, ce même être nous apparaîtrait sous
l'aspect d'un nuage aux changeants contours. » (Dr Gustave Le Bon.) Même dans
le domaine qui leur est accessible, nos organes des sens nous induisent souvent
en erreur ; lorsque nous nous ennuyons le temps nous paraît plus long ; si,
avec notre main, nous voulons comparer les poids d'une boîte de carton et d'une
balle de plomb, nous risquons fort de nous tromper car les objets plus gros
paraissent plus légers que les objets de même poids, mais plus petits, etc. Il
est un premier moyen de nous préserver contre les erreurs dans les rapports que
nous font nos organes des sens, c'est d'éduquer ces organes. Par l'exercice nos
sens se perfectionnent : « Un marin distingue la forme et la structure d'un
navire sur la mer, quand le passager ne voit encore qu'un point trouble et
informe. Un Arabe dans le désert distingue un chameau et peut dire à quelle
distance il se trouve, alors qu'un Européen ne voit absolument rien. » (Dr E.
Laurent.) Il est d'autres moyens de nous garder contre les erreurs et
d'accroître nos connaissances ; ce sont d'abord : le contrôle du rapport d'un
organe des sens par le rapport d'un autre organe (ou de plusieurs) : l'œil, par
exemple, en nous renseignant sur la nature d'un objet peut nous prémunir contre
l'illusion de poids que nous venons de signaler ; la comparaison plus
minutieuse grâce au calcul et à l'expérimentation : Jean et Pierre ont chacun
un sac de billes, ils voient bien qu'ils en ont autant ou presque autant, en
les comptant ils seront plus exactement renseignés ; ces mêmes bambins viennent
à l'école en suivant des sentiers et des chemins différents, quel est celui qui
a la plus longue distance à parcourir ? Pierre est convaincu que c'est lui,
mais Jean fait observer que sur son chemin à lui il y a des arbres, des
maisons, une mare, etc. qui attirent l'attention, distraient l'esprit et font
paraître plus court le temps passé a parcourir ce chemin comme aussi ce chemin
lui-même, enfin nos bambins, pour la même raison, décident de mesurer leur
chemin, comme ils ont mesuré le contenu de leurs sacs de billes ; chacun d'eux
comptera le nombre de pas qu'il doit faire pour venir à l'école. Ces deux cas
suffisent pour nous montrer que la mesure est une opération imaginée par
l'homme pour rendre ses comparaisons moins imprécises et moins subjectives.
Mais l'on ne passe pas tout d'un coup de l'imprécision à la précision, de la
subjectivité à l'objectivité... Imaginons que les enfants, dont nous parlions
tout à l'heure, réalisent leur projet et que Pierre et Jean nous disent le
lendemain combien chacun d'eux a fait de pas pour venir à l'école ; si les
nombres sont quelque peu rapprochant nous resterons dans le doute, car nous
savons que le pas du premier est plus (ou moins) long que celui du second. Nous
arriverions à un peu moins d'imprécision si un seul de ces enfants, s'efforçant
de marcher d'un pas égal, comptait le nombre de pas qu'il doit faire pour
parcourir chacune de ces deux distances, la mesure en ce cas serait ainsi moins
subjective que dans le cas précédent. Cette mesure serait pourtant loin d'être
précise, il est difficile de marcher d'un pas égal, surtout s'il se trouve un
bout de chemin accidenté, pierreux ou creusé d'ornières. En définitive, les
mesures naturelles – le pas, le pouce, le pied, la brassée, la poignée, la
pincée etc. – suffisantes pour certaines nécessités de la vie pratique et qui,
