« Dans le
monde il n'est rien de beau que l'équité » écrivait Boileau. Si
l'équité est la droiture, la justice, alors il n'est rien de beau
dans le monde car celuici est bâti sur l'iniquité et l'injustice.
De quelque côté que l'on se tourne, on assiste à l'arbitraire le
plus choquant, à l'inhumanité la plus révoltante. L'équité, nous
dit Lachâtre, est la disposition à faire à chacun part égale, à
reconnaître impartialement le droit de chacun. Mais le droit, en
régime bourgeois, est une formule creuse. Le droit en société
capitaliste c'est la force, c'est la violence, c'est la puissance,
c'est l'autorité ; le droit, c'est la rigueur des lois, c'est le
législateur, c'est le magistrat, c'est le gardien de prison. Peut-on
demander à ces divers suppôts de l'organisme social de se faire les
fidèles défenseurs de l'équité? Rien n'est équitable en ce bas
monde, et l'injustice règne en maîtresse. La base même de
l'organisation sociale est inique, comment les institutions qui en
découlent et les hommes qui les dirigent seraient-ils probes et
justes? Ce qu'il y a de plus effrayant, c'est que ceux qui souffrent
de cette absence d'équité sont les premiers forgerons des chaînes
qui les tiennent attachés au servage injuste qu'ils subissent
inconsciemment. L'iniquité sociale devient chaque jour plus
flagrante cependant que le démocratisme déploie son étendard et
proclame son désir d'équité humaine. Tromperie que tout cela et le
démocratisme est un mensonge. Point n'est besoin de fouiller bien
profond pour s'apercevoir qu'il n'est pas un facteur d'équité.
Jetons un regard dans ce foyer de concussion qu'est le parlement. Il
s'y commet les crimes les plus odieux et les plus méprisables. Ce
n'est certes pas parmi cette association de malfaiteurs que l'on
cherche à « reconnaître impartialement le droit de chacun ».
Chargés de soutenir le « droit » et de défendre les intérêts de
leurs mandants, les députés trafiquent de leurs mandats et font
leurs propres affaires. L'équité pour eux est simplifiée : elle
consiste à remplir leurs poches afin de vivre grassement sur le dos
de leurs électeurs. Les lois qu'ils promulguent sont iniques une loi
ne peut être équitable - et favorisent toujours les classes
possédantes qui dirigent tous les rouages de la société Dans la
répartition des lourdes charges de l'Etat, l'équité brille
également par son absence. De même qu'au moyen âge le serf était
contraint de suer sang et eau pour subvenir aux besoins et aux
jouissances de son seigneur, le peuple aujourd'hui, esclave
modernisé, est obligé de travailler pour payer directement ou
indirectement les impôts servant à entretenir une armée de
parasites.
« L'Equité
rarement est l'arbitre des rois » dit Marmontel ; elle est aussi
rarement l'arbitre des démocraties. Les monarchies et les
démocraties reposent, les unes comme les autres, sur des principes
d'inégalité sociale, comment l'équité pourrait-elle y être
souveraine? Pas plus d'équité dans la magistrature que dans le
Parlement. « Quand les juges n'ont que l'ambition et l'orgueil dans
la tête, dit Voltaire, ils n'ont jamais l'équité et l'humanité au
cœur ». Où se trouve-t-il ce juge parfait sans orgueil et sans
ambition ? Issue de la bourgeoisie, la magistrature est là pour
servir la bourgeoisie. Demander à un juge d'être équitable est une
absurdité. Tout au plus peut-on espérer de lui une certaine
modération dans ses jugements, et encore!... La justice est injuste,
comme l'équité légale est inique. Il ne peut y avoir d'équité
dans la légalité et c'est la cause pour laquelle tous les
réformateurs, qui espèrent en la loi pour rénover le monde,
piétinent sur place sans rien changer à une situation qui se
perpétue. Tout est corrompu, tout est vicié, tout est pourri dans
la société bourgeoise. Le capitalisme, pour conserver ses
privilèges menacés par le désir chaque jour grandissant du peuple,
emploie les moyens les plus iniques. Contre cela un seul moyen : la
Révolution. Mais une révolution complète, entière, détruisant
tous les germes du passé, abolissant l'autorité néfaste qui fit le
malheur de milliers de générations ; une révolution qui permettra
de jeter les bases d'une société fraternelle où l'équité ne sera
pas un vain mot, mais une réalité.
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