C’était ce 6 novembre que j’étais mort.
Mais les martyrs de la mort
décalée sont venus sucer jusqu’à mes os se régalant du festin. Dans leurs yeux,
il y avait les noces sanglantes en préparation.
Ils avaient tous le même
regard et j’avais beau les regarder de mes cendres odorantes, je ne pouvais
plus les reconnaitre. J’étais sur un autre chemin, loin d’eux, loin de leurs
yeux.
Mes pensées ne me serviraient
plus à rien, je ne faisais plus parti de rien.
Existerais-je même dans leur
haine ? Je n’en suis pas sûr. Ils étaient dans l’inconséquence. Peut-être
étaient-ils plus morts que moi.
Et puis, je l’ai aperçu,
perdue, sous une pluie fine et glaçante, comme le fut ma disparition. Elle
avait pourtant chanté la veille de ma mort alors que la délivrance commençait à
la mordre. C’est que j’avais trainé ma maladie comme une malédiction que je
leur jetais à leurs faces d’êtres inutiles vivants.
Je disparaissais et même la
vie ne s’arrêtait pas. Le même monde et les mêmes futilités. Je les avais
combattues toute ma vie et elles avaient gagnées, tué et enterré.
Je ne pouvais plus rien faire.
Donc, elle avait chanté.
Devant moi, alors qu’elle croyait que je dormais, que je souffrais en dormant. Que
je dormais pour mieux souffrir. Pour mieux souffrir, pour ne perdre aucune
seconde de cette douleur. Je dormais alors qu’elle, cela faisait des mois
qu’elle ne pouvait plus dormir.
Elle ramassait mes déjections,
des lessives et des repas, le tout se mélangeant dans une ronde infernale, mais
quand aurait-elle dormi ? Je la maudissais de la vie qu’elle possédait
encore alors que la mort me quittait par tous mes orifices, par tous mes pores.
Ce que je ne supportais pas,
c’est qu’elle voyait ma peur. Et elle me consolait en plus, me racontant les mensonges
que l’on dit à l’enfant. Je ne suis pas un enfant, que je hurlais en moi-même,
je suis juste un mourant de merde qui te maudit.
Ne pleure pas et va-t’en !
Laisse-moi ! Ne me regarde plus ! Éloigne-toi.
Pourquoi s’en allait-elle
pleurer dans la cuisine ? Je savais qu’elle pleurait et elle ne voulait
même pas me faire ce plaisir. Oui, elle pleure mais pleure-t-elle sur ma mort
et ma disparition ? Ou sur elle-même qui va rester seule ?
Va, tu te consoleras bien
assez vite, sous les coups de boutoir d’un autre mâle qui aura la mâle
certitude de t’être indispensable et de te vendre le produit meilleur que celui
qui agonise.
Je les vois tous autour de mon
lit. Il balance leur salade maudite, et je les vomis. Oui, lorsque je vomis, je
pense à eux, de toutes mes tripes cancéreuses
et je voudrais tellement que mon cancer soit contagieux. Ils mourraient
tous de ma mort, des mêmes parcelles de boyaux qui s’en iraient dans les mêmes
égouts.
Bon, il faut que je repense à un
jour où j’ai été heureux.
Putain ! Ce n’est pas
facile. Quand est-ce que la vie a été simple au point de dire que j’ai été
heureux ? Je n’y arrive pas. Pourtant, là, en ce moment, j’en ai besoin.
Je ne peux pas rester à souffrir et à ne penser qu’à la douleur. Je vais
devenir fou. Ou alors, je pense à la souffrance de quelqu’un d’autre. Une
personne que j’ai détestée.
Ma mère. Ma mère qui n’a
jamais été autant ma mère que depuis qu’elle est disparue et que je peux lui
donner le rôle de mère qu’elle n’a jamais eu.
Toute notre vie commune à
distance circonstanciée, je l’ai maudis de me maudire de ne pas l’appeler et de
lui dire « maman ». Dire maman à une mère maudite, c’est comme
dire : « j’aime je t’aime à un furoncle qui t’arrache les entrailles ».
Je pourrais mentir et dire que je l’ai aimé. Mais j’ai passé mon temps à la
combattre. Combattre son absence, combattre son égoïsme plus fort que le mien.
Se plaindre de sa vie pour ne pas me consoler de la mienne. Je ne peux plus
fuir ma haine. Elle est actuellement debout au-dessus de la tombe et je
m’entends lui dire : « il était temps ». Il était temps que
tu meurs pour me libérer du devoir que j’avais à te détester. De me libérer de
ces chaines haineuses qui entravent mes pas et mon regard à certains endroits
de la ville. Quand tu partiras, tu me libéreras des endroits de la ville où je
ne vais plus parce qu’il y a ta présence absente si forte qu’elle m’insupporte.
En fait, ta présence a toujours été insupportable. J’avais
les tripes à l’air quand tu étais dans mon entourage. L’air devenait vicié.