à cause de cela, sont encore utilisées journellement, n'apportent qu'une
documentation tout approximative. Et leur précision devient de plus en plus
insuffisante à mesure que la civilisation se développe. Un progrès fut réalisé
par l'étalonnage de ces mesures naturelles. Si, pour en revenir à notre
exemple, ni Pierre, ni Jean ne peuvent marcher d'un pas exactement égal, ils
peuvent convenir de couper une baguette de la longueur du pas de l'un d'eux et
de s'en servir d'instrument de mesure. Si nous négligeons les erreurs subjectives
résultant d'un emploi plus ou moins attentif et habile de cet instrument, nous
pourrons dire que Pierre et Jean vont pouvoir comparer objectivement, grâce à
cet instrument de mesure, les distances qu'ils ont à parcourir pour se rendre
en classe. Ils pourront même prêter leur baguette à quelques camarades désireux
de suivre leur exemple. Si quelques-uns de ces derniers sont pressés, ils
pourront encore imaginer de couper d'autres baguettes, chacune de ces baguettes
ayant, aussi exactement que possible, la même longueur que la baguette
primitive. Celle-ci sera ainsi devenue une baguette étalon qu'on pourra
utiliser comme instrument de contrôle pour la confection de baguettes
analogues. Il est possible aussi que, dans un autre lieu, d'autres enfants,
plus grands ou plus petits, imaginent d'autres mesures naturelles, qui pourront
être les mêmes que celles imaginées par le groupe précédent mais qui pourront
aussi être différentes. Ce pourra être, par exemple, non plus la longueur du
pas mais celle de l'avant-bras et de la main étendue qui servira de mesure pour
les longueurs... Dans ce cas encore les nécessités de la vie groupale amèneront
les individus qui veulent se comprendre, œuvrer ensemble ou échanger, à
éclairer et régulariser leurs données et leurs comparaisons, bref à étalonner
une mesure choisie. La fantaisie de chacun ne peut apporter la rigueur
nécessaire aux échanges, il faut qu'un accord intervienne sur une mesure-type
et que la convention acceptée devienne d'observation courante. Discipline
finalement bienfaisante et qui, si l'on en pénètre intelligemment les vertus,
peut être amiable, tacite, libérée de la contrainte d'une codification
tyrannique. Mais là encore il apparaît que la vie sociale n'est pas possible
sans une certaine restriction de la liberté, sans un certain effort de chaque
individu pour se mettre à la portée des autres en adoptant même langage, mêmes
mesures, mêmes mœurs, etc. Imaginons maintenant que deux enfants appartenant à
nos deux groupes différents se rencontrent et évaluent des longueurs, l'un en
pas, l'autre en coudées ; les nombres qui exprimeront ces longueurs ne
permettront pas des comparaisons précises puisqu'ils s'appliqueront à deux
unités de mesure différentes et nos deux enfants devront choisir entre ces deux
unités de mesure ou en imaginer une troisième. Pour les mêmes raisons les
hommes vivant en société ont, successivement, utilisé des mesures naturelles ;
puis créé des étalons de mesure ; enfin – dans un effort pour plus
d'objectivité, de simplicité et de logique – recherché un système international
de mesures. Pour faire comprendre un autre aspect du progrès dans le choix des
unités de mesure nous pouvons prendre à nouveau des enfants en exemple. Il
suffit de les observer dans leurs jeux. Comptent-ils toujours les longueurs,
qu'ils doivent mesurer dans certains jeux (billes, bouchons, etc.), en pas ?
