n. f. (et MÉTAUX) (du grec
métallon : métal et ergon : ouvrage) Les métaux, à l'exception de quelques-uns
tels que l'or, l'argent, le platine, ne se trouvent pas dans la nature à l'état
natif ou pur. Ils se rencontrent à l'état de combinaison avec des agents
minéralisateurs. Ces composés naturels se nomment minerais. L'art d'extraire le
métal du minerai et de le rendre propre aux multiples usages auxquels il est
destiné prend le nom de métallurgie. Technique. ‒ On emploie actuellement deux
traitements pour extraire les métaux : 1° traitement chimique, par voie sèche
ou par voie humide ; 2° traitement électrique. Le traitement chimique est de
beaucoup le plus utilisé. Comme il est le plus anciennement connu, on est
arrivé, par des améliorations successives, à le doter d'un outillage
considérable parfaitement au point. Il a, d'autre part, l'avantage d'être le
plus économique. Le traitement électrique n'est pratiqué que dans les régions
où le courant électrique coûte très bon marché, et pour certains métaux
seulement. Mais quel que soit le traitement du minerai, chimique ou électrique,
le métal fourni par la première opération – sauf pour la fonte grise – n'est
jamais pur. Pour l'affiner on lui fait subir un ou plusieurs autres
traitements, chimiques ou électriques, qui différent avec la nature du métal.
Le fer. – La métallurgie du fer (sidérurgie) est, de toutes, la plus importante
étant donné qu'on utilise ce métal dans toutes les industries, dans des
proportions variables mais toujours considérables. La chimie indique que le fer
est un corps simple, mais pratiquement, dans l'industrie, cette appellation est
étendue aux métaux combinés dont le fer est l'élément essentiel. La
combinaison, en proportions plus on moins grandes, du carbone, du silicium, du
phosphore, du soufre, du manganèse, du nickel, de l'arsenic, de l'antimoine, du
chrome, etc... avec le fer en modifie les propriétés et donne naissance à des
métaux absolument différents, classés dans deux groupes principaux : 1° les
fontes ; 2° les fers et les aciers. Les métaux renfermant des corps étrangers
au fer dans des proportions assez fortes (2,6 p. 100 et plus) sont classés dans
le premier groupe ; Ceux qui contiennent des proportions infimes de corps
étrangers au fer, appartiennent au second groupe. Leurs propriétés sont
totalement différentes. La fonte se liquéfie à basse température sans passer
par un état intermédiaire entre l'état solide et l'état liquide. Son point de
fusion est d'environ 1200°. Elle n'est pas malléable, même à chaud, si bien que
lorsqu'on veut modifier la forme d'une pièce en fonte il est indispensable de
la faire fondre et de la couler dans un moule de forme appropriée à l'usage
désiré. À l'inverse de la fonte, les fers et les aciers connaissent un état
intermédiaire entre l'état solide et l'état liquide. Lorsqu'on les chauffe, ils
passent, bien avant d'atteindre leur point de fusion, à l'état pâteux où ils
deviennent malléables et peuvent changer de forme sous un effort mécanique. Le
point de fusion des fers et des aciers croît en proportion de la pureté du
métal mais n'est jamais inférieur à 1500°. Ces deux classes principales se
subdivisent à leur tour en catégories ou spécialités. La première, celle des
fontes, en : fonte grise et fonte banche ; la seconde, celle des fers et
aciers, en : fers soudés et aciers fondus. Fonte grise. – La fonte grise est
appelée ainsi à cause de sa couleur qui varie du gris clair au gris foncé. Elle
est particulièrement employée pour les pièces moulées de mécanique à cause de
sa très grande fluidité lorsqu'elle est en fusion (1200°) ; pour la
construction de certains appareils nécessaires à l'industrie chimique à cause
de sa résistance (supérieure à celle du fer et de l'acier) aux agents chimiques
; à la construction des masses polaires de dynamos en raison de sa possession
d'une certaine force coercitive. Sa teneur en carbone combiné est relativement
faible (0,5 à 2 p. 100) s'étant séparé au refroidissement pour se former en
graphite (1,3 à 3,7 p. 100). Elle contient également du silicium dans les
proportions de 2 à 4 p. 100. Sa densité varie entre 6,8 et 7. Fonte blanche. –
De couleur blanc d'argent, cette fonte est lourde (densité 7,5 à 7,7) cassante
et dure. Elle est impropre à l'usinage mécanique et sert presque exclusivement
à la fabrication du fer et de l'acier. Son point de fusion est d'environ 1100°.
Sa teneur en carbone combiné est de 2 à 3 p. 100 et en graphite de 0,2 à 0,5 p.
100. Fers soudés. – On comprend sous cette appellation les fers qui prennent
naissance à l'état pâteux et ne sont pas totalement expurgés de leurs scories.