Voilà, je sens que la morphine fait son œuvre, je sombre. Va chier !
Je pourrais prendre une date
au hasard et dire, à ce moment, j’ai été heureux et rire à m’en faire péter ma
trachéotomie. Mais ces dates-là n’ont jamais existé. Je ne peux que maudire
ceux qui chantent à tue-tête qu’ils ont été heureux, accomplis.
Oui, j’ai eu des instants de
paix.
A Erquy, dans la nuit, lorsque
je sortais prendre l’air frais. Oui, j’aimais ces instants pendant lesquels j’étais
seul et mon esprit avait le droit de penser ce qu’il pensait sans aucune
censure. Je pouvais souhaiter la mort de qui je voulais, je pouvais concevoir
l’assassinat de qui je voulais. A ce moment-là, j’étais le plus fort, le plus
intrépide. Je’ n’avais peur de rien.
Ou alors, lorsque j’allais
encore à la montagne et que je m’enfonçais dans la foret en ne souhaitant
qu’une chose : que la neige recouvre mes pas et que je ne retrouve jamais
le chemin pourri de la civilisation. Mourir sans revoir un seul être humain.
Sans sentir le regard sale de celui qui te plaint, qui te comprend. Oui, lui,
il connait mieux la souffrance que toi. Il sait. Il n’a même pas besoin de
parler, il comprend.
Non tu ne comprends rien. Je
veux que tu n’aies jamais existé. Je ne veux plus voir tes yeux sales se poser
sur moi. Jamais, on ne meurt assez seul dans ce monde. Il y a toujours quelque
part quelqu’un qui pense à toi mais qui n’ai pas capable de prendre ta douleur.
Ah tu penses à moi, alors meurs à ma place. Ou alors, ce sont ces machines
bruyantes : machine à morphine, pompe à oxygène, monitoring…
Je souffre encore plus de
savoir que je ne vais pas être seul, qu’elle va poser ses yeux sur moi, qu’elle
va me plaindre. Je ne veux pas qu’on me plaigne, je veux que l’on me foute la
paix. Vouloir assister à la mort de son conjoint, c’est malsain. C’est malsain.
C’est montrer à l’autre que l’on va continuer alors que l’autre va s’arrêter.
L’autre continuera à rire, à bouffer, à sentir. Il y aura même un moment où
elle va de nouveau rire. Et pourquoi pas, pourquoi pas, ne va-t-elle pas
retomber amoureuse ? Refaire l’amour ? Se laisser pétrir par des
mains inconnues ? Peut-être même va-t-elle connaitre de nouveau un orgasme
et puis un autre ? Un chapelet d’orgasme alors que moi, je ne serais plus
rien. Putain, elle va m’imposer cela dans ses yeux qui pleurent soi-disant sur
moi. C’est ma mort, ce n’est pas la sienne. Encore une fois se sentir dépossédé
de quelque chose qui n’appartient qu’à moi.
Je ne veux plus penser à elle
et c’est à ce moment qu’elle entre et qu’elle demande comme une ceinture glacée
sur la peau tendue : « tu m’aimes ? »
Mais non, là, je n’aime
personne, je veux juste la paix. Je veux être seul. Je veux puer seul, je veux
me chier dessus sans que personne ne me plaigne. C’est la fin de ma vie. Pas de
celle d’un autre. Que l’on me laisse.
Et moi, je lui réponds :
« plus que jamais ». Comme une blessure encore plus profonde que le
mal que je ressens. Je ferme les yeux. La dernière fois ?
Merde, encore un jour. Et elle
est là, avec son sourire foireux de femme aimante et souriante qui sera
présente jusqu’au bout : « je ne te laisserais pas mon
chéri. ». Je n’en veux pas de ta sollicitude.
Je tente de lever la main. Je
tente de caresser son visage. Comme j’aimerais la gifler pour la faire
m’oublier. Et je sculpte au scalpel un sourire d’amour. Et une balafre s’ouvre
dans mes entrailles. Je me tourne car je ne veux pas qu’elle me voit tel que je
suis. Pourtant, elle me connait. Je suis celui qu’elle n’aurait jamais voulu
connaitre ni aimer. Pas de bol ? Ce fut moi.
Regarde celui qui t’a pourri
toute ta vie. Il va partir et tu vas encore l’aimer. Tu vas encore parler de
lui avec un peu de rancune mais beaucoup d’amour.
Mais dis-le que je suis une
merde d’homme. Que je n’ai jamais rien fait pour toi.
Que je suis sale. Que je ne mérite l’amour de personne.
Dis-le. Dis leur à tous le
véritable homme que j’ai été. Ne jette pas de fleurs, je n’aime pas les fleurs.
Je maudis ton amour. Je le
maudis. Pourquoi ? Parce que si tu ne m’aimais, je mourrais tellement si
facilement. Sans jalousie. Sans souhaiter ta mort également. Accompagne-moi.