Ceci devient impossible lorsque les longueurs à comparer sont inférieures à un
pas, il leur faut alors imaginer d'autres unités de mesure : pied, pouce, etc.,
qui leur permettent de mesurer avec assez de précision et de rapidité. De même
la ménagère qui fait sa soupe n'emploie pas la même mesure naturelle pour
mesurer le poivre (pincée) que celle qu'elle utilise pour la mesure du sel
(poignée). Pour satisfaire tout à la fois leurs besoins de précision et de
rapidité dans la mesure, les hommes vivant en société emploient, suivant les
cas, des unités différentes de mesure dont les unes sont dites unités
principales et dont les autres sont des unités secondaires : pour les longueurs
l'unité principale est le mètre mais si je mesure la largeur d'une planche, par
exemple, j'exprimerai le plus souvent cette dimension en centimètres ; le
centimètre est l'une des unités secondaires de longueur. *** Ainsi ce sont les
besoins de la vie pratique, surtout sociale qui sont à l'origine de la mesure
et qui ont tout d'abord, et avant toutes autres causes, provoqué un
perfectionnement des moyens de mesure. Mais la mesure a acquis aussi, peu à
peu, une importance considérable à l'égard des recherches scientifiques. « Les
rapports entre les phénomènes, rapports dont la découverte est l'objet même de
la science, sont le plus souvent tellement marqués par divers facteurs
connexes, qu'il est nécessaire, pour les mettre en lumière, d'une mesure
délicate. Ce n'est qu'en mesurant deux phénomènes dans des circonstances
différentes qu'on peut établir si leurs variations sont concomitantes, et par
conséquent s'il existe entre eux une certaine relation. » (Claparède). « La
mesure n'est au fond qu'un artifice employé par l'intelligence humaine pour
s'aider dans l'analyse délicate des phénomènes complexes. » (Decroly). On ne
mesure pas pour le plaisir de mesurer mais pour analyser, pour voir s'il y a,
ou s'il n'y a pas, une relation – et laquelle –entre deux phénomènes. « Il n'y
a pas de science sans mesure. » (Ch. Féré). Comme Goujon, nous croyons que
cette affirmation est un peu trop catégorique. Certes, pour être réellement
mesurable, les grandeurs doivent obéir aux lois d'équivalence et d'additivité
et il est des phénomènes, ceux de conscience par exemple, qui sont des
qualités, c'est-à-dire des valeurs plutôt que des grandeurs, qui ne peuvent se
réduire à un continu homogène et n'ont par conséquent rien de quantitatif. Les
sciences les plus complexes doivent se contenter du repérage, indiqué par
Goujon ; de la sériation, ou mise en ordre d'un groupe de grandeurs
discontinues et des mesures indirectes. Ainsi que l'indique Goujon la
température n'est pas mesurable mais repérable bien qu'une loi sur les unités
de mesure (2 avril 1919) veuille définir l'unité de mesure des températures.
Les savants ne sont pas d'accord en ce qui concerne la mesure du temps. « Le
temps psychologique n'est pas continu parce que les instants qui le composent
sont formés de phénomènes perçus l'un après l'autre. » (Euriques). Cependant «
nous avons la sensation du rythme de certaines séries acoustiques que nous
appelons isochrones ; les différentes séries de sons, que nous percevons comme
isochrones, nous fournissent des mesures de temps comparables entre-elles, et
nous amènent ainsi, bien qu'avec une exactitude restreinte à une même
appréciation des durées égales, et, par conséquent, à, une même mesure
naturelle du temps. » (Euriques). L accord des horloges entre elles – des
horloges de précision s'entend – et avec les observations astronomiques, nous
paraît prouver la possibilité de la mesure du temps physique. Le langage
populaire ne s'embarrasse pas de toutes ces difficultés et de toutes ces
distinctions ; le commerçant parle du « poids » de ses marchandises alors que
pour le savant il s'agit, en réalité, de leur « masse ». Le poids d'un corps
est une grandeur qui varie selon la latitude et l'altitude ce mot « poids »
doit éveiller en nous l'idée de l'attraction des corps par la terre. La masse
ou quantité de matière des corps est par contre une quantité invariable qui ne
dépend ni de l'altitude, ni de la latitude. Des savants eux-mêmes emploient le
mot mesure lorsqu'il s'agit en réalité dune sériation, d'une comparaison aussi
objective que possible, c'est ainsi que l'on parle de la mesure de l'attention,
de la mémoire, de l'intelligence, etc.