Ils sont constitués par des grains formés isolément et soudés ensemble. Les
fers soudés sont peu résistants et ne prennent pas la trempe. Leur teneur en
carbone est de moins de 0,5 p. 100. Aciers fondus. – À la différence des fers
soudés, les aciers fondus prennent naissance à l'état liquide et sont
débarrassés de la totalité de leurs scories. Ils sont homogènes et très
résistants, ils prennent la trempe. Leur teneur en carbone est de au moins 0,5
p. 100. Les fers et les aciers fondus se substituent de plus en plus aux fers
soudés. Indépendamment de ces deux catégories principales, il y a les fontes
spéciales obtenues par alliages telles que les ferro-siliciums (fer et
silicium) les ferro-manganèses (fer et manganèse), les ferro-chromes (fer et
chrome), les ferro[1]tungstènes
(fer et acide tungstique), les ferro-nickels (fer et nickel), les ferro[1]molybdènes
(fer et acide molybdène), les ferro-vanadiums (fer et oxyde de vanadium), les
ferro-aluminium (rognures de fer et aluminium). Ces alliages servent presque
exclusivement à la fabrication de l'acier dans lequel ils sont en combinaison dans
des proportions déterminées, lui donnant ainsi des propriétés spéciales très
intéressantes. Ces combinaisons de fontes spéciales donnent naissance à toute
une gamme d'aciers fondus spéciaux. Lorsqu'on ajoute à l'acier un seul élément
nouveau, il est dit ternaire ; lorsqu'on y ajouté deux éléments, il est dit
quaternaire. Ainsi le ferro-nickel (ternaire), combiné avec l'acier augmente la
résistance de celui[1]ci
sans en augmenter la fragilité. La présence simultanée dé ferro-tungstène et de
ferro-chrome dans l'acier (quaternaire) permet de le porter au rouge sans lui
faire perdre de sa dureté ni de sa résistance ; cette propriété le recommande
pour l'exécution de travaux où le frottement échauffe l'outil, soit par la
vitesse, soit par la dureté. Cet acier quaternaire est appelé ordinairement
acier à coupe rapide. Le haut-fourneau. – Le fer est très répandu sur notre
globe à l'état d'oxydes et de carbonates. L'extraction du métal s'obtient par
la réduction de l'oxyde de fer par l'oxyde de carbone produit au moyen du coke
dans le haut-fourneau. Le coke étant employé comme agent réducteur constitue
donc une matière première dans la métallurgie du fer. Comme nous l'avons dit
plus haut on obtient pas le fer immédiatement après le premier traitement. La
réduction du minerai de fer en haut-fourneau (traitement chimique) donne la
fonte, produit intermédiaire entre le minerai et le fer. L'oxyde de fer à
réduire n'est jamais pur, il est toujours mêlé de matières argileuses (silicate
d'aluminium impur), siliceuses ou calcaires selon la nature du gite et qui
constituent ce qu'on nomme la gangue. Comme ces matières qu'il faut séparer du
fer (oxyde de fer réduit) sont non-réductibles, la séparation ne peut s'opérer
qu'en les transformant en substances fusibles susceptibles de s'écarter du
métal par leur différence de densité. À cet effet, on ajoute au minerai les
éléments qui manquent à sa gangue pour former des silicates plus fusibles
(silicates d'aluminium et de calcium). La matière ajoutée prend le nom de
fondant ; c'est l'argile pour les minerais calcaires et le calcaire pour les
minerais argileux. Le mélange du minerai de fer et du fondant se nomme lit de
fusion, et la gangue ainsi fondue s'appelle laitier. Le haut-fourneau est un
grand four vertical formé par deux troncs de cône réunis par leur base et
formant une cuve de 15 à 30 mètres de hauteur selon l'importance de la
production, et d'un petit cylindre placé à la partie inférieure : le creuset.
L'ouverture dû sommet s'appelle gueulard, elle porte une trémie assurant
l'ouverture et la fermeture du haut-fourneau et par laquelle sont introduits le
coke, le minerai et le fondant ; Le tronc de cône supérieur le plus grand,
constitue la cuve proprement dite ; le tronc de cône inférieur forme les
étalages. Les cônes sont formés de deux parois entre lesquelles on place des
fragments de briques afin de permettre la libre dilatation de la cuve. La paroi
inférieure est faite en briques très réfractaires, la paroi extérieure est
construite en maçonnerie légère et armée de cercles de fer à l'extérieur.
Lorsque le haut-fourneau est chaud (24 heures après l'allumage) on introduit
par le gueulard, en couches successives, le coke et le minerai (celui-ci mêlé
de fondant), puis on envoie de l'air chaud (800° environ sous une pression de
25 centimètres de mercure) par les tuyères qui débouchent immédiatement sous
les étalages, dans l'ouvrage. Cet air chaud qui réagit sur le charbon au rouge
en le portant aux environs de 2000° forme le gaz carbonique. Ce gaz rencontre
bientôt du carbone en excès qui le ramène à l'état d'oxyde de carbone. Lequel
oxyde traversant la couche de minerai le réduit tout en se transformant partiellement
en gaz carbonique ; gaz carbonique qui rencontre de nouveau, en traversant la
couche de charbon supérieure, un excès de carbone qui le ramène à l'état
d'oxyde. Ces transformations successives du gaz carbonique en oxyde et de
l'oxyde en gaz s'opèrent de couches en couches jusqu'à la hauteur du gueulard
où les gaz constitués par un mélange d'azote, d'anhydride carbonique et d'oxyde
de carbone sortent à une température d'environ 400° pour se rendre dans les
appareils de récupération. Cela constitue la marche ascendante des gaz. Les
matières solides : minerai, fondants, coke, qui sont chargées de temps à autre,
dessèchent dans la partie supérieure du haut-fourneau. Dans la partie
inférieure de la cuve et au ventre s'effectue la réduction de l'oxyde de fer
par l'oxyde de carbone. Dans les étalages où la température varie entre 1.600°
et 1.700° le fer se combine au carbone en excès et donne la fonte, alors que le
laitier se forme par la combinaison de la silice, de l'alumine et de la chaux.
Le laitier, étant fusible à la température où l'on opère, descend dans le
creuset avec la fonte à l'état de fusion et, plus léger que cette dernière, il
surnage. Comme deux trous sont ménagés, l'un au fond du creuset, l'autre à un
niveau plus élevé, il suffit de les délivrer de leur bouchon d'argile pour que
la fonte s'échappe par le premier et les scories, plus légères, par le second.
Cela constitue la marche descendante des matières solides. Par ce traitement au
haut-fourneau on obtient la fonte blanche et les fontes spéciales destinées,
après affinage, à donner les fers et les aciers et la fonte grise de moulage.