Viens avec moi. Ensemble au-delà de la vie et de la mort. Allez viens.
Mais non il faut que tu vives.
Tu te rends compte si Manoukian avait écrit une telle lettre à sa femme au
moment de partir ? Quelle image ! Serait-il ce héros que l’on aime
adorer ? Et pourtant lui aussi, il est mort. Bêtement. Dans le froid. Pour
des conneries qui n’étaient pas les siennes.
Oui, mais moi, ma guerre, mes
guerres, je les ai toutes perdues les unes derrières les autres. Toutes. Je
n’ai pas peur de le dire car je n’ai rien à foutre de ce que pourront penser
ces gens qui ne me connaissent pas. Qui se foutent de ma mort comme moi de leur
vie. M’ont-ils chié dans les bottes à me raconter sans cesse leurs malheurs,
leurs problèmes. M’ont-ils écouté raconter les miens ? Non. M’ont-ils accompagné
ces jours de maladie ? Non. Sont-ils là à soulager mon agonie ? Non.
Pourtant, ils pourraient être là, à baver sur celle qui va bientôt être libérée
de sa parole. Et pourquoi pas, maintenant, derrière cette porte que je n’ouvre
plus moi-même. Se faire prendre, là contre la porte. Avec ce souffle de la
jouissance qui viendrait me caresser la joue. Me frôler plus encore que la
mort. Mais non. Elle est seule. Les bruits de la cuisine, de la vie qui ne
s’ébat jamais assez loin de moi sont insupportables.
« Cesse de vivre »
je pourrais hurler, si les glaires ne cessaient d’obstruer mon gosier. Ils
m’ont dit qu’il est possible que je meure noyer. Et bien vivement. Et puis,
non, l’absence d’air est une souffrance. Plus qu’un estomac qui suppure dans un
ventre ? Peut-être.
Parfois mon propre râle me
réveille et je crois dormir près d’une bête. De toute façon, je dors seul. J’ai
toujours dormi seul. Comme une mort continuelle. Quotidienne. Ne peut expliquer
ce qui se vit, c’est une évanescence de soi-même qui s’extériorise dans la
continuité.
J’entends les donneurs de leçons : « la
mort, je ne peux pas en avoir peur, je ne connais pas ».
Moi, je n’ai pas envie de
connaitre. Regarde, même cette vie si misérable qui fut la mienne, comme celles
de milliards d’individus, on s’y accroche et on n’a pas envie de la laisser
partir, comme ça. Laconiquement, je dirais.
Non, on ne connait pas mais
qu’on est sûr que derrière il n’y a rien. Rien c’est rien. Sans me prendre pour
ce que je ne suis pas, je ne suis pas rien. Je suis un individu, un être humain
qui a fait aussi du bien. Peu. Selon mes moyens. Mais avec toute ma volonté. Ça
aussi, elle le dira. Et puis, elle dira ce qu’elle voudra, je n’en saurais
rien. Elle ne pourra jamais me haïr comme je l’ai aimé.
« La mort est un beau
voyage ». Mais non, c’est le surplace définitif. Tu ne bouges que parce
que l’on te déplace, sinon tu n’es plus rien. Une conscience qui est non
palpable qui devient soudainement rien. Une invisibilité qui va devenir
présente, prégnante.
Ils regarderont mon portrait
et se remémoreront les moments de bonheur. Ou de simulacre plus précisément. On
fait avec. On ne connait pas le bonheur étalon, ce ne sont que les sensations
que l’on ressent. On dit « tiens je n’ai pas trop mal, ça doit être ça le
bonheur ». Il ne peut se concevoir de bonheur total. Dans le même sens,
nous ne connaissons pas le malheur absolu. L’homme tente toujours de s’en
approcher. Il met tous les moyens dont il dispose à sa recherche. Mais le
bonheur, il ne le cherche pas. Il le fuit parce qu’il pense que c’est une
illusion. Mais pourquoi ne pas s’acharner à donner corps à une illusion ?
Mon chemin n’a été que ça et pour autant, ma vie a-t-elle état vide de
sens ? Ceux de l’extérieur ne pensent qu’au vide lorsqu’il regarde mon
passage sur terre.
Doit-on obligatoirement donner
un sens à sa vie ? C’est quoi « donner un sens ? »
L’éphémère du passage ne
devrait nous donner envie qu’au vagabondage, envie de musarder. De passer
agréablement ce temps si court à aimer, à la liberté. Mais non, l’issue qui est
celle qui inéluctable nous oblige pas à penser à l’instant présent, à combler les
vide de bruit et de fureur, pour ne pas avoir peur de la mort. Cette fin qui
s’avance « avec sa gueule moche » comme dirait Boris Vian.