***
« Dans les mesures proprement
dites, le choix arbitraire de l'unité est en principe indifférent, mais il est
indispensable d'arriver à une convention uniforme, afin que les chiffres donnés
par différents expérimentateurs soient comparables, sinon la confusion serait
extrême. Cela est cependant difficile pour deux raisons. En premier lieu, il ne
convient pas d'employer la même unité pour des grandeurs très différentes de la
même propriété, sans quoi les mesures seraient exprimées par des nombres ayant
trop de chiffres figuratifs. Pour éviter ce premier inconvénient, on peut
prendre des unités différant dans le rapport de 1 à 1000 ; de cette façon les
confusions ne sont guère possibles. On emploie ainsi pour les longueurs le
kilomètre, le mètre et le micron ; pour la quantité de chaleur la grande et la
petite calorie. Une seconde difficulté résulte de traditions anciennes
difficiles à déraciner. Jusqu'à la Révolution on employa, en France, des
mesures qui présentaient deux inconvénients principaux : 1° une confusion
extrême : un même mot pouvait désigner plusieurs unités de valeurs différentes
; 2° les subdivisions des différentes unités n'étaient pas en rapport avec
notre système de numération qui était et est encore décimal. En 1790, la
Constituante adopta un projet d'unification des unités de mesure. De 1792 à
1799 un arc du méridien de Paris, entre Dunkerque et Barcelone fut mesuré, on
en déduisit la longueur totale du méridien et la quarante millionième partie de
cette longueur fut prise pour unité de longueur et reçut le nom de mètre. Le
mètre servit de base à toutes les autres unités du nouveau système dit système
métrique et ce système dit aussi système des poids et mesures – à tort car les
poids sont des mesures, comme les longueurs, les surfaces, etc. – employa le
système décimal pour les multiples et les sous multiples. Ce n'était pas là le
terme du progrès. En 1881 un congrès d'électriciens adopta le système C. G. S.
ayant pour bases le centimètre, le gramme et la seconde. Un troisième système
connu sous le nom de système M. K. S. prend comme unités de mesures le mètre,
le kilogramme et la seconde. Enfin une loi sur les unités de mesure, du 2 avril
1919 (Journal officiel, 4 avril 1919) impose un nouveau système, dit système M.
T. S., parce qu'il a comme unités fondamentales le mètre, pour les longueurs ;
la tonne, pour les masses et la seconde, pour le temps. Cette loi était
justifiée par les progrès scientifiques et industriels ; l'énergie électrique,
par exemple, est aujourd'hui de vente courante et exige l'emploi d'unités
spéciales qu'il était utile de fixer comme l'étaient les unités de longueur, de
surface, de volume, etc. De cette loi qui n'apportait nul changement à notre
système monétaire, nous extrayons le tableau des unités principales : Longueur.
L'unité principale de longueur est le mètre. L'étalon pour les mesures de
longueur est le mètre, longueur définie à la température de 0 degré par le
prototype international en platine iridié qui a été sanctionné par la
conférence générale des poids et mesures, tenue à Paris en 1889, et qui est
déposé au pavillon de Breteuil, à Sèvres. L'unité de longueur, de laquelle
seront déduites les unités de la mécanique industrielle, est le mètre. Masse.
L'unité principale de masse est le kilogramme. L'étalon pour les mesures de
masse est le kilogramme. L'unité de masse, de laquelle seront déduites les
unités de la mécanique industrielle est la tonne, qui vaut 1000 kilos. Temps.