La nature de la fonte obtenue dépend essentiellement : de la composition
chimique du minerai employé ; du lit de fusion ; de la température qui règne
dans la zone de fusion et de la vitesse de refroidissement pendant la
solidification. L'affinage a pour but d'éliminer la plus grande partie des
corps étrangers que nous avons signalés plus haut et qui se trouvent dans la
fonte en combinaison avec le fer. Il repose sur l'oxydation de ces corps par
l'oxygène de l'air ou par les oxydes de fer, les impuretés étant plus oxydables
que le fer. Ce traitement s'effectue selon différents procédés : le four
Martin-Siemens, le convertisseur Bessemer et le traitement basique de Thomas et
Gilchrist. Cet article est déjà trop technique pour que nous nous permettions
de décrire chacun de ces procédés. Il nous suffira de signaler que
l'amélioration qu'apportèrent au convertisseur Bessemer les anglais Thomas et
Gilchrist en 1875, aboutissant à l'élimination du phosphore, a permis
l'utilisation du minerai phosphoreux jusqu'alors inutilisable. Pour obtenir les
aciers spéciaux on ajoute, dans des proportions déterminées, les éléments
indispensables à la combinaison désirée. Cuivre. – Le cuivre est, après
l'argent, le meilleur métal conducteur de chaleur et d'électricité. Comme il
est moins rare que l'argent, partant meilleur marché, on l'emploie chaque fois
qu'on a besoin d'un bon conducteur calorifique ou électrique. Aussi est-il fait
une grande consommation de cuivre, dans les industries électriques, la
fabrication des chaudières, d'alambics, d'appareils de distillerie, de
raffinerie, etc... On rencontre le cuivre dans la nature, à l'état d'oxyde, de
carbonate, mais surtout de sulfure. Le cuivre natif, très peu oxydé, est
simplement soumis à la fusion dans un four à réverbère. À l'état d'oxyde le
minerai est réduit par le coke en présence d'un fondant. La métallurgie des
minerais sulfurés est, pratiquement, plus compliquée. Voici quel en est le
principe : le minerai est soumis successivement à des grillages et à des
fusions répétés jusqu'à l'obtention d'un cuivre impur. Au cours des grillages,
le soufre, l'arsenic, l'antimoine se trouvent partiellement brûlés. Le gaz qui
se dégage pendant ces opérations est transformé ordinairement en acide
sulfurique. Dans la fusion on ajoute au minerai grillé des produits siliceux
dont le rôle consiste à se combiner à l'oxyde de fer, qu'il contient en faible
proportion, pour former des silicates fusibles. La masse fondue se sépare en
deux parties : une scorie formée par les silicates et de plus faible densité et
la matte de sulfure cuivreux. Cette matte subit de nouvelles fusions jusqu'à
l'obtention d'un cuivre noir qui est ensuite affiné ou purifié soit par
électrolyse, soit par une nouvelle fusion. Le cuivre pur est de couleur rouge ;
son point de fusion est de 1085° ; à 2100° il bout ; sa densité est de 8.85. À
l'air humide il se recouvre d'hydrocarbonate de cuivre appelé communément
vert-de-gris. Après le fer, la fonte et l'acier, le cuivre est le métal le plus
employé soit à l'état pur, soit en alliages. Les principaux alliages de cuivre
sont les bronzes (cuivre et étain) et les laitons (cuivre et zinc). Pour les
autres principaux métaux qui viennent, par leur importance dans la vie
industrielle, après le fer, la fonte, l'acier et le cuivre, nous nous bornerons
à une simple énumération accompagnée de leurs propriétés essentielles. Le
Plomb. Le plomb est un métal gris bleuâtre, mou, très malléable, ductile. Il
fond à 327° et bout à 1250°. Sa densité est de 11,2. L'Étain. L'étain est blanc
d'argent avec reflet bleuâtre, c'est le plus fusible des métaux (point de
fusion 232°). Son point d'ébullition est d'environ 2.170° et sa densité 7,22.
Le Zinc. Le zinc est un métal d'un blanc bleuâtre qui fond à 412° ; sa densité
est de 6,8. L'Aluminium. Métal blanc légèrement bleuté, fond à 650°. C'est le
métal usuel le plus léger (densité 2,5). Il est ductile et malléable. Le
Mercure. Liquide blanc et très brillant, il est l'un des métaux les plus lourds
(densité 13,51). Il se solidifie à - 39°5 et bout à + 357°. Le Platine. Le
platine est blanc lorsqu'il est aggloméré et noir lorsqu'il est en poudre.
C'est le métal le plus lourd (densité 21,5), son point de fusion se situe aux
environs de 1780°. Étant inoxydable et inattaquable par les acides il est très
employé dans la chimie et la physique. L'Or. À l'état pur, métal jaune clair,
il est mou et le plus ductile et malléable de tous les métaux. Sa densité est
de 19,5. Il fond à 1065° et bout à 2800°. Comme le platine il est inoxydable.
L'Argent. Métal d'aspect blanc éclatant qu'il doit à son grand pouvoir
réfléchissant ; sa couleur véritable est jaune. Sa densité est de 10,5. Après
l'or, il est le plus malléable et le plus ductile des métaux. Son point de
fusion est de 962° et d'ébullition 1850°. *** Alors que les minerais, et
particulièrement le minerai de fer, sont répandus dans toutes les parties du
globe, très peu de pays possèdent une métallurgie importante. Cela tient à deux
facteurs : l'absence de houille en quantité suffisante et les difficultés
d'accession pour l'exploitation. Comme nous l'avons remarqué dans le chapitre
précédent, la métallurgie emploie comme matière première non seulement le
minerai, mais aussi le charbon. D'où la nécessité, pour produire les métaux
dans de bonnes conditions, d'avoir abondamment dans une même région et la
houille et le minerai. Comme cette condition n'est pas toujours réalisée par la
nature, la métallurgie s'est développée surtout dans les grands bassins
houillers et à proximité des grandes voies maritimes ou fluviales, le minerai
allant à la rencontre de la houille parce que de moindre valeur. Il arrive même
quelquefois que les hauts-fourneaux, les forges et les aciéries s'établissent
dans des régions dépourvues de houille et de minerai, au voisinage de ports
situés sur les grandes voies maritimes. La houille et le minerai matières
encombrantes et de valeur relativement faible, ne sont transportés dans des
conditions avantageuses et en grosses quantités que par voie d'eau, le
transport par voie ferrée, outre qu'il est encombrant, est trop onéreux. Il
n'est guère que les États-Unis qui possèdent dans leur sous-sol la houille et
les minerais nécessaires à leur métallurgie gigantesque. Les autres pays qui
ont une métallurgie importante sont obligés d'importer soit la houille, soit le
minerai qui leur manque en échange de l'une ou de l'autre de ces matières
qu'ils ont en excès. C'est le cas pour l'Angleterre, l'Allemagne, la France, la
Belgique. Aussi la métallurgie de ces pays s'est-elle établie auprès des
grandes voies maritimes ou fluviales comme nous le verrons plus loin. Nous
avons déjà dit que le fer est le métal le plus usité à travers le monde. En
1925, la production mondiale de minerai de fer a été de 150 millions de tonnes,
dans laquelle la part des États-Unis s'est élevée à 63 millions de tonnes, soit
42 %. Sur cette part il n'a été pour ainsi dire rien exporté. La métallurgie
indigène fut tout juste approvisionnée par cette masse énorme de minerai. La
situation géographique des États-Unis et la disposition naturelle des richesses
de leur sous-sol sont, peut-être plus encore pour la métallurgie que pour les
autres industries, véritablement exceptionnelles. Les grands gîtes métallifères
de Vermillon, de Mésabi, de Cuyana, dans le Minnesota, sont à proximité du
Grand Lac Supérieur, comme d'ailleurs les gisements de Gogebic, de Marquette et
de Ménominee, dans le Wisconsin, alors que les grands bassins houillers, qui
s'étendent en une large bande ininterrompue depuis l'État de New-York jusqu'à
celui de Tennessee, se trouvent à l'autre extrémité des Grands Lacs. C'est sur
cette bande de 500 000 kilomètres carrés que s'est installée pour une grosse
part la métallurgie américaine. Le minerai du Minnesota vient se concentrer
dans les ports de Two Harbourg, Supérieur City et, surtout, de Duluth aménagés
spécialement pour le recevoir. D'autres ports également agencés à cet effet
tels que ceux d'Asholand et de Marquette reçoivent le minerai du Wisconsin. Les
lacs américains n'ont aucune analogie avec ceux que nous connaissons en Europe
; ce sont de véritables mers intérieures dont la profondeur a permis aux
États-Unis de construire toute une flotte de cargos de gros tonnage affectée
spécialement au transport du minerai ou de la houille. Ainsi les minerais
chargés à Duluth ou à Marquette – ports d'expédition – sont acheminés : par le
lac Michigan, vers Milwaukee, Chicago, Gary ; par le lac Huron, vers Detroit ;
par le lac Erie, vers Teledo, Sandusky, Cleveland, Buffalo, etc..., ports de
débarquement du minerai et centres métallurgiques importants. Dans l'Alabama,
le Colorado, le Texas, le Montana, il existe encore d'autres centres aussi bien
avantagés que ceux que nous venons de citer. Si la métallurgie américaine
absorbe une grosse quantité de minerai, elle exporte très peu de fonte, de fer
et d'acier – à peine 2 millions de tonnes – en proportion de sa production.