Parfois, quand je ne fais pas
attention, je suis comme eux. Je donne de l’importance à l’illusion de
l’importance de la vie. Je joue un personnage sérieux qui pense à l’utilité de
sa fonction, de son rôle dans cet espace que je me suis imposé, ou que le
destin m’a fourni. Et puis, je me reprends, l’espace-temps que j’ai est si
court, et il court si vite, que je ne dois plus m’esquinter à vouloir en
combler l’espace par des futilités mais simplement, me replier sur les choses
importantes pour moi. Bakounine disait qu’il ne serait libre qu’au milieu des
hommes libres, mais il n’a fait que passer son temps en exil ou en prison. Sa
seule liberté fut celle d’avoir envie de matérialiser celle qu’il avait conçu
dans son esprit pour les autres et donc pour lui. Mais il n’a fait que
s’échapper de lui-même, tentant de se trouver chez les autres mais en fait,
n’a-t-il lui aussi combler un espace-temps ? De Stirner ou Bakounine, qui
s’est le plus approché de sa liberté ?
Le désenchantement est un
espace cicatrisationnel puisqu’il nous console de notre non-action, de notre
résignation. Est-il donc l’important de ceux qui ne conçoivent pas le sérieux
du temps sur terre ?
Mais je souffre. La vie est
donc bien réelle. J’actionne la pompe à morphine. Voilà, dans quelques minutes,
je serais peut-être moins vivant mais la douleur ne sera plus là.
Je ferme les yeux.
Et… ?
Le lendemain, après avoir
essuyé ma bouche de la bave, après m’être frottés mes yeux pleins de pus, j’ai
pu enfin décider que ce jour qui venait de s’ouvrir devant moi, serait celui de
la joie. Je décidais que je n’aurais pas mal, pas de douleur.
Et même, si elle était là, et
qu’elle me mordait l’intérieur comme jamais, je serais heureux et j’allais
sourire. Sourire à ma femme. Enfin, depuis si longtemps, quelques minutes, je
survivrais pour ces quelques minutes. Cette mort qui avance n’allait pas
m’empêcher d’aimer ma femme, de lui dire, de lui montrer.
Je l’appelais silencieusement,
car je ne pouvais pas parler, je ne pouvais plus. Mes mots comme une plaie, ils
suintaient mais ne s’élevaient pas.
Elle entra. Elle me regarda.
Et elle comprit, elle comprit que le combat du jour allait être ce sourire pâle
que je voulais lui offrir pour quelques minutes.
Elle s’assit sur le bord du
lit, elle me prit la main. J’eus très mal comme si elle me tordait les doigts
alors qu’elle me caressait le dos de la main.
« Je veux te voir sourire… »
Comme mon dernier cadeau.
Comme il pouvait être mon dernier cadeau.
J’avais envie de me battre
pour accumuler des derniers cadeaux.
J’avais ce ciel bleu dans mes
yeux qui passait.
« Je t’ai… »
Je lui mis ma main sur la
bouche. Je ne voulais pas qu’elle me dise cette phrase comme on laisse tomber
la phrase finale. Celle que l’on dit quand on ferme les yeux de la personne.
Cette fois, c’était moi, la personne.
Je ne veux pas être la
personne. Je ne veux plus être personne, je ne veux pas devenir la personne la
plus importante parce que j’allais bientôt disparaitre. Mourir pour ne pas
disparaitre. Mourir pour encombrer tous les espaces. Libres ou encombrés. Elle
me regarda comme on regarde une lutte fratricide.
« Je veux te faire un bon
repas… Que veux-tu manger ? »
En moi, je riais. Que veux-tu
vomir aurait-elle du dire. Rien ne reste. Je ne fais que quitter mon corps de
toutes les manières possibles. Je ne suis plus étanche du tout.
Je me remets dans les draps.
Et je ferme les yeux. Et je veux qu’elle parte, vite, avant que le flot
d’insultes n’arrive entre mes lèvres, ne passe ce rideau que je tente de
laisser fermer. Mais elle traine. Elle veut savourer ces derniers instants de
délices.
Je tourne la tête et m’oblige
à refuser cette compassion. Je ne meurs pas pour que l’on m’aime. Je meure pour
mourir, parce que c’est mon destin.
Toute ma vie, je n’ai fait que
croire que j’ai mené ma vie telle je l’ai voulue. Mais, en fait, à chaque
embranchement, mes non-choix m’ont conduit à ne vivre que de regrets ou de
remords. Et si c’était à refaire ? Sans mémoire, il est probable que je
ferais la même chose et je verrais la même galerie de portraits en me
disant : « merde, qu’ai-je fait ? » « Que n’ai-je pas
fait ? » « Pourquoi n’avoir rien fait ? »
Dans ce lit double, il ne
reste que la substance de ma non-vie. Je n’en prends pas plus de place. Je n’ai
fait que des non-choix que je ne veux plus m’imposer, m’imposer de croire que
j’en suis fier.
Je veux avouer que j’ai merdé
sur toute la ligne, que rien n’a été voulu et que ce que je n’ai pas voulu,
était ma destinée la meilleure, l’évidence, mon évidence, celle de ma vie
évidente, de ma vie évidence.
