lundi 9 mai 2022

Celui dont le signe astral était la Mer. Par M.A. partie 1

 C’était ce 6 novembre que j’étais mort.


Mais les martyrs de la mort décalée sont venus sucer jusqu’à mes os se régalant du festin. Dans leurs yeux, il y avait les noces sanglantes en préparation.

Ils avaient tous le même regard et j’avais beau les regarder de mes cendres odorantes, je ne pouvais plus les reconnaitre. J’étais sur un autre chemin, loin d’eux, loin de leurs yeux.

Mes pensées ne me serviraient plus à rien, je ne faisais plus parti de rien.

Existerais-je même dans leur haine ? Je n’en suis pas sûr. Ils étaient dans l’inconséquence. Peut-être étaient-ils plus morts que moi.

Et puis, je l’ai aperçu, perdue, sous une pluie fine et glaçante, comme le fut ma disparition. Elle avait pourtant chanté la veille de ma mort alors que la délivrance commençait à la mordre. C’est que j’avais trainé ma maladie comme une malédiction que je leur jetais à leurs faces d’êtres inutiles vivants.

Je disparaissais et même la vie ne s’arrêtait pas. Le même monde et les mêmes futilités. Je les avais combattues toute ma vie et elles avaient gagnées, tué et enterré.

Je ne pouvais plus rien faire.

Donc, elle avait chanté. Devant moi, alors qu’elle croyait que je dormais, que je souffrais en dormant. Que je dormais pour mieux souffrir. Pour mieux souffrir, pour ne perdre aucune seconde de cette douleur. Je dormais alors qu’elle, cela faisait des mois qu’elle ne pouvait plus dormir.

Elle ramassait mes déjections, des lessives et des repas, le tout se mélangeant dans une ronde infernale, mais quand aura-t-elle dormi ? Je la maudissais de la vie qu’elle possédait encore alors que la mort me quittait par tous mes orifices, par tous mes pores.

Ce que je ne supportais pas, c’est qu’elle voyait ma peur. Et elle me consolait en plus, me racontant les mensonges que l’on dit à l’enfant. Je ne suis pas un enfant, que je hurlais en moi-même, je suis juste un mourant de merde qui te maudit.

Ne pleure pas et va-t’en ! Laisse-moi ! Ne me regarde plus ! Éloigne-toi.

Pourquoi s’en allait-elle pleurer dans la cuisine ? Je savais qu’elle pleurait et elle ne voulait même pas me faire ce plaisir. Oui, elle pleure mais pleure-t-elle sur ma mort et ma disparition ? Ou sur elle-même qui va rester seule ?

Va, tu te consoleras bien assez vite, sous les coups de boutoir d’un autre mâle qui aura la mâle certitude de t’être indispensable et de te vendre le produit meilleur que celui qui agonise.

Je les vois tous autour de mon lit. Il balance leur salade maudite, et je les vomis. Oui, lorsque je vomis, je pense à eux, de toutes mes tripes cancéreuses  et je voudrais tellement que mon cancer soit contagieux. Ils mourraient tous de ma mort, des mêmes parcelles de boyaux qui s’en iraient dans les mêmes égouts.

 

Bon, il faut que je repense à un jour où j’ai été heureux.

Putain ! Ce n’est pas facile. Quand est-ce que la vie a été simple au point de dire que j’ai été heureux ? Je n’y arrive pas. Pourtant, là, en ce moment, j’en ai besoin. Je ne peux pas rester à souffrir et à ne penser qu’à la douleur. Je vais devenir fou. Ou alors, je pense à la souffrance de quelqu’un d’autre. Une personne que j’ai détestée.

Voilà, ma mère. Ma mère qui n’a jamais été autant ma mère que depuis qu’elle est disparue et que je peux lui donner le rôle de mère qu’elle n’a jamais eu.

Tout notre vie commune à distance circonstanciée, je l’ai maudis de me maudire de ne pas l’appeler et de lui dire « maman ». Dire maman à une mère maudite, c’est comme dire : j’aime je t’aime à un furoncle qui t’arrache les entrailles. Je pourrais mentir et dire que je l’ai aimée. Mais j’ai passé mon temps à la combattre. Combattre son absence, combattre son égoïsme plus fort que le mien. J'ai combattu sa trop présence malsaine. Se plaindre de sa vie pour ne pas me consoler de la mienne. Je ne peux plus fuir ma haine. Elle est actuellement debout au-dessus de la tombe et je m’entends lui dire : « il était temps ». Il était temps que tu meurs pour me libérer du devoir que j’avais à te détester. De me libérer de ces chaines haineuses qui entravent mes pas et mon regard à certains endroits de la ville. Quand tu partiras, tu me libéreras des endroits de la ville où je ne vais plus parce qu’il y a ta présence absente si forte qu’elle m’insupporte.

En fait, ta présence a toujours été insupportable. J’avais les tripes à l’air quand tu étais dans mon entourage. L’air devenait vicié. Voilà, je sens que la morphine fait son œuvre, je sombre. Va chier !

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