Celle-ci est totalement résorbée par les industries mécaniques indigènes dont
le rythme de production, s'accentuant d'année en année, n'est pas le moindre
sujet d'effroi pour les industriels du vieux monde qui appréhendent d'être
submergés sur leurs propres marchés nationaux par les quantités considérables
des produits manufacturés de la métallurgie que les États-Unis expédient à
destination des cinq parties du globe sous forme de machines-outils, agricoles,
à écrire, outillage, automobiles, etc... La France possède après les
États-Unis, la plus grosse métallurgie du monde et elle tient la première place
en ce qui concerne l'exportation des fontes des fers et aciers. En 1925, elle a
exporté 710 000 tonnes de fontes diverses et 3 millions 160 000 tonnes de fers
et aciers. La France n'a acquis cette situation privilégiée sur marché
métallurgique qu'à la faveur du traité de Versailles qui lui a fait retour,
dans son domaine territorial, de l'Alsace-Lorraine avec ses riches minerais du
bassin de Briey qui portent sa production extractive à 35 740 000 tonnes, soit
24 % de la production mondiale et un peu plus de la moitié de celle des
États-Unis, après laquelle elle est la plus importante du monde. Mais la
France, si elle a beaucoup de minerai de fer, a, par contre, très peu de charbon
; elle doit le demander à l'Angleterre, à l'Allemagne et à la Belgique.
Naturellement la métallurgie française subit la loi économique commune, et ses
hauts-fourneaux comme ses forges et aciéries se sont installés auprès des
charbonnages ou aux environs des grandes voies maritimes et fluviales. C'est
dans la région de l'Est – près de la frontière franco-allemande – que se
trouvent les plus importants gîtes métallifères de la France. Les départements
de la Meurthe-et[1]Moselle
et de la Moselle sont les plus gros producteurs de minerai de fer avec les
groupes de Nancy, Champigneules, Frouard, Pompey, Jœuf, Homécourt, Hayange,
Briey, etc... Dans la région nancéenne il n'y a pas de charbon, mais ces hauts[1]fourneaux
reçoivent les charbons allemands de la Ruhr et de la Sarre que leur apportent
la flotte de péniches allemandes par les canaux de la Marne au Rhin et de la
Sarre. Venues le ventre rempli de houille, ces péniches s'en retournent à leur
port d'attache – Duisbourg, Dusseldorff, etc... – le ventre plein de ce minerai
lorrain qui manque aujourd'hui à la métallurgie allemande. Le trafic dans les
deux sens est considérable ; pour être moins intense, celui qui s'effectue sur
le canal de l'Est est également important. Par péniches, le charbon belge
descend le canal de l'Est à destination de tout le bassin de Briey. Au retour,
les mêmes péniches remportent le minerai lorrain vers le centre métallurgique
de Charleroi, en Belgique. En France, c'est surtout à la rencontre du charbon
des bassins du Nord que va le minerai de l'Est. Là, la métallurgie, outre
qu'elle y trouve le coke, est entourée d'industries de transformation capables
d'absorber sa production Aussi s'est-elle fortement concentrée dans la région
du Nord, à Maubeuge, Jeumont, Anzin, Valenciennes, Denain, Lille, Hazebrouck,
pour ne citer que les centres les plus importants. Plus bas sur la côte de la
Manche, dans la région havraise, qui n'a ni charbon ni minerai, la métallurgie
a dressé ses hauts-fourneaux et ses aciéries. C'est que là le charbon anglais
arrive facilement par la mer tout comme le minerai normand situé plus bas sur
la côte, dans le Calvados. Les gisements de Normandie (Caen) et de
Basse-Bretagne (Redon) fournissent des minerais très riches en teneur et de
grande pureté qui les font rechercher par la métallurgie anglaise spécialisée
dans la production d'aciers spéciaux requérant des minerais purs. D'ailleurs
ces deux gisements français, après avoir alimenté la métallurgie des régions
havraise et nantaise et quelque peu celle du Nord, expédient l'excédent de leur
production, par Nantes, à Cardiff et par Caen, à Newcastle, en Angleterre. Il
est même une partie de ces minerais qui remonte jusqu'à Rotterdam, à
l'embouchure du Rhin et descend celui-ci à destination de l'Allemagne. D'autres
gîtes métallifères de moindre importance sont disséminés à travers la France.