Ce ne sont que ces moments-là
que je ne regrette pas, ce sont ces évidences que j’espèrerais ne pas louper si
c’était à refaire.
Qu’est-ce que cette
expression ? « Si c’était à refaire ? » Rien ne peut se
refaire. Il faut faire, et parfaire ce que nous ne choisissons pas.
A ce moment, j’entendis la
porte se fermer. Je ressentis la porte se fermer. L’empreinte de la main sur la
clenche qui glisse comme un regret est ressentie de façon douloureuse dans mon
corps.
Je poussais le curseur de la
machine à morphine au maximum. J’allais peut-être mourir de ne plus vouloir
souffrir. Mourir en étouffant les douleurs de la vie.
Je vis…Je v….
Ce matin-là, lorsque je
m’éveillais, j’avais envie de penser à toutes celles qui avaient égayé mes
jours sans que je n’ose leur dire ce qu’elle produisait dans mon âme et sur mon
corps. Elles soulignaient les minutes qui auraient pu être pénibles, d’une
légèreté insoupçonnable. Il n’y avait quasiment rien de sexuel dans mes regards
ou dans les ressentis. Je les regardais et je les aimais. Platoniquement,
désespérément apeuré de vouloir faire quelque chose que je n’oserais jamais
faire, d’avoir envie de leur dire simplement : « ne t’inquiète
pas, dès que je t’ai vu, je suis tombé amoureux ».
Je ne leur ai jamais dit.
La peur peut-être d’entendre sortir
de leurs adorables bouches que j’aurai aimé embrasser, « arrête, tu ne
m’intéresses pas » Ou peut être
encore pire : « pourquoi me le dire si tard ? C’est
fini. » En me répondant cela, nous aurions su qu’il n’y aurait jamais rien
eu de possible si ce n’est le plaisir de se laisser croire que le temps n’a pas
été notre allié, que les rencontres ne se sont pas faites dans un temps
précis…En fait, je ne vivais pas ces sentiments, je les brodais autour de mon
vil quotidien.
Et puis, il y avait ce sentiment
affreux qui me tenaillait et qui me frustrait de la joie de les regarder. Je me
disais « ce corps que tu vas leur imposer, mais de quel droit ? Que
vas-tu leur apporter de plus que ce qu’elles ont avec leurs amoureux du
moment ? »
Alors, je détournais la tête,
heureux de les avoir aperçus, presque à leur insu, et triste de me dire que
rien ne changerait jamais et que j’allais devoir me contenter de celle qui m’aimait
et qui, en fait, était celle dont l’amour réciproque empêche cette sorte de
tristes histoires. Etait-ce réellement le sentiment d’amour réciproque qui
empêchait ce genre de bêtises, de butinements ? Et pourquoi y mettons-nous
tant de chose dans la fidélité ? Les corps s’expriment, les fluides, sans
attouchements, s’échangent, s’effleurent et chacun en ressort plus atrophié,
plus frustré. Nous en faisons porter les conséquences à nos compagnes et
compagnons. Qui eux-mêmes doivent traversés les mêmes marécages. Pourquoi
serais-je le seul à vivre cela ? La frustration est-il un sentiment
naturel et nous aide-t-il à nous forger une morale irréprochable ? Ne
sont-ce pas plutôt des sensations que l’on perd et que l’on ne retrouvera
jamais à l’issue de cette gesticulation si éphémère ? Je balayais de mon
regard tous ces visages que je vénérais sans que personne ne le sache. Je
m’apaisais alors d’un mal que je ne ressentais pas véritablement mais qui
aurait pu m’envahir si j’avais vraiment ressenti ce sentiment que je
m’autorisais à ressentir à quelques instants précis. Je les croyais aléatoires
alors qu’ils ne m’envahissaient que lorsque j’avais à m’apaiser d’une
contrariété. Ce sont des sensations qui nous balaient le visage, légers et sans
traces visibles qui pouvaient rester accrochés un certain temps. Leurs
véritables forces étaient qu’ils n’appartenaient qu’à moi. S’il me prenait
l’envie d’avouer un quelconque sentiment à l’une d’elle, je perdais le bénéfice
de cet apaisement, pour sombrer dans le sordide de la déroute adultère. Je
n’avais pas véritablement envie de vivre cette déchéance, sans que je sache
véritablement ce qui pouvait m’en empêcher. N’étais-je pas le seul maitre de ce
que je pouvais ou ne pouvais faire ? Cette signature que l’on fait un jour
lors d’une grande cérémonie, on en donne une définition précise de l’engagement
au-delà de tout, au-delà du ciel, au-delà de l’instance suprême que représente
Dieu. Mais quelle est la valeur d’un engagement devant quelque chose qui
n’existe pas ?
Un sentiment, même si il est
réel, si il bouleverse les temps et les moments, si il envahit le corps et
l’âme, est-il si puissant que cela, qui m’engage à l’infini à ne ressentir cela
que pour celle ou celui à qui on a dit oui, à un moment, à un instant ?
