jeudi 12 mai 2022

Celui dont le signe astral était la mer? Par M.A. Partie 4

 Ce matin-là, lorsque je m’éveillais, j’avais envie de penser à toutes celles qui avaient égayé mes jours sans que je n’ose leur dire ce qu’elle produisait dans mon âme et sur mon corps. Elles soulignaient les minutes qui auraient pu être pénibles, d’une légèreté insoupçonnable. Il n’y avait quasiment rien de sexuel dans mes regards ou dans les ressentis. Je les regardais et je les aimais. Platoniquement, désespérément apeuré de vouloir faire quelque chose que je n’oserais jamais faire, d’avoir envie de leur dire simplement : « ne t’inquiète pas, dès que je t’ai vu, je suis tombé amoureux ».

Je ne leur ai jamais dit.

La peur peut-être d’entendre sortir de leurs adorables bouches que j’aurai aimé embrasser, « arrête, tu ne m’intéresses pas »  Ou peut être encore pire : « pourquoi me le dire si tard ? C’est fini. » En me répondant cela, nous aurions su qu’il n’y aurait jamais rien eu de possible si ce n’est le plaisir de se laisser croire que le temps n’a pas été notre allié, que les rencontres ne se sont pas faites dans un temps précis…En fait, je ne vivais pas ces sentiments, je les brodais autour de mon vil quotidien.

Et puis, il y avait ce sentiment affreux qui me tenaillait et qui me frustrait de la joie de les regarder. Je me disais « ce corps que tu vas leur imposer, mais de quel droit ? Que vas-tu leur apporter de plus que ce qu’elles ont avec leurs amoureux du moment ? »

Alors, je détournais la tête, heureux de les avoir aperçus, presque à leur insu, et triste de me dire que rien ne changerait jamais et que j’allais devoir me contenter de celle qui m’aimait et qui, en fait, était celle dont l’amour réciproque empêche cette sorte de tristes histoires. Etait-ce réellement le sentiment d’amour réciproque qui empêchait ce genre de bêtises, de butinements ? Et pourquoi y mettons-nous tant de chose dans la fidélité ? Les corps s’expriment, les fluides, sans attouchements, s’échangent, s’effleurent et chacun en ressort plus atrophié, plus frustré. Nous en faisons porter les conséquences à nos compagnes et compagnons. Qui eux-mêmes doivent traversés les mêmes marécages. Pourquoi serais-je le seul à vivre cela ? La frustration est-il un sentiment naturel et nous aide-t-il à nous forger une morale irréprochable ? Ne sont-ce pas plutôt des sensations que l’on perd et que l’on ne retrouvera jamais à l’issue de cette gesticulation si éphémère ? Je balayais de mon regard tous ces visages que je vénérais sans que personne ne le sache. Je m’apaisais alors d’un mal que je ne ressentais pas véritablement mais qui aurait pu m’envahir si j’avais vraiment ressenti ce sentiment que je m’autorisais à ressentir à quelques instants précis. Je les croyais aléatoires alors qu’ils ne m’envahissaient que lorsque j’avais à m’apaiser d’une contrariété. Ce sont des sensations qui nous balaient le visage, légers et sans traces visibles qui pouvaient rester accrochés un certain temps. Leurs véritables forces étaient qu’ils n’appartenaient qu’à moi. S’il me prenait l’envie d’avouer un quelconque sentiment à l’une d’elle, je perdais le bénéfice de cet apaisement, pour sombrer dans le sordide de la déroute adultère. Je n’avais pas véritablement envie de vivre cette déchéance, sans que je sache véritablement ce qui pouvait m’en empêcher. N’étais-je pas le seul maitre de ce que je pouvais ou ne pouvais faire ? Cette signature que l’on fait un jour lors d’une grande cérémonie, on en donne une définition précise de l’engagement au-delà de tout, au-delà du ciel, au-delà de l’instance suprême que représente Dieu. Mais quelle est la valeur d’un engagement devant quelque chose qui n’existe pas ?