On rencontre du fer dans le Centre, l'Ariège, les Pyrénées-Orientales, mais
relativement peu de métallurgie dans ces contrées si l'on excepte, en
Saône-et-Loire, le centre du Creusot, universellement connu qui reçoit une
grande partie de son minerai de l'Est par le canal du Sud et par la Saône et
son charbon des bassins de la Loire, par le canal du Centre. Quoique première puissance
exportatrice de fontes et d'aciers, la France n'épuise pas ses capacités de
production métallurgique et vend annuellement à d'autres pays 9 millions de
tonnes de minerai de fer qu'elle ne peut transformer sur place, faute de
charbon. La France est donc également la première puissance exportatrice de
minerai de fer. À l'inverse de la France, l'Angleterre, qui possède dans son
sous-sol une réserve prodigieusement riche de charbon, n'a pas suffisamment de
fer pour sa métallurgie qui est dans l'obligation d'importer presque le tiers
du minerai indispensable au fonctionnement de ses hauts-fourneaux. Malgré cela,
l'Angleterre a su, grâce à sa situation géographique, à sa richesse
charbonnière et à une organisation commerciale admirable, se doter d'une puissante
métallurgie qui fut longtemps la première du monde, et qui, quoique
actuellement au troisième rang, rivalise dans le domaine de l'exportation avec
la métallurgie française en se classant immédiatement après elle par
l'importance du tonnage. En Angleterre la nature a disposé le fer près de la
houille et les bassins houillers près de la mer, à l'exception de celui du
Yorkshire qui s'en trouve à peine éloigné de 150 kilomètres. La métallurgie a
donc pu, très tôt, se développer dans de bonnes conditions. Pour le minerai qui
lui manque, 4 millions de tonnes en 1925, l'escadre importante des charbonniers
anglais se charge de le drainer dans les pays, proches ou lointains, où elle
dépose sa cargaison de charbon britannique. Ainsi, le minerai constitue-t-il
pour cette flotte spécialisée un fret de retour avantageux. De Suède, à Luléa
et Stockolm, les charbonniers anglais, appelés aussi colliers, emportent vers
Newcastle et Hull les minerais scandinaves riches et purs, mais trop abondants
pour leur pays d'origine. De Caen, en France, encore vers Newcastle, ils
emportent les minerais normands, et de Nantes, vers Cardiff, ceux de la Bretagne.
L'Espagne, qui extrait de son sous-sol 3 millions de tonnes de minerai de fer
et en utilise à peine le sixième, fournit également un très avantageux fret de
retour aux colliers anglais. Enfin, l'Algérie, démunie de charbon, reçoit celui
de l'Angleterre en échange des beaux minerais du Zaccar et de l'Ouenza. Tous
ces minerais étrangers joints au minerai indigène, alimentent les centres
métallurgiques d'Edimbourg, de Newcastle, de Middlesbrough, de Hull, sur la Mer
du Nord ; de Glasgow, de Workington, de Withe de New-Port sur l'Atlantique ;
ainsi que les fiefs métallurgiques de Manchester, de Sheffield, de Nottingham,
de Birmingham au Centre. Toutefois, si l'Angleterre exporte presque autant de
produits bruts de la métallurgie que la France, sa production totale est
beaucoup moindre – à peine 8 millions de tonnes contre 14 millions pour la
France. En Europe, c'est l'Allemagne qui produit le plus de fontes et d'aciers
après la France. Pour les exportations elle arrive après la France et
l'Angleterre avec 3 250 000 tonnes. Par contre, depuis le traité de Versailles
qui l'a amputée du gisement lorrain (celui-ci fournissait, avant-guerre, 80 %
de la production allemande) au bénéfice de la France, l'Allemagne est le pays
qui achète le plus de minerai de fer à l'étranger. En 1925, 11 millions et demi
de tonnes. Comme l'Angleterre, l'Allemagne possède plus de charbon qu'il n'en
faut à ses industries. Ses bassins houillers de la Saxe et de la Haute-Silésie
restée allemande approvisionnent le marché national. Le charbon de la Ruhr,
après avoir alimenté la région rhéno Rhin sur une magnifique flotte fluviale
vers les centres métallurgiques français de la Meurthe-et-Moselle, par le canal
de la Marne au Rhin. Pour une autre part le charbon de la Ruhr descend le Rhin
vers Rotterdam et Anvers d'où de grands cargos le mèneront dans les pays
scandinaves qui enverront, au retour, du minerai. La métallurgie allemande
s'est installée sur le bassin rhénan-westphalien dont Essen, Bochum,
Gelsenkirchen et Dortmund sont les groupes les plus fameux ; en Saxe et en
Thuringe dans les centres de Smalkalden, Zwickau et Saalfeld ; enfin, dans la
partie de la Haute-Silésie restée allemande, dans les districts de Beuthen et
de Gleiwitz. Les États-Unis, la France, l'Angleterre et l'Allemagne sont les
quatre grands pays de la métallurgie du fer – la plus importante, répétons-le –
; viennent ensuite le Luxembourg, la Belgique, le Canada, la Suède, l'Espagne,
la Russie, la Tchécoslovaquie, l'Italie. En ce qui concerne les autres métaux,
les États-Unis sont les plus gros producteurs pour : le cuivre (58 % de la
production mondiale), le plomb (43 %), le zinc (60 %), l'aluminium (57 %),
l'argent (30 %). Ils arrivent après l'Afrique du Sud (41 %) dans la production
de l'or avec 15 % de la production mondiale. La France produit peu de cuivre
(0,08 % de la production mondiale), peu de plomb (2 %), peu de zinc (2 %), pas
d'or ni d'argent mais 6,6 % d'aluminium. L'Angleterre a très peu de cuivre mais
en reçoit de ses Dominions – le Canada en produit 3,4 %, l'Australie 2 % et les
Indes Britanniques 2,5 %, toujours de la production mondiale. Faible
productrice de plomb, l'Angleterre le trouve également dans ses colonies –
Canada 3,5 %, Australie 6,6 %, les Indes 4 %. Sa production de zinc n'est guère
supérieure à celle de la France, sa production d'aluminium lui est même
inférieure (6 %). Si l'Angleterre ne produit ni or ni argent, ses colonies en
sont largement pourvues (Afrique du Sud 41 % d'or, Australie 7 % d'or, 5 %
d'argent, canada 4,6 % d'or, 7,7 % d'argent). L'Allemagne produit du cuivre
(3,3 %), du plomb (9 %), du zinc (15 %), de l'aluminium (10 %). La Belgique
produit du zinc (12 %) et du plomb (3,5 %). La Norvège fournit aussi du zinc (2
%) et de l'aluminium (4,6 %). L'Espagne est un gros producteur de plomb (16 %).
Le cuivre, plutôt rare en Europe, se trouve dans les deux Amériques ; outre les
États-Unis avec leurs 58 % de la production mondiale, le Mexique donne 6 %, le
Chili 8 %, le Pérou 4 %, la Bolivie 1 %, Cuba 1 %. En Afrique, le Congo en donne
2,3 %. Enfin le Japon produit près de 8 % de la production mondiale de cuivre.