L’éphémère de la passade, le
temps très court de la complainte des corps, brise-t-elle cette solennité d’il
y a quelques temps ? Ce temps qui est révolu, n’a la puissance que de
l’éphémère. Il ne s’inscrit dans rien d’éternel. Il n’y a rien d’éternel.
Alors, je revenais chaque jour
à ses côtés, comme si tous ces moments n’existaient pas, comme si, je ne vivais
que la promesse éternelle que je lui avais faite.
Ce soir-là, elle s’assit sur
le rebord du lit, et j’aurais souhaité ne pas à avoir à mourir ce fameux 6
novembre. Mais la mort, comme un rendez-vous que l’on ne peut pas reporter. J’ai
rendez-vous avec cette angoisse que je ne peux léguer à personne.
Je lui pris la main, la lui
serra très fort, serra sur mon sœur une larme échappée, et je fis ce geste qu’il y avait longtemps que je n’avais pas
fais. Je lui promis, une promesse inutile mais réconfortante, comme toutes les
promesses inutiles que l’on a envie de croire pour traverser des instants
difficiles, que jusqu’à la fin des temps, je l’aimerais. Cette fin des temps
qui allaient prendre effet pour moi ce 6 novembre et qu’elle, elle aura le
pouvoir de prolonger jusqu’à sa fin des temps à elle. Quelques années plus
tard. Je ne veux pas (j’espère), qu’elle reste seule (je ne veux pas qu’elle
m’oublie), et qu’elle trouve quelqu’un (je ne veux pas qu’elle connaisse un
autre homme). Je n’ai pas le droit de lui demander cela (je serais sa douleur
intolérable de ma mort qu’elle ne peut oublier).
D’un geste, je lui impose ma lassitude et la somme de me
laisser seul afin que je me repose (repaisse de ses visages adultérins).
Ce sont des moments que je
construis. Il n’est pas évident de ne vouloir que souffrir, de n’être que plaie
et souffrance. Je décide de n’être que souffrance. Uniquement souffrance. Du
cerveau droit au ventricule gauche. En travers. Mon sang ne coule plus dans
aucune veine car chacune n’est plus que déchirure.
Pourquoi voulais-je
souffrir ? Pour que l’on ne cherche qu’à me consoler ? Mais je
cherche encore pourquoi on me consolerait vu que ma souffrance n’est qu’une
construction. J’ai le droit de construire ma souffrance mais je n’ai pas celui
d’entrainer qui que ce soit dans le cercle du consoleur/consolé.
Au début, je croyais que
c’était quelque chose qui me tombait dessus. Pas de chance. Pas le jour. Mais
non rien à voir. Et ces moments que je construisais correspondait à des moments
où elle était joyeuse, où ses rires ne m’étaient pas adressés, ou ses yeux
brillent sans que j’en sois la cause. Responsable. Alors, qu’est-ce que je
fais ? Je la punis. Et oui, mais elle ne peut pas être heureuse sans moi.
Elle n’a pas le droit d’être heureuse sans moi. Pour tout dire, je la condamne
à pleurer du jour de ma mort jusqu’à la sienne. Peut-être même, la souffrance
qu’elle va ressentir, intolérable, insurmontable, va-t-elle l’obliger à
l’anticiper, à la provoquer, à la précipiter.
Ce qui est fort déplaisant,
c’est qu’elle me regarde toujours avec amour, avec compassion car elle ne sait
pas ce que je pense. Elle n’a aucune image de mes pensées ; ma souffrance
lui impose ce visage compassé ; ma mort prochaine lui impose cet amour
infini. Mais qu’est-ce que cela peut me faire ? M’apporter ?
Ce matin-là, la douleur
s’était habituée à mon corps et je pensais que j’allais pouvoir enfin lire
quelques lignes, quelques vers. Ce matin-là, je n’aurais pas besoin de ma pompe
à morphine habituelle.
Qu’allais-je bien pouvoir
lire ? Je tombe par inadvertance sur « lettre au père » de
Kafka. Par inadvertance ? Non, en fait, rien ne me touche qui ne soit
prévu ou imposé par une ligne tracée. Donc, je pris l’ouvrage.
Pour haïr quelqu’un encore
faut-il qu’il ait été présent, qu’il existe ou qu’il ait existé suffisamment
pour laisser une empreinte indéfectiblement haïssable. Que sa présence devienne
une douleur insupportable, ou alors qu’elle nous fait ressentir une haine
incroyable, insupportable, incommensurable. Mon père n’a vécu que le temps de
m’incruster, dans mes veines, dans ma perception, son immense absence. De mon
père mort, je n’ai haï que son absence, le fait que je n’ai jamais eu ses bras
autour de mon corps, ses mains sur mon visage. Son souffle sur mon visage le
soir pour un baiser. Une nuit qu’il m’apaise, un matin qu’il me pousse.
