samedi 16 février 2019

Journal de la Commune


MAIRIE DU IIIe ARRONDISSEMENT
Citoyens, Nous venons vous rendre compte de notre administration depuis le 1er avril.
Au lendemain du vote qui nous assurait la majorité de vos suffrages, en prenant possession de la mairie du IIIe arrondissement, nous nous sommes trouvés devant des bureaux vides ; tous les employés de l’état civil ayant obéi au mot d’ordre des insurgés de Versailles, qui était : abandonner toutes les administrations publiques pour isoler la Commune et la rendre responsable de la désorganisation que leur criminalité avait créée.
Nous aurions pu nous emparer d’individus dont les services étaient dus, non à un pouvoir politique, mais à la chose publique, et les obliger de faire un travail qui intéresse toute la population.
Mais pénétrés du sentiment que la Révolution restait à faire dans toutes les administrations routinières, et qui ont fonctionné sous la République du 4 septembre comme sous l’Empire, nous avons accueilli sans regret le départ des anciens employés, persuadés que nous les remplacerions avec avantage.
Voici, du reste, un tableau qui est plus éloquent que tout ce que nous pourrions dire :

Etat du personnel de l’état civil de la mairie du IIIe arrondissement, avec le chiffre de ses appointements jusqu’au 31 mars 1871 :
Un secrétaire, chef des bureaux, ci par an 6 500 f. Un sous-chef 3 400 f. Trois commis … par an 3 000 fr. 9 000 f. Deux commis 2 700 fr. 5 400 f. Quatre commis — 9 600 f. Un commis 2 100 f. Un commis 1 500 f. Quatre commis 1 200 fr. 4 800 f. Soit par an 42 300 f.
Le jour même où ces dix-sept employés abandonnèrent leur poste, ils étaient remplacés par nos soins.
Seulement, à ce chiffre de dix-sept, nous substituâmes celui, suffisant pour ce travail, de neuf employés, qui réduiront cette somme de trois mille cinq cent vingt-cinq francs à celle plus modique de quatorze cents francs.
Dans les dix premiers jours de gestion, nos employés ont eu un surcroît de travail, et, quoique nouveaux dans l’administration, s’en sont acquittés à la satisfaction du public, qui n’a pas un instant souffert dans ses intérêts.
De plus, et c’est tout dire à la honte des hommes qui ont toujours dirigé les administrations municipales avec les errements de l’Empire, nous avons trouvé des travaux de l’état civil en retard de plusieurs mois.
Il est bien entendu que nous n’incriminons en rien l’administration précédente, qui recevait les ordres de la mairie de Paris, mais nous appuyons sur ce fait que l’état déplorable des administrations impériales a subsisté jusqu’à la Révolution communale du 18 mars. Le travail rétribué à sa juste valeur ; le mérite seul récompensé, plus de faveurs, plus de sinécures, voilà notre programme.
Croirait-on (et nous affirmons le fait) que pendant toute la durée de la guerre, alors que l’on marchandait une allocation dérisoire à la garde nationale, M. Jules Ferry exigeait que l’on donnât des appointements à des jeunes gens sous les drapeaux, fils de famille pour la plupart, et qui n’avaient pas besoin de cela pour vivre !
Ce système-là, citoyens, doit avoir fait son temps. L’épuration complète de l’administration nous procurera de grandes ressources, qui nous permettront de nous sortir de la position critique où nous ont mis l’intrigue, la corruption et la mauvaise foi de ceux qui nous gouvernaient.
Pour les services en dehors de l’état civil, et surtout pour celui de l’assistance, nous voulons au plus tôt les simplifier ; améliorer le sort des nécessiteux et établir par des enquêtes minutieuses l’état des personnes vraiment dignes d’intérêt ; écarter les demandes illégitimes, et surtout employer aux services divers qui sont en rapport avec le public des personnes polies, remplissant sans mauvaise grâce le devoir qui incombe à tous ceux qui ont du cœur.
Soulager la misère.
Etre, en un mot, les véritables mandataires de nos électeurs, en nous tenant toujours à leur disposition quand des réclamations justes seront produites ; rendre justice à tous, sans rechercher une vaine popularité. Le sentiment du devoir accompli, l’assurance que nous aurons rempli le mandat que vous nous avez confié, seront notre récompense.
Nous voulons chaque mois, chaque semaine, vous tenir au courant des intérêts municipaux, qui sont les vôtres.
Et surtout maintenir haut et ferme, jusqu’à la mort, le drapeau de la République démocratique et sociale. Les membres de la Commune élus du IIIe arrondissement, ARNAUD (ANTOINE), DEMAY, DUPONT (CLOVIS), PINDY.
10 avril 1871.

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