Le Mexique produit également 7 % de plomb, 4,5 % d'or et 36,7 % d'argent. Le
Canada, la Suède, l'Allemagne (en Saxe), la Silésie, la Hongrie et la
Nouvelle-Calédonie sont des régions productrices de nickel. La Russie, les
Indes, la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les États Unis possèdent du
manganèse. Enfin, les Indes et les iles de la Sonde sont, avec les États Unis,
les plus gros producteurs d'étain. *** Les origines de la métallurgie sont
entourées d'épaisses ténèbres ; elles remontent très loin dans la chaine des
siècles. Mais s'il est audacieux de leur fixer une époque, on peut affirmer que
son histoire et son évolution sont intimement liées à celles de la civilisation
et des progrès de l'humanité. Il n'a point été de sa faute si les hommes l'on
trop souvent utilisée à des fins de destruction et de mort, alors qu'elle peut
aussi bien donner et faciliter la vie de l'humanité. Des préhistoriens ont
prétendu que l'art d'extraire les métaux de leurs minerais fut pratiqué par les
hommes entre les XIVème et XIIème siècle avant notre ère. D'autres font
remonter encore plus loin, dans la nuit des temps, la connaissance de sa
pratique en Chine et aux Indes. Sans vouloir prendre parti dans la dispute, on
peut dire qu'il est hors de doute que les peuples civilisés de l'antiquité ont
employé des outils de fer pour tailler la pierre de ces gigantesques monuments
dont les siècles n'ont pas totalement effacé les traces, aussi bien que pour
travailler la terre à laquelle ils demandaient leur subsistance, et surtout
pour fabriquer des armes. Une autre dispute met aux prises les savants
préhistoriens. À savoir lequel des métaux fut le premier connu des hommes ?
Autrement dit l'âge du bronze a-t-il précédé l'âge du fer ou lui fut-il
postérieur ? Le choix, autant que l'affirmation, est difficile en pareille
matière. Nous inclinons cependant à croire que la métallurgie du fer est
antérieure à celle du bronze du fait que celui-ci, étant un alliage de cuivre
et d'étain, deux métaux qui se trouvaient rarement dans les mêmes contrées,
suppose une époque de navigation et de commerce très développée, ce qui n'était
pas encore le cas. D'autre part le bronze n'a pas une résistance suffisante
pour justifier la pérennité des monuments de l'antiquité. Il est par contre
indéniable que le bronze ait eu les préférences des peuples primitifs pour
certains usages en raison de son vif éclat, de son inoxydabilité à l'air et la
facilité avec laquelle il se prête au moulage. Il fut certainement une des
premières matières de troc entre les peuplades sous forme d'ornementations et
d'objets à usage domestique. Naturellement nous n'avons aucune notion de la
technique métallurgique des peuples de l'antiquité, mais tout nous laisse
supposer que son évolution fut très lente et que ses procédés ne différaient
guère de ceux dont le moyen âge nous a laissé la trace. À cette époque le
minerai était réduit dans des foyers de bois, à proximité des forêts, celles-ci
fournissant le combustible des foyers et des forges installés tout près. Il se
conçoit aisément qu'avec cette méthode la production était bien faible et que
seuls les minerais riches en teneur de fer pouvaient être traités. Ce n'est
qu'au XIVème siècle qu'apparut en Allemagne l'appareil qui, en se
perfectionnant à travers les siècles, devait devenir le haut-fourneau que nous
connaissons aujourd'hui. Le stückofer, c'était le nom de l'appareil, n'était
autre chose que l'ancien foyer recouvert d'une cuve de 3 à 4 mètres, par le
haut de laquelle on introduisait les minerais et le charbon de bois afin qu'ils
s'échauffassent progressivement avant d'arriver au cœur du foyer. Sa première
utilité fut d'économiser du combustible, mais l'observation révéla qu'en
activant le foyer par l'envoi plus rapide d'une quantité d'air supérieure, on
obtenait un métal fondu en place de la traditionnelle loupe pâteuse qu'il
fallait pétrir à la forge pour la débarrasser partiellement de ses scories, Le
stückofer s'adapta à ce nouveau procédé et ainsi naquit la fonte propre au
moulage, et avec elle l'artillerie et les boulets de fonte. La méthode
allemande se répandit rapidement dans son pays d'origine d'abord et ensuite en
Angleterre, sans déranger toutefois la métallurgie des régions forestières où elle
était établie, son combustible continuant à être le charbon de bois. Ce n'est
que vers 1730 qu'en Angleterre on imagina de carboniser la houille pour la
transformer en coke, nouvel aliment du haut-fourneau. La métallurgie du
continent fut longue à faire une place à ce nouvel arrivant et l'Angleterre
resta longtemps seule à bénéficier de ses avantages. La métallurgie conserva
cependant l'usage du charbon de bois pour l'affinage. Mais c'est surtout à la
fin du XVIIIème siècle que nous découvrons les origines de la métallurgie
moderne. Les perfectionnements apportés à la machine à vapeur et sa
généralisation dans toutes les industries furent pour la métallurgie d'une
importance capitale. Jusqu'alors elle avait été condamnée à la fabrication de
pièces de dimensions réduites, faute d'avoir dans ses forges des organes
propulseurs assez forts pour actionner de puissants marteaux capables, par leur
poids et leur pression, de forger des masses volumineuses. La machine à vapeur
va permettre à la métallurgie de créer pour ses forges un outillage puissant
qui comblera cette lacune. Ce progrès a une importance considérable, mais la
machine à vapeur va faire plus fort et plus grand. En s'introduisant dans
toutes les industries, elle va transformer les rapports des hommes entre eux au
point que le XIXème siècle présidera une révolution universelle autrement
importante que celle de la fin du XVIIIème siècle. L'ère de la machine
commence, et avec elle celle du capitalisme. Dans la production, l'homme passe
au second plan, il cède sa place à la machine qui va créer un tel besoin de
métal, que la métallurgie sera d'abord débordée. Mais devant ces besoins et ces
débouchés nouveaux, qui sont considérables, les métallurgistes sont contraints
de rechercher des perfectionnements toujours plus grands à leur technique, en