Un sentiment, même si il est réel, si il bouleverse les temps et les moments, si il envahit le corps et l’âme, est-il si puissant que cela, qui m’engage à l’infini à ne ressentir cela que pour celle ou celui à qui on a dit oui, à un moment, à un instant ?

L’éphémère de la passade, le temps très court de la complainte des corps, brise-t-elle cette solennité d’il y a quelques temps ? Ce temps qui est révolu, n’a la puissance que de l’éphémère. Il ne s’inscrit dans rien d’éternel. Il n’y a rien d’éternel.

Alors, je revenais chaque jour à ses côtés, comme si tous ces moments n’existaient pas, comme si, je ne vivais que la promesse éternelle que je lui avais faite.

 



Ce soir-là, elle s’assit sur le rebord du lit, et j’aurais souhaité ne pas à avoir à mourir ce fameux 6 novembre. Mais la mort, comme un rendez-vous que l’on ne peut pas reporter. J’ai rendez-vous avec cette angoisse que je ne peux léguer à personne.

Je lui pris la main, la lui serra très fort, serra sur mon sœur une larme échappée, et je fis ce geste  qu’il y avait longtemps que je n’avais pas fais. Je lui promis, une promesse inutile mais réconfortante, comme toutes les promesses inutiles que l’on a envie de croire pour traverser des instants difficiles, que jusqu’à la fin des temps, je l’aimerais. Cette fin des temps qui allaient prendre effet pour moi ce 6 novembre et qu’elle, elle aura le pouvoir de prolonger jusqu’à sa fin des temps à elle. Quelques années plus tard. Je ne veux pas (j’espère), qu’elle reste seule (je ne veux pas qu’elle m’oublie), et qu’elle trouve quelqu’un (je ne veux pas qu’elle connaisse un autre homme). Je n’ai pas le droit de lui demander cela (je serais sa douleur intolérable de ma mort qu’elle ne peut oublier).

D’un geste, je lui impose ma lassitude et la somme de me laisser seul afin que je me repose (repaisse de ses visages adultérins).


 



Ce sont des moments que je construis. Il n’est pas évident de ne vouloir que souffrir, de n’être que plaie et souffrance. Je décide de n’être que souffrance. Uniquement souffrance. Du cerveau droit au ventricule gauche. En travers. Mon sang ne coule plus dans aucune veine car chacune n’est plus que déchirure.

Pourquoi voulais-je souffrir ? Pour que l’on ne cherche qu’à me consoler ? Mais je cherche encore pourquoi on me consolerait vu que ma souffrance n’est qu’une construction. J’ai le droit de construire ma souffrance mais je n’ai pas celui d’entrainer qui que ce soit dans le cercle du consoleur/consolé.

Au début, je croyais que c’était quelque chose qui me tombait dessus. Pas de chance. Pas le jour. Mais non rien à voir. Et ces moments que je construisais correspondait à des moments où elle était joyeuse, où ses rires ne m’étaient pas adressés, ou ses yeux brillent sans que j’en sois la cause. Responsable. Alors, qu’est-ce que je fais ? Je la punis. Et oui, mais elle ne peut pas être heureuse sans moi. Elle n’a pas le droit d’être heureuse sans moi. Pour tout dire, je la condamne à pleurer du jour de ma mort jusqu’à la sienne. Peut-être même, la souffrance qu’elle va ressentir, intolérable, insurmontable, va-t-elle l’obliger à l’anticiper, à la provoquer, à la précipiter.

Ce qui est fort déplaisant, c’est qu’elle me regarde toujours avec amour, avec compassion car elle ne sait pas ce que je pense. Elle n’a aucune image de mes pensées ; ma souffrance lui impose ce visage compassé ; ma mort prochaine lui impose cet amour infini. Mais qu’est-ce que cela peut me faire ? M’apporter ?

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