mardi 10 mai 2022

Celui dont le signe astral était la Mer. Par M.A. partie 2

 Je pourrais prendre une date au hasard et dire, à ce moment, j’ai été heureux et rire à m’en faire péter ma trachéotomie. Mais ces dates-là n’ont jamais existé. Je ne peux que maudire ceux qui chantent à tue-tête qu’ils ont été heureux, accomplis.

Oui, j’ai eu des instants de paix.

A Erquy, dans la nuit, lorsque je sortais prendre l’air frais. Oui, j’aimais ces instants pendant lesquels j’étais seul et mon esprit avait le droit de penser ce qu’il pensait sans aucune censure. Je pouvais souhaiter la mort de qui je voulais, je pouvais concevoir l’assassinat de qui je voulais. A ce moment-là, j’étais le plus fort, le plus intrépide. Je’ n’avais peur de rien.

Ou alors, lorsque j’allais encore à la montagne et que je m’enfonçais dans la foret en ne souhaitant qu’une chose : que la neige recouvre mes pas et que je ne retrouve jamais le chemin pourri de la civilisation. Mourir sans revoir un seul être humain. Sans sentir le regard sale de celui qui te plaint, qui te comprend. Oui, lui, il connait mieux la souffrance que toi. Il sait. Il n’a même pas besoin de parler, il comprend.

Non tu ne comprends rien. Je veux que tu n’aies jamais existé. Je ne veux plus voir tes yeux sales se poser sur moi. Jamais, on ne meurt assez seul dans ce monde. Il y a toujours quelque part quelqu’un qui pense à toi mais qui n’ai pas capable de prendre ta douleur. Ah tu penses à moi, alors meurs à ma place. Ou alors, ce sont ces machines bruyantes : machine à morphine, pompe à oxygène, monitoring…

Je souffre encore plus de savoir que je ne vais pas être seul, qu’elle va poser ses yeux sur moi, qu’elle va me plaindre. Je ne veux pas qu’on me plaigne, je veux que l’on me foute la paix. Vouloir assister à la mort de son conjoint, c’est malsain. C’est malsain. C’est montrer à l’autre que l’on va continuer alors que l’autre va s’arrêter. L’autre continuera à rire, à bouffer, à sentir. Il y aura même un moment où elle va de nouveau rire. Et pourquoi pas, pourquoi pas, ne va-t-elle pas retomber amoureuse ? Refaire l’amour ? Se laisser pétrir par des mains inconnues ? Peut-être même va-t-elle connaitre de nouveau un orgasme et puis un autre ? Un chapelet d’orgasme alors que moi, je ne serais plus rien. Putain, elle va m’imposer cela dans ses yeux qui pleurent soi-disant sur moi. C’est ma mort, ce n’est pas la sienne. Encore une fois se sentir dépossédé de quelque chose qui n’appartient qu’à moi.

Je ne veux plus penser à elle et c’est à ce moment qu’elle entre et qu’elle demande comme une ceinture glacée sur la peau tendue : « tu m’aimes ? »

Mais non, là, je n’aime personne, je veux juste la paix. Je veux être seul. Je veux puer seul, je veux me chier dessus sans que personne ne me plaigne. C’est la fin de ma vie. Pas de celle d’un autre. Que l’on me laisse.

Et moi, je lui réponds : « plus que jamais ». Comme une blessure encore plus profonde que le mal que je ressens. Je ferme les yeux. La dernière fois ?

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