un mot, il leur faut adapter leur production au marché nouveau qui se
constitue. L'anglais Cort va d'abord trouver le four à puddler qui permettra
l'affinage à la houille. Puis il inventera le laminoir à cannelures à l'aide
duquel les loupes de fer, à l'état pâteux, seront transformées en barres de
toutes formes et de toutes dimensions beaucoup plus rapidement, et
économiquement, que par le martelage. En 1830, la métallurgie expérimente – et
adopte – l'emploi de l'air chaud dans les hauts-fourneaux écossais. Cette
pratique va permettre d'élever le haut-fourneau progressivement de 10 mètres à 20
mètres de hauteur, partant, la production passera de 15 à 50 tonnes par jour. À
cette époque, la métallurgie anglaise est encore bien avancée dans la voie du
progrès par rapport aux autres métallurgies continentales. Ces dernières
n'abandonneront le charbon de bois et l'air froid qu'aux environs de 1840, au
moment où les chemins de fer et les navires en acier en faisant leur
apparition, accroîtront encore la demande du métal, en même temps qu'ils
transformeront les rapports jusque-là établis entre les diverses régions du
monde. Ces nouveaux moyens de transports auront une grosse influence sur la
métallurgie. Elle pourra, avec leur concours, envoyer ses produits dans un
rayon plus étendu et concurrencer les usines restées réfractaires ou qui n'ont
pu, pour des raisons multiples, s'adapter aux progrès de la technique. C'est
alors que, sous la poussée des faits, se produit la concentration pour réaliser
les conditions optima de production. Les régions forestières sont désertées au
bénéfice des bassins houillers où, désormais, la métallurgie puisera l'une de
ses principales matières premières : le charbon transformé en coke ; au
bénéfice également des régions avoisinant les grandes voies maritimes ou
fluviales. À partir de ce moment la technique se développe prodigieusement. Le
marteau-pilon fait son entrée dans la forge et en modifie le caractère. Il pèse
d'abord 1 000 kilos, puis, progressivement, la hardiesse humaine ira jusqu'à construire
et utiliser des piliers de cent mille kilos. Les laminoirs subissent toute une
série de modifications, et les hauts-fourneaux acquièrent une capacité de
production de 100 tonnes par jour. La métallurgie connaîtra une nouvelle
révolution dans sa technique lorsque, vers 1860, l'anglais Bessemer et le
français Martin trouvent, presque simultanément, le moyen d'obtenir de l'acier
par fusion. Auparavant, les frères Siemens, en Allemagne, avaient inventé un four
permettant d'atteindre de très hautes températures. Cette invention facilita
d'ailleurs les travaux de Martin. L'acier, plus résistant que le fer, eut
rapidement fait de remplacer celui-ci dans de multiples fabrications. C'est
ainsi que le fer fut totalement éliminé de la fabrication des rails et des
bandages, et partiellement dans la construction mécanique, les tôles de marine,
etc. La première, l'Allemagne construisit ses canons en acier fondu, dont la
supériorité pendant la guerre de 1870 fut tellement marquée que, depuis, tout
le matériel de guerre des nations est construit en acier fondu. La presse
hydraulique naquit à son tour du besoin de forger des lingots de plus en plus
lourds, qui, même, dépassaient les 100 tonnes et pour lesquels les marteaux-pilons
devenaient insuffisants ou leurs fondations se révélaient trop fragiles. En
1879, un clerc de notaire anglais, Thomas-Gilchrist, allait de nouveau
provoquer une révolution dans la technique métallurgique en trouvant le moyen
de réduire le phosphore dans le convertisseur Bessemer par le procédé basique.
Cette découverte rendit utilisable les minerais phosphoreux – tels ceux de la
Lorraine – jusqu'alors impropres à la production de l'acier. Elle assura
définitivement le passage de l'âge du fer à l'âge de l'acier. Depuis cette
époque jusqu'à la guerre 1914-1918, la métallurgie s'est enrichie de multiples
perfectionnements qui ont accru sa production dans des proportions
considérables, en même temps qu'ils en abaissaient le prix de revient. Ainsi la
métallurgie a transformé des villes entières comme Essen, en Allemagne, le
Creusot, en France, Birmingham, en Angleterre ; Pittsburg, aux États-Unis en
vastes usines essentiellement métallurgistes. En un siècle, quelles
transformations de toutes sortes ? Car l'évolution technique en a entraîné bien
d'autres, avec des conséquences sociales telles, que le contemporain du
stückofer en eût été effrayé au seul énoncé. Avant la machine à vapeur, le
rayon d'action de la métallurgie n'allait que très rarement au-delà du centre
où elle était établie. Les besoins étaient réduits et, à débouchés restreints
production faible et technique stagnante. La machine à vapeur, en augmentant le
nombre et la capacité des débouchés, élargit le marché et force la métallurgie
à sortir de sa pratique routinière en cherchant des procédés de fabrication
plus rapides et moins chers. La métallurgie, sous le fouet des nécessités,
trouve cette nouvelle technique ; mais pour la mettre en pratique il lui faut
des sommes fabuleuses bien supérieures aux ressources individuelles des Maîtres
des Forges de l'époque. Allait-elle être arrêtée par un obstacle de cette
nature ? Non pas ! Ce qu'un seul ne put faire, l'association le fit. Sous la
forme de sociétés par actions, les entreprises se constituèrent par la réunion
de capitalistes, quelquefois étrangers à l'industrie elle-même. Aussi a-t-on pu
dire avec raison que l'industrie était la mère de l'un et de l'autre. Alors,
largement pourvue de capitaux, la métallurgie put abandonner les régions
forestières pour s'installer sur le minerai ou la houille, avec un outillage
nouveau et plus apte à la grosse production. La facilité des échanges, due au
développement des chemins de fer et de la marine de gros tonnage, stimula
autant qu'elle créa la production, car combien de produits n'auraient jamais vu
le jour si les moyens de transports rapides et peu coûteux ne les eussent
rendus utilisables. Si bien que les marchés, de régionaux devinrent nationaux.
