Ce vocable désigne des
choses diverses mais liées entre elles par une évidente communauté d'origine.
En bref, un oracle est la réponse des dieux aux questions qui leur étaient
adressées. Portent également ce nom les diverses prophéties faites au cours des
siècles, et annonçant un événement public ou particulier et intéressant tout un
peuple ou un seul individu. Sont aussi désignées par ce nom les volontés des
dieux exprimées par leur porte-parole attitré : devins, sorciers, prophètes,
prêtres de tout acabit. Parfois même, oracle désigne la divinité elle-même ou
la personne chargée d'interroger le dieu. Il est pourtant d'usage de réserver
plus spécialement ce nom aux réponses obtenues en consultant les personnes
chargées de servir d'intermédiaires entre la divinité et les questionneurs.
Toujours ces réponses, variées et diverses comme les questions elles-mêmes,
étaient données en vers ou en termes ambigus permettant des interprétations
différentes ; pleines de réticences, énigmatiques et obscures à souhait, elles
donnaient aux oracles la faculté de se tirer d'affaire lorsque les faits leur
infligeaient un démenti formel.
L'existence dans tous les
temps et dans tous les milieux d'individus chargés de découvrir l'avenir, de
prévoir des événements avant qu'ils ne soient réalisés, répond à un besoin de
la nature humaine : atténuer la douleur en augmentant la somme des illusions
qui nous font supporter les rigueurs de l'existence. Ajoutons à cela l'attrait
du mystère, la peur de l'inconnu qui hante tant de cervelles, la crainte
qu'inspiraient les divinités diverses dont l'homme a peuplé tant de panthéons
et nous aurons un tout cohérent qui explique la vogue dont ont joui et
jouissent encore les explorateurs du mystérieux. Indépendamment de la
consultation directe d'oracles publics ou privés, différents procédés ont, tour
à tour, été employés : examen des entrailles des animaux, onirologie ou
interprétation des rêves, ornithomancie ou étude du vol des oiseaux,
astrologie, chiromancie, cartomancie, etc., etc.
La Bible, que ses rédacteurs
qualifient volontiers de livre par excellence, nous conte la légende des sept
vaches grasses et des sept vaches maigres, des sept épis pleins et des sept
épis vides. Elle nous donne encore d'autres exemples d'interprétation des
songes. Au livre de Samuel, Saül en guerre contre les Philistins et inquiet de
l'issue du combat invoque et consulte, par l'intermédiaire de la pythonisse
d'Ender, le prophète Samuel qui lui prédit sa défaite et sa mort. Dans
l'antique Grèce et dans l'ancienne Rome, les devins, les oracles étaient en
grand honneur. Les poètes nous ont transmis les noms de Calchas et Térésias.
Jusqu'à l'époque de Jésus-Christ, on venait de tous les coins du monde connu
consulter les oracles réputés. A Delphes, la Pythie, prêtresse d'Apollon,
montée sur un trépied, prononçait dans une sorte d'ivresse des phrases obscures
où l'on voulait voir des prédictions. A Dodone, on interprétait les bruits du
chêne de Jupiter, agité par le vent. Dans l'antre de Trophonius, des
consultants s'endormaient et les puissances infernales leur envoyaient des
songes prophétiques. Plusieurs sybilles habitaient des sites sauvages et la
foule venait les consulter dans leur antre. Des paroles informes, véritables
bégaiements, échappées à la sybille de Cumes en Italie, ont été composés les
livres sybillins où les Romains croyaient que les destins de Rome étaient
inscrits à l'avance. Mais ils avaient surtout foi aux présages et
entretenaient, pour les interpréter, des collèges d'augures et d'aruspices. Au
moyen âge, nombre de souverains entretenaient à leur cour des devins et des
astrologues. Les premières hordes de Bohémiens, en déferlant sur l'Europe,
apportèrent avec eux les arts magiques et notamment les tarots et la
chiromancie. Mais, de tous les arts divinatoires, l'astrologie acquit la
prépondérance. Notons, pour mémoire le nom des Cosme Ruggiéri, astrologue-devin
de Catherine de Médicis et celui de Nostradamus, qui a laissé un ouvrage de
prédictions obscures : Les Centuries. La tragédie de Macbeth, de Shakespeare,
représentée en 1606, est un monument de la croyance de cette époque, dans les
oracles de tous genres. De nos jours, se continue, hélas ! cette consultation
effrénée des diseurs d'avenir : cartomanciennes, dont les plus célèbres furent
Mlle Lenormand, sous le Consulat et l'Empire, et Mme de Thèbes. Astrologues,
chiromanciens, spirites évocateurs d'ombres, etc ... , continuent à faire des
affaires d'or. Les consultants ont beau constater que les devins se trompent
souvent, très souvent même, ils n'en restent pas moins convaincus de la
véracité des oracles, l'intérêt des hommes étant sans borne pour leurs
espérances infinies.
A la grande honte de la
raison humaine, les prédictions, les oracles obtenus par les différents
procédés que nous venons d'énumérer constituent, pour beaucoup, un véritable
système philosophique. Et trop nombreux sont les cerveaux chez lesquels
n'existe aucune limite entre le raisonnable et l'absurde. Incapables de
comprendre l'un et d'expliquer l'autre, ils ne savent pas faire la différence
entre ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. D'ailleurs cette distinction
ne peut exister en dehors d'un développement scientifique qui en fournit les
bases. Et l'absurde qui n'existe que par sa contradiction aux lois constatées
de l'intelligence humaine, est un mot vide de sens pour qui ne soupçonne pas
l'existence de ces lois.
Et c'est pourquoi nous
voyons et verrons encore tant de gens aller consulter l'oracle.
- C. ALEXANDRE.
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