Et puis l’absence de sa voix,
l’absence de son tout, il n’est devenu rien sans qu’il n’en a conscience et il
me l’a imposée. En avait-il le droit ? Le savait-il que j’allais le haïr
par e qu’il allait mourir sans se rendre compte qu’il me forcerait à l’attendre
toute ma vie, pour le rejoindre dans sa mort. Dans ma mort. Dans mon impatience
de son message qui ne vient pas. Qui ne viendra jamais. Il n’avait même pas
conscience qu’il avait à me laisser un message derrière lui. Ma route est
d’autant plus longue, sinueuse, inconfortable. Alors ce Kafka qui parle de son
père, à son père, même si ce n’est pas de vive voix, si ce n’est que par lettre
interposée, il l’en face de lui, autour de lui de sa présence qui lui nuit. De
son absence souhaitée non expressément. J’aimerais, j’aurais aimé que le mien
m’impose celle de son insupportable présence. Je ne l’idéalise que parce qu’il
ne m’a jamais existé autour de moi. Par non connaissance, j’aurais souhaité
échanger une vie de ma mère pour une heure en présence de mon père. Pour le
regretter ensuite. Pour vouloir le regretter ensuite. Pour vouloir le regretter
ensuite. Pour peut-être espérer le regretter ensuite.
Elle a été ma première
expérience avec la mort.
Quand je l’ai rencontré, j’aurais
pu savoir qu’elle était vénéneuse. D’ailleurs, je le savais. Je l’ai cherchée, côtoyée.
Je n’ai jamais rêvé que j’allais
pouvoir rêver ça. Je l’ai peut-être toujours cherché, mais pas rêvé. J’ai pris
ce que j’ai pu trouver. Elle m’avait prévenu que je n’avais rien. Et c’est sans
doute ce qui a fait que je m’y suis jeté à corps perdu. A âme perdue. J’ai
surjoué l’amour, la passion. ET je suis tombé de trois étages. Sans combattre, Comme
une fatalité. Comme une envie de ne plus jamais atteindre la terre. Je n’ai pas
lutté contre la mort. J’ai accepté de revivre. J’ai accepté de revoir le jour
et la vie. Je n’avais pas envie de voir quelqu’un d’autre qu’elle. Celle qui
avait failli me tuer par sa fuite dans la nuit parisienne. Dans cette nuit
éthylique. Comme fatidique. Cette journée qui avait à peine commencée qu’elle n’allait
plus finir. Cette course folle à l’alcool. Tout l’alcool possible. Tout. Jusqu’à
cette chute. Cette chute.
« Les larmes de la lune », elle qui se faire enculer et ces gens, ces
inconnus, qui volent et qui dorment dans des armoires électriques. Et moi qui
lui demande de m’apprendre à voler avec elle. Pour elle. Au-devant d’elle.
Et ça a été ma première
expérience avec des machines qui me font vivre. Qui me font ne plus avoir mal.
J’ai traversé tout ça avec fatalisme. Je survis, je survis, et si je meure, et
bien, je meure.
Je n’avais qu’une obsession. Les
fenêtres d’en face mon lit qui me permettait de l’apercevoir dans tous les bras
possibles, dans toutes les positions possibles.
Ce centre de tri fut la perte
de ma vie. La descente aux enfers. Le torrent de la chute. Le Niagara de la
déglingue.
Cette journée qui a été le
prologue de chute, elle m’a annoncé qu’elle se marierait le 15 aout. Le 15 aout.
Alors, nous ne nous sommes pas parlé mais nous avons bus. Je lui ai annoncé que
je ne voulais plus lui parler. C’était fini. Je n’allais tout de même pas être
un témoin. Nous avons bu plus que de coutume. Et sans fin. Sans joie. Sans cri.
Sans pleurs. Rien que de la haine de ma part. Elle me demande de buter son
conjoint, oh, de manière subtile, comme dans le chuchotement à un possédé, à un
illuminé, à un envoûté. Et elle m’annonce qu’elle va se marier. Se marier, le
15 aout.
Alors, ce 15 aout, j’étais à l’hôpital,
plâtré de la tête aux pieds. Drogué pour ne pas souffrir, plus conscient de grand-chose
(si ce n’est que je hais ma mère et que je l’humilie dans mon inconscience) et
ce 15 aout, j’ai passé la journée à pleurer, sans savoir pourquoi, sans me
rendre compte de pourquoi je pleurais. Et fait étrange, ce fut un jour où, dans
mes délires, je ne l’ai pas vu dans l’encadrement de la fenêtre en face. Elle
ne volait pas, elle ne baisait pas avec des inconnus, non, elle était en train
de se marier.
Je n’ai pas eu la conscience
que ce 15 aout fut la journée la plus triste de ma vie.
J’ai confondu.
Je n’ai pas cherché à me
persuader que je m’étais trompé.