Et bientôt les cadres de la nation eux-mêmes se révélèrent trop étroits et la
métallurgie réclama l'univers comme marché. Il ne faut tout de même pas croire
que cette évolution se soit accomplie sans à-coup. Bien des résistances furent
à vaincre avant d'aboutir à la constitution des grandes entreprises et des
puissants organismes de la métallurgie que nous connaissons aujourd'hui. Aussi
nombreux se trouvèrent les rebelles à la tendance de double concentration
capitaliste et industrielle, qu'il y en avait eus aux progrès techniques. Et
l'on compta souvent plus de vaincus par la nécessité de se soumettre ou de
disparaître, que de convaincus par les faits d'un caractère nouveau. Ce n'est
donc que lentement que la métallurgie se développa dans le cadre national. Mais
bientôt surgit une nouvelle difficulté. La coexistence de plusieurs grandes
entreprises dans un même pays aboutissait à une concurrence effrénée dont
bénéficiait le consommateur (c'est-à-dire l'industrie de transformation
mécanique) et souvent la métallurgie étrangère. C'est pour obvier à ce double
inconvénient que naquirent les syndicats nationaux de production. Dans ces
organismes chaque entreprise adhérente garde son autonomie intérieure mais se
soumet à certaine réglementation : 1° Production maxima limitée ; 2° Zone de
vente indiquée et strictement limitée ; dans cette zone l'entreprise jouit d'un
monopole de fait ; 3° Prix de vente uniforme et fixé en commun. Ainsi –
théoriquement – la concurrence est éliminée dans le cadre national puisque le
consommateur rencontrera partout le même prix de vente, et dans sa région un
seul fournisseur. Mais pratiquement le système s'avéra insuffisant en dépit des
amendes qui frappaient les infractions au règlement susmentionné. Comme un
retour en arrière n'eût point résolu le problème, c'est donc un pas en avant
dans l'organisation que fit la métallurgie. Elle compléta le syndicat national
de production par le Cartel de vente. Celui-ci s'interposa entre le producteur
et l'acheteur ; il devint, nationalement, l'organe commercial de la métallurgie
en même temps qu'il faisait de celle-ci une industrie nationale. Pourvue de
cette unité, la métallurgie se trouve en face de deux problèmes angoissants,
dont les peuples ont payé et payeront encore de leurs souffrances et de leur
sang la solution toujours temporaire. Le premier de ces problèmes est celui de
l'approvisionnement en matières premières : houille ou minerais, dont le
sous-sol national est trop chichement doté par la nature. Le second est celui
des débouchés, car rien ne sert de produire si l'on ne peut vendre pour amortir
et faire fructifier les capitaux. Alors, identifiant les intérêts de la
métallurgie, devenue industrie nationale, aux intérêts de la patrie elle[1]même,
les Cartels, usant et abusant du pouvoir politique que leur confère leur
puissance économique, exigèrent des gouvernements une politique de soutien qui,
si elle leur est profitable, n'est pas sans peser lourdement sur les peuples.
Pour se défendre contre la concurrence étrangère, les Cartels exigèrent d'abord
l'édification d'un réseau de barrières douanières, qui leur fût accordé. Par un
paradoxe ironique, à l'abri de ce réseau dont fut proclamée la nécessité pour
la protection de la Nation, les Cartels vendirent leurs produits beaucoup plus
cher à leurs nationaux qu'aux, étrangers, sûrs qu'ils étaient de ne pas être
gênés par la production des autres pays métallurgiques. Cette opération qui
consiste à vendre souvent très cher sur le marché national et à vendre souvent
à perte sur les marchés internationaux porte le nom de dumping. Mais en même
temps, les Cartels nationaux des pays industriels émettaient la prétention
d'écouler l'excédent de leur production non absorbée par le marché national,
dans les pays neufs et, par conséquent, peu industrialisés. Naturellement la
conquête de ces débouchés nouveaux suscita une compétition exaspérée entre les
différents Cartels nationaux. Toujours forts de leur puissance économique, à
laquelle ils n'hésitèrent pas quelquefois à joindre leur capacité de
corruption, ceux-ci firent entreprendre par leurs gouvernements respectifs des
guerres de conquête coloniale, au nom de la toujours sainte patrie et de ses
intérêts vitaux. À la vérité, il faut dire que la métallurgie ne fut pas seule
à suivre cette voie : d'autres industries firent de même, et cette pratique
donna naissance à ce qu'on a appelé le nationalisme économique auquel s'ajouta
l'ambition d'accroître son patrimoine de pays à production complémentaire,
ambition qui caractérise ce qu'on nomme ordinairement l'impérialisme. Les
impérialismes et les nationalismes économiques se heurtèrent donc pour la
conquête des matières premières et des débouchés jusqu'à aboutir, de conflit en
conflit, à la conflagration générale de 1914. Sans être l'unique cause de la
guerre mondiale, la métallurgie n'en a pas moins joué un rôle très important
dans son déclenchement. La possession du Bassin de Briey qui assure aujourd'hui
la première place à la métallurgie française après les États[1]Unis,
a beaucoup plus, sa place dans la liste des buts de guerre que le trop fameux
principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La guerre de 1914-1918
fut une ère de grande prospérité pour la métallurgie. Si le problème de
l'approvisionnement en matières premières se posa quelquefois tragiquement, la
métallurgie n'eut pas à s'inquiéter de l'écoulement de sa production : la
guerre, insatiable, absorbait tout ce qu'elle voulait bien lui donner pour ses
canons, fusils, mitrailleuses, obus, tanks, avions, cuirassés, sous-marins,
etc. Aussi bien, la guerre terminée, la métallurgie connut une crise de réadaptation
qui, n'eût été la pauvreté des puissances, eût pu dégénérer à nouveau en
conflagration générale à la suite des exigences de la métallurgie française qui
entraînèrent l'occupation de la Ruhr. En dépit de sa production gigantesque, et
peut-être à cause d'elle, la métallurgie n'a pas retrouvé son équilibre. La
facilité des échanges internationaux qui caractérise notre époque, a poussé la
métallurgie à déborder le cadre national pour s'organiser, non pas
internationalement, comme on l'affirme trop souvent par ignorance, mais par
groupes nationaux. Ainsi le Cartel de l'Acier, de l'Étain, du Zinc. Si cette
nouvelle forme, ou plutôt ce nouveau stade de la concentration réduit les
compétitions sur les marchés internationaux (matières premières, débouchés) il ne
les supprime pas. À être moins nombreuses, les compétitions n'en sont que plus
violentes et le conflit qui en sortira n'en sera que plus facilement universel.
***
Ainsi les hommes ont dompté la
nature. Par leur génie et leur travail séculaire ils ont arraché ses secrets à
la matière inerte et lui ont donné la vie. Par un tragique retour des choses de
ce monde, la matière, devenue vivante par la main des hommes, s'est vengée sur
eux de l'avoir tirée de son sommeil plusieurs fois millénaire en les y plongeant
à sa place. Fatalité ! disent les uns. Aberration monstrueuse ! répliquent les
autres. La métallurgie, si elle sème la ruine et la mort, est capable de créer
la joie et la vie. C' est à cette dernière tâche que la partie éclairée du
prolétariat mondial, lasse d'être la victime de son génie, entend se consacrer.
Elle sait que la métallurgie ne soulagera la peine des hommes que lorsque ses
matières premières et ses produits jouiront d'une libre circulation dans les
artères de la société humaine. Pour cela, il faut que cesse l'exploitation de
l'homme par l'homme. Aussi poursuit-elle la destruction du régime capitaliste
et l'avènement du travail libre dans uns société libre. Alors, et alors
seulement, l'homme pourra être fier de sa métallurgie. –
A. GUIGUI
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