samedi 29 janvier 2022

Lignes N 67. Collection dirigée par. Michel Surya

 Des avant la lutte, une question de principe. 

Par Pierre-Damien Huyghe



"Peut être là phrase de Canguilhem laisse t elle entendre qu il y aurait d un côté les héros capables de se engager dans l agir en connaissance de cause et de l autre de les "êtres du commun" dépourvus de cette capacité. Mais peut être veut-elle dire plutôt qu aucune action ne saurait etre grande qui laisserait hors de son agir les motifs inévitablement discrets des "êtres du commun". Ce n est pas sur ces êtres ne soient jamais concernés parles grandeurs  du moment, c est qu ils ne de surestiment pas. Partant, ils font avec ce qui se trouve a leur portée. C est de l accumulation de ces modestes suisse tirent nombre de mouvements a plus grandes conséquences historiques s il est vrai, comme le laisse entendre aussi Canguilhem, qu'il n y a de "grande action possible qu à partir du moment où l on entreprend et, par conséquent, jamais avant. Ce qui veut dire aussi bien qu une action su on envisagerait comme grande, on ne la commencerait même pas."

"Ainsi, qui veut dominer ne devrait pas rendre la vie trop difficile a ceux sans lesquels il ne serait pas lui même en mesure de profiter de sa position. A cette limite en quelque sorte organique, en tout cas non destructrice, s en ajouté une autre, au fond de même nature: la domination n est pas abstraite, ce n est pas un fait de purs esprits, c est une réalité qui se produit dans et avec un certain nombre de conditions techniques. Or ces conditions, par définition, n offrent pas toutes sortes de possibilités. Ainsi tout pouvoir se trouve t il tenu par exemple par des capacités de communication, de circulation, d échange ou d information, bref par des situations instrumentales dont l histoire révèle l instabilité substantielle (ici ou la, toujours, l humanité étant par ailleurs techniquement inventive, il emerge d autres capacités de faire, d échanger être diffuser qui ne sont pas dans les plans et connaissances du pouvoir et avec lesquels ce pouvoir n a pas appris lui-même a faire). Cependant, et c est l' autre tendance enjeu, il appartient à la logique de la domination de se défendre contre ce qui la conteste en réduisant cette contestation. Dès lors, enfaite, non seulement elle cherche a se augmenter dans le cadre de puissance qui la nourrit, mais en pré elle se méfie des modifications et autres inventions dont elle peut craindre de ne pas avoir la maîtrise et qu elle a propension s'imaginer en facteurs de déstabilisation. En ce sens, elle ruine bien des possibilités et joue tôt ou tard dans l histoire comme une névrose dans la vie psychique."

"Cette "vérité", c est précisément qu une politique (au moins une sorte de politique) peut être portée d abord par une méditation de caractère éthique. Je dis bien "éthique", je ne dis pas "morale". La différence tient à ce que l éthique n implique pas à mon sens de préceptes formulés. Il s agit d une attitude fondatrice, celle d une personne qui prend conscience de la distance qui la sépare intimement de la mascarade des langages convenus et en fait imposés a force de répétitions. Il y va d un éloignement à l égard de ce qui, dans le moment, s impose  comme attitudes et phrasés inévitables. Ce qu un sujet peut toujours découvrir, c est qu il y a un espace outil est possible de ne pas se mentir et qu a cet espace, donc, il a sa part. Ce n'est pas qu il ne se sente plus en rien obligé, c est que ce qu il tient désormais comme a faire ne lui est plus pour ainsi dire intime de l'extérieur. Il y va d une libération (mot clé dans toute cette affaire) ou d une décolonisation personnelle, toutes deux notions que notre mémoire politique associe à celle de résistance, retournant ce faisant la signification psychique du mot, laquelle se lie, comme on sait, Al opératoire d un interdit. Ce qui advient dans le moment éthique, c est le contraire d une forclusion: une perspective s ouvre qui ne fait plus obligation au sujet d être un contemporain superficiel, un semblable de surface ou un pareil en quelque sorte moulé par l'esprit et le langage dominants."

"Ce qu entreprend toute resistance commençant à s instituer et à quoi Canguilhem pensait sans doute comme l affaire d une "organisation" , n est ce pas d ailleurs de diffuser des textes (naguère distribuer des tracts et poser des affiches) cherchant, par des actes de langage décalés du phrasé dominant, a multiplier les chances de cette desadhesion a la domination sur peut être un jour ou l autre, pour chacun en soi, la découverte de sa capacité éthique? Quant a ce qui soutient ensuite une résistance commencée, c est pour parler comme Arendt citant René Char, le sentiment de vivre un trésor".

Quel est ce trésor ? Pour les résistants historiques, "il semble que il ait consiste, pour ainsi dire, en deux parties étroitement liées: ils s étaient aperçus que celui qui a épousé la Résistance, a découvert sa verite, qu il cessait de se chercher sans jamais accéder à la prouesse, dans une insatisfaction nue, su il ne se soupçonnait plus même d insécurité, d être un acteur de sa vie frondeur et soupçonneux, qu il pouvait de permettre d aller nu. Dans cette nudité dépouillée de tous les masques -de ceux que la société fait porter a ses membres aussi bien que de ceux que l individu fabrique pour lui même dans ses réactions psychologiques contre la société- ils avaient été visites pour la première fois dans leur vie par une apparition de la liberté."





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