L'unité principale de temps est la seconde. La seconde est la fraction 1/86400
du jour solaire moyen. L'unité de temps, de laquelle seront déduites les unités
de la mécanique industrielle est la seconde. Électricité. Les unités
principales électriques sont l'ohm, unité de résistance, et l'ampère, unité
d'intensité de courant, conformément aux résolutions de la conférence des
unités électriques, tenue à Londres en 1908. L'étalon pour les mesures de
résistance est l'ohm international qui est la résistance offerte à un courant
électrique invariable, par une colonne de mercure à la température de la glace
fondante, d'une masse de 14,4521 grammes, d'une section constante et d'une
longueur de 106.300 centimètres. L'ampère international est le courant
électrique invariable qui, en passant à travers une solution de nitrate
d'argent dans l'eau, dépose de l'argent en proportion de 0,00111800 grammes par
seconde. Température. Les températures sont exprimées en degrés centésimaux. Le
degré centésimal est la variation de température qui produit la centième partie
de l'accroissement de pression que subit une masse d'un gaz parfait quand, le
volume étant constant, la température passe du point 0° (température de la
glace fondante) au point 100° (température d'ébullition de l'eau), tels que ces
deux points ont été définis par la conférence générale des poids et mesures de
1889 et par celle de 1913. Intensité lumineuse. L'unité principale d'intensité
lumineuse est la bougie décimale dont la valeur est le vingtième de l'étalon
Violle. L'étalon pour les mesures d'intensité lumineuse est l'étalon Violle,
source lumineuse constituée par une aire égale à celle d'un carré d'un
centimètre de côté prise à la surface d'un bain de platine rayonnant
normalement à la température de solidification, conformément aux décisions de
la conférence internationale des électriciens, tenue à Paris en 1884 et du
congrès international des électriciens, tenu à Paris en 1889. » Nous avons cité
intégralement ce tableau pour en tirer quelques remarques. D'abord la loi a
suivi, avec assez de retard même, des progrès dans la mesure résultant de
progrès industriels et commerciaux comme aussi des accords scientifiques
internationaux réalisés par des savants. La loi sur les unités de mesure a
sanctionné des mesures adoptées, tout comme la loi sur les syndicats ouvriers a
sanctionné des libertés conquises par la classe ouvrière. Une deuxième remarque
s'impose. Alors qu'on s'est efforce et qu'on s'efforce encore de montrer aux
écoliers la logique du système métrique en faisant dériver les unités des
mesures de surfaces, de volumes, de capacités, de poids, et des monnaies, d'une
seule unité principale, le mètre, dont la longueur serait elle-même déterminée
avec précision par notre globe, le tableau précédent ne laisse pas apparaitre
un tel enchaînement. C'est que cet enchaînement était en grande partie
artificiel et que ses données étaient légèrement inexactes : un décimètre cube d'eau,
aux conditions indiquées ordinairement ne pèse pas tout à fait un kilogramme ;
la différence est inférieure à un trentième de gramme mais n'en existe pas
moins. Ainsi les unités des mesures de poids, de masse, etc., sont
indépendantes de l'unité des mesures de longueur. Ce n'est pas tout. En
mesurant le méridien on a commis des erreurs, de nouvelles mesures seraient
sans doute plus précises ; mais cependant on ne pourrait pas affirmer trouver
la mesure de ce méridien à un dix millionième près ; or, on peut construire
actuellement des mètres qui ne diffèreront du mètre déposé au pavillon de
Breteuil que d'une quantité inférieure à un dix-millionième de la longueur de
ce dernier et cette construction peut être faite en bien moins de temps qu'il
n'en faudrait pour recommencer la mesure d'une fraction suffisante du méridien
de Paris. La définition du mètre par une barre type est donc plus précise.
