n. m. (préfixe mi et lieu : du latin medius locus)
Ce mot est synonyme de
centre. Il sert à désigner un endroit à peu près également éloigné des
extrémités ou de la périphérie. On dit : le milieu d'un lac, ou d'une route, ou
d'un parcours donné. On dit aussi, philosophiquement parlant : le juste milieu,
pour situer les thèses, ou les doctrines morales, qui se maintiennent prudemment
à égale distance des conceptions extrêmes, en s'efforçant de les concilier. En
physique, est dénommé milieu tout corps fluide ou solide pouvant, à l'exemple
de l'air ou de l'eau, être traversé par d'autres corps. Par extension, le milieu,
du point de vue sociologique, est représenté, non seulement par la société dans
laquelle se meut un individu, mais encore par l'ensemble des circonstances ayant
contribué à faire de cet individu ce qu'il est, au moment où se porte sur lui notre
examen.
Quand les déterministes
affirment que l'individu est le produit de son milieu, ils entendent par là que
la constitution de son être, au physique et au moral, et toutes les
manifestations de son être, sont le résultat de la combinaison de trois facteurs
importants : l'hérédité, l'éducation et l'adaptation. Si l'on considère, en
effet, un homme appartenant à la plus basse catégorie sociale, tel un criminel
endurci, bestial et illettré, on découvre ordinairement :
1° Que ses impulsions
violentes et son penchant à la paresse sont dus à une dégénérescence de la
famille dont il est issu, dégénérescence ayant souvent pour origine
l'alcoolisme et l'insuffisante alimentation ;
2° que son enfance et
son adolescence, livrées à peu près au hasard, ne bénéficièrent ni des soins
spéciaux, ni de l'entourage favorable que son hérédité chargée eût rendus
particulièrement nécessaires ;
3° que le dénuement,
joint à son incapacité de se plier avec régularité à des travaux exténuants et
mal rétribués, l'a conduit à rechercher, dans le rapt brutal, la satisfaction
de besoins qu'il aurait pu contenter sans nuire à personne, si la destinée
avait été, pour ses ascendants et pour lui plus clémente, et la société humaine
moins marâtre. Il est donc possible de dire que, si cet homme était né de
parents normaux, s'il avait profité d'une bonne éducation, d'une hygiène et
d'une instruction suffisantes, s'il avait pu avec facilité gagner sa vie, grâce
à un travail en rapport avec ses aptitudes, son existence aurait pu être, et
eût été probablement, toute différente. Cette constatation nous conduit à professer
moins d'admiration pour les favorisés de la vie, mais, en revanche, une large
indulgence pour les pires actions de ceux qui en sont les déshérités.
Cependant ce serait une
grave erreur de croire que seules la misère et la mauvaise éducation sont génératrices
d'êtres antisociaux. Bien qu'elles aient à souhait l'utile et le superflu, les
classes riches en produisent de plus redoutables, dont les criminalistes ne
font point état dans leurs ouvrages. Ces malfaiteurs ont ordinairement pour eux
la loi, la faveur des grands, et il est rare qu'ils aient à subir les rigueurs
de l'emprisonnement. Ce n'est pas la faim qui les incite, mais le goût passionné
d'une puissance toujours accrue, et d'un luxe sans limites. Et pourtant, que
sont les méfaits du banditisme vulgaire auprès des exploits de certains financiers
qui, pour augmenter encore leurs scandaleuses fortunes, n'hésitent pas à mettre
en péril la sécurité des travailleurs, à frustrer d'un élémentaire bien-être
des milliers de familles, ou provoquer les ravages d'une guerre moderne ! On ne
peut nier que ces malfaiteurs d'en haut ne soient aussi les produits de leur
milieu. Et c'est ce qui complique le problème social, lequel serait
relativement simple s'il ne s'agissait que d'assurer à chacun la table et le
couvert au prix d'une tâche modérée, pour que l'harmonie régnât parmi les
hommes. Aux données philosophiques anciennes de ce problème, il faut adjoindre
les possibilités d'une large aisance généralisée, et d'un enseignement moral
très sévère qui, dès les premiers ans, atténuera les impulsions des êtres de
proie, et disposera ceux qui sont plus modestes et raisonnables à se défendre
contre leurs suggestions. Il ne faut pas oublier que si un homme, puissant ou
misérable, étudié isolément, peut être considéré comme déterminé, dans ses
actes répréhensibles, par les conditions sociales qu'il est contraint de subir,
ce raisonnement ne peut être appliqué à l'humanité tout entière. Il n'est pas,
en effet, de loi inique, de coutume barbare, de croyance absurde, d'appareil
meurtrier, qui ne soient dû à l'initiative des collectivités humaines, tout au
moins de certains hommes, servis, appuyés par ces collectivités, dont ils ne
sont pas forcément les tyrans, mais dont ils symbolisent et résument les
caractères distinctifs. Le seul milieu dont l'humanité conçue dans son ensemble,
puisse être considérée comme le produit, c'est la Nature, qui varie peu. Tout
ce qui est d'ordre social est, à toute époque, proportionnel aux besoins, aux passions,
aux aspirations plus ou moins généreuses, aux connaissances acquises des groupements
humains.
Aussi est-ce du progrès
de l'humanité dans son ensemble, en tant que connaissances scientifiques,
applications industrielles, ennoblissement physique et moral, que l'on peut
attendre seulement une amélioration réelle des conditions de la vie sociale.
Mais on ne voit guère l'ensemble de l'humanité s'avancer d'un même pas dans la
voie du progrès. C'est une règle communément observée que celle qui consiste en
ce que les mieux doués en chaque genre soient appelés, souvent au prix du
sacrifice personnel, à servir d'éclaireurs et de pionniers, pour que, grâce à
leur effort, soit préparé le milieu social nouveau où se développeront
conformément à des normes plus favorables que celles de jadis, ceux qui eussent
été incapables d'opérer par eux-mêmes cette substitution.
– Jean MARESTAN.
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