Je n’ai pas voulu entendre que
je m’étais trompé. Je savais que je n’avais pas d’issue avec elle. A part ce
que j’ai subi quelques années plus tard.
Je n’avais pas l’intention de
mourir. Je n’avais pas l’intention de mourir, ni de tuer personne comme elle me
le demandait. Je devais la débarrasser de celui dont elle n’arrivait pas à
oublier qu’elle en était folle.
Et folle, c’est bien ce qu’elle
était puisqu’elle faisait sans arrêt des passages dans les HP ; d’où elle
m’appelait pour la faire évader.
Je l’aimais mais je ne voulais
pas la voir sortir. Je voulais l’aimer mais comme un regret éternel, celle avec
laquelle je ne pourrais jamais vivre parce qu’elle était interné car folle.
Jamais, je n’aurais fait évader une folle.
Dans la région parisienne,
après un malaise qu’elle avait fait dans un restaurant après avoir trop bu, les
pompiers nous ont amenés dans un hôpital psychiatrique en banlieue. On s’est
enfui. On a fait le mur. Et nous sommes revenus de banlieue, en pleine nuit, à
pied.
Aucune guide touristique de la
capitale ne propose de faire le tour de tous les hôpitaux de Paris. Moi, je les
ai tous fait avec elle. Pour elle.
Ça aurait été si simple qu’un
jour elle meure. Elle serait étouffée dans son vomi. Ou, en traversant sans
regarder, elle aurait été renversée par une voiture. Ou alors, une grave crise
d’asthme.
Je mens, elle a eu une grave
crise. Et con comme je suis, j’ai appelé le SAMU. Ils sont arrivés à temps. Et
le con, qu’est-ce qu’il me dit ? Comme pour me rassurer ? « 5
minutes de plus, et elle y passait ». Et merde !
Et elle serait devenue mon
éternel amour, celle que j’aurais aimée jusqu’à la fin des temps. Des temps de
Paris jusqu’à mon retour en province. Jusqu’à ce que je rencontre celle qui est
ma femme. Celle qui est mon évidence. Celle qui est de l’autre côté et qui
pleure parce que je vais mourir. Son amour va mourir…et voilà à quoi penses son
amour. A celle qui a failli le tuer.
La chute en elle-même, je n’en
ai aucun souvenir. Je les ai chassés. Classer comme on se vante d’une aventure
volontaire. Sans qu’elle ne l’était pas. Par contre, je me rappelle de presque
toutes les minutes de cette journée.
Nous avions bu la veille,
comme nous avions bu la veille, comme la veille. Cela faisait quinze jours que
nous ne dessoulions pas. Nous buvions, je vomissais, nous buvions, je
vomissais.
Cela me fait penser, lorsque j’allais la rejoindre dans son foyer pour picoler.
Une nuit, après un trop plein, je suis allé vomir pour faire de la place. Et j’ai
immédiatement dessoulé lorsque, au milieu du vomi, j’ai aperçu une tâche de
sang. La peur !
Bon, puis à force, jamais plus
je n’avais peur. Mais je savais que c’était une limite pour arrêter. Mais elle,
elle continuait, et elle tombait. Sans arrêt, partout, tout le temps.
Il a fallu mettre un terme à
cette inexpérience. Cette terrible erreur.
Il m’a fallu me désintoxiquer
de l’alcool, pour pouvoir me désintoxiquer d’elle.
Comme ce fut une épreuve,
comme ce fut une nuit blanche. Comme ce fut, une nuit blanche silencieuse.
Terriblement silencieuse. Nous ne devions plus jamais nous revoir. Jamais. Mais
nous n’en avions jamais eu de regret. Surtout moi. J’étais libéré. Je l’ai
accompagnée à la gare ST Lazare. ¨Pour être sûr qu’elle parte. Pour être sûre
qu’elle ne fasse pas demi-tour.
Nous sommes restés, face à
face, en silence. Il n’y avait même plus de haine. Non, simplement, nous contemplions
sur le tapis le cadavre de ce qui fut notre relation. Amour ? Haine ?
Passe-temps ? Défoulement ? Dépaysement ? Rien qui ne ressemble
à de l’amour en tout cas. Et puis, nous avions envie que la nuit finisse. Vite.
Enfin, nous pûmes nous rendre à la gare Montparnasse. Elle a marché sur le quai,
elle ne s’est pas retournée, elle ne m’a même pas regardé. Cette attitude m’a
libéré définitivement. Tranquillement. Donc, je suis sorti de la gare, j’ai
poussé un gros soupir et je suis allé me coucher.
Pendant deux jours, j’ai mangé
tout et n’importe quoi, j’ai dormi et je me suis branlé. Jusqu’à hurler de
douleur. La douleur d’être libre contre ma volonté. C’était ridicule mais je ne
pouvais pas y échapper. A n’y rien comprendre. Rien. Le principal, c’était que
j’étais libre.
Ces lignes seront les
dernières sur cet épisode. Elles sont le testament de cette aventure
nauséabonde.
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