L'unité de mesure initiale ne peut qu'être arbitraire et ceci est sans
importance, l'essentiel est que cette unité (le mètre pour les longueurs) «
puisse être réalisée par des types comparables entre-eux et dont chacun reste
comparable à lui-même ». Un autre gros avantage de nos systèmes actuels, c'est
que les multiples et sous-multiples des unités principales suivent la méthode
décimale – ce qui n'est vrai que parce que notre système de numération est
décimal – les multiples de l'unité portent les noms de l'unité précédés des
préfixes : déca (da, en abrégé) qui veut dire dix ; hecto (h) = 100 ; kilo (k)
= 1 000 ; myria (ma) = 10 000 ; hectokilog (hk) = 100 000 ; méga (rn) = 1 000
000. Les sous-multiples portent les préfixes : déci (d) = 0,l ; centi (c) =
0,01 ; milli (m) = 0.001 ; décimilli (dm) = 0,0001; centimilli (cm) = 0,00001 ;
micro = 0,000 001. Cette multiplicité des multiples et des sous-multiples
s'explique par le perfectionnement de nos appareils et de nos méthodes de
mesure. Pour des mesures qui diffèrent tellement, nous employons des appareils
différents ; par exemple, pour les longueurs le fil d'Invar sert à mesurer le
kilomètre, le palmer est employé pour mesurer le millimètre et on mesure les
microns avec l'appareil à franges de Fizeau. Les méthodes de mesure peuvent
être divisées en deux catégories : les mesures directes qui sont celles dans
lesquelles on applique directement la définition de la mesure, c'est-à-dire
dans lesquelles on recherche le nombre de corps unité qu'il faut juxtaposer
pour constituer un système équivalent à la grandeur étudiée ; les mesures
indirectes sont celles qui ne satisfont pas à cette condition. Nous faisons
directement la mesure d'une longueur ; nous faisons une mesure indirecte
lorsque nous calculons une surface après avoir mesure ses dimensions. Il est
des mesures plus indirectes encore « consistant à ramener la mesure d'une
grandeur à celle d'une autre qui soit une fonction déterminée de la première,
c'est-à[1]dire
qui lui soit rattachée par une loi dont nous connaissions la formule exacte.
Parfois même, on est obligé de superposer l'intervention de plusieurs lois ».
La mesure se compose ainsi souvent de deux opérations : l'une physique,
expérimentale, accompagnée de dénombrement ; l'autre qui est un calcul,
l'application d'une ou de plusieurs formules. Ces deux opérations entraînent
des erreurs que l'on s'efforce de rendre aussi minimes que possible, au moyen
de procédés opératoires et de calculs, souvent fort compliqués et que nous ne
pouvons exposer ici.
***
En pédagogie l'emploi de la
mesure – qui est plutôt une sériation – a surtout pour but de parvenir à une
appréciation moins subjective du rendement scolaire et de la valeur des
procédés didactiques. L'emploi des tests (voir ce mot) est cependant encore
loin d'être généralisé bien que les examens actuels soulèvent depuis longtemps
des critiques nombreuses. Nous sommes encore éloignés de ce que Claparède a
appelé « l'école sur mesure » (voir au mot : École). La plupart des ouvrages
qui traitent de ces sujets s'adressent à des spécialistes de la pédagogie et
sont ignorés de la grasse masse des instituteurs. J'en signalerai quelques-uns
à la fin de cette étude ne pouvant m'attarder sur un sujet ardu qui
n'intéresserait que peu de lecteurs de l'Encyclopédie.
***
Je serai presque aussi bref en
ce qui concerne l'emploi de la mesure par l'enfant. Actuellement à l'école
primaire quelques défauts sont à signaler. D'abord on ne mesure pas assez. Les
enfants font trop de calculs sur les longueurs, les surfaces, etc., sans opérer
de mesures effectives. On veut, en ce faisant, aller vite et éviter toute perte
de temps ; en réalité, on enseigne des notions qui sont mal assimilées et on ne
forme pas l'esprit. Pour former l'esprit il faut être moins pressé et, sans
vouloir faire passer les enfants par toutes les étapes du progrès, il est bon
de procéder à une récapitulation abrégée. Il est utile que les enfants se
rendent compte, en les employant, de l'inconvénient des mesures naturelles,
même étalonnées, et avant de leur faire calculer des surfaces, il est utile de
leur en faire mesurer (avec un centimètre carré en papier pris comme unité de
mesure, par exemple). Enfin il faut éviter d'enseigner des erreurs (nous en
avons signalé quelques[1]unes
au cours de cet article) et s'efforcer de bien faire comprendre quels sont les
avantages principaux de notre système actuel de mesures.
E. DELAUNAY
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