samedi 16 février 2019

Journal de la Commune


Commission des barricades
Séance du 12 avril 1871

PRÉSIDENCE DU CITOYEN ROSSEL chef d’état-major du ministère.

La séance est ouverte à trois heures et demie.
Sont présents : le citoyen Rossel, au lieu et par ordre du général délégué à la guerre ; Miot, membre de la Commune ; Blin, colonel, chef de la 5e légion, spécialement convoqué pour la séance ; Thirion, de la 4e compagnie du génie ; Havet de la 3e compagnie, tous commandants desdites compagnies ; Buyat, délégué du 14e arrondissement, Guillot, du 11e, Jean, du 9e, Gaillard père, du 1er et du 20e arrondissements.
Le citoyen Thirion accepte les fonctions de secrétaire.
Le citoyen président met en discussion l’examen du système actuel des barricades.
Les citoyens Miot, Gaillard père et Buyat prennent successivement la parole pour examiner et critiquer diverses portions du système existant.
La commission, considérant que les barricades actuelles ont été construites en vue d’un genre de guerre tout différent de ce que nous aurons à faire sur des points qui ne son plus menacés, que plusieurs de ces barricades entravent la circulation sans rendre aucun service, et surtout qu’elles sont construites en pavés, et deviennent très dangereuses pour les défenseurs si elles étaient attaquées par l’artillerie, à cause des éclats de pierre, que détacheraient les projectiles ;

Décide que les barricades actuelles seront détruites par le service de la voirie municipale au fur et à mesure de la construction de nouvelles barricades, formant un système destiné à défendre la ville contre les attaques de l’extérieur.
Le citoyen président met en discussion l’emplacement du système de défense par les barricades ; il appelle l’attention de la commission sur la valeur de l’enceinte fortifiée, qui est la meilleure de toutes les barricades, et ensuite sur les lignes de défense naturelles de la ville, telles que le chemin de fer de ceinture et les boulevards extérieurs.
La commission examine successivement le système de défense à adopter pour les différentes portions de la ville (Cette partie du procès-verbal n’est pas destiné à la publicité).
La commission constate que, par suite d’un malentendu, les municipalités de plusieurs arrondissements n’ont pas nommé de délégués pour prendre part aux délibérations. Elle décide que le délégué de chaque arrondissement sera dépositaire du plan de la défense de l’arrondissement. Le citoyen Thirion est chargé d’étudier les emplacements des travaux prescrits pour le 8e arrondissement.
La commission arrête l’emplacement de deux lignes de barricades sur toute la portion opposée aux attaques des troupes de Versailles. Elle décide que les mêmes lignes s’étendront sur tout le tour de la ville.
Le citoyen Miot, appelé par ses devoirs de membre de la Commune, se retire à cinq heures. Les citoyens chefs de légion sont également autorisés par la commission à ne plus prendre part aux discussions, vu l’urgence de leurs autres occupations.
Le citoyen président met en délibération le mode de construction des barricades.
Le citoyen Guillot présente un système de barricades à étage, avec étage inférieur voûté et crénelé.
La commission décide qu’un rapport écrit sera présenté par le citoyen Guillot sur son système.
La commission arrête la forme et les dimensions de deux types de barricades, l’un pour les grandes voies de communication, l’autre pour les petites rues.

Ces barricades sont en terre, avec un fossé de deux mètres de profondeur du côté de l’ennemi, et un petit fossé de 50 à 80 centimètres de profondeur du côté intérieur.
Le citoyen gaillard père propose que les égouts soient coupés dans le fossé et miné en avant de la barricade. Il présente que les barricades sont principalement destinées à démontrer à l’ennemi et à la population que pour prendre Paris, il faudra le détruire maison par maison.
Il faut donc accumuler dans les barricades les moyens de défense les plus propres à agir sur le moral de l’ennemi. Il n’est pas probable qu’elles servent, car l’attaque n’aura pas l’énergie d’avancer jusque-là, mais avec cette organisation, Paris défie la trahison et les surprises.
Un membre fait remarquer qu’on accélérera la construction en utilisant les pavés pour le noyau de la barricade. Il y a dans chaque arrondissement de grands dépôts de pavés préparés à l’avance. La commission adopte ce système, pourvu que les pavés, soient recouverts d’un mètre cinquante de terre franche du côté tourné vers l’ennemi. La terre destinée à revêtir le massif en pavé sera prise dans le grand fossé pour le parapet, et dans le petit fossé pour le côté intérieur de la barricade.
Un membre insiste sur l’urgence d’une action immédiate, révolutionnaire, au lieu d’une action méthodique ; il a confiance dans la spontanéité des efforts individuels, qui donneront des résultats bien plus rapides qu’un procédé régulier. La commission entre dans ces vues et décide que les barricades doivent être étudiées méthodiquement et exécutées révolutionnairement.
La commission arrête ainsi qu’il suit le tracé des barricades, sauf modifications dans les cas particuliers :
La commission décide que la conservation des tuyaux du gaz et de l’eau sera assurée jusqu’au moment de l’attaque, aussi bien que celle des égouts, qu’il n’est pas nécessaire d’ouvrir pour les miner.
La commission arrête ainsi qu’il suit l’emploi des égouts pour les mines.
Elle répudie absolument, comme trop lente, toute construction et fouille de galerie de mine, mais elle admet que des fourneaux de mine seront faits au fond et sur le côté des égouts, et arrête ainsi qu’il suit leur position et leur charge.

Premier fourneau à 20 mètres en avant du fossé, charge, 40 kilog. de poudre.
Second fourneau à 12 mètres plus loin que le second, charge, 100 kilog.
Et ainsi de suite sir les circonstances le permettent, toujours avec la charge de 100 kilog. Chaque fourneau devra être amorcé séparément.
La commission décide que le procès-verbal de la séance sera publié et affiché à l’exception des mesures qui règlent l’emplacement et la stratégie des barricades.
La commission charge le citoyen Gaillard père de faire lithographier et livrer au public et au commerce les profils recommandés par la commission. Les citoyens Morel, 4e arrondissement ; Thirion, 8e; 9e; Guillot, 11e ; Buyat, 14e; Leduc, 15e; Darnal, 16e; Gaillard père, 1er et 20e, reçoivent pleins pouvoirs pour l’organisation des barricades dans leurs arrondissements.
La commission décide que la rue du Rempart sera barricadée de chaque côté de chaque porte, ainsi que toutes les voies aboutissant aux portes, et que les maisons d’encoignures seront organisées militairement.
La commission décide que la prochaine séance aura lieu demain 13 avril, à trois heures après midi, au ministère de la guerre ; on y examinera les mesures prises et les études faites dans chaque arrondissement. En attendant, chaque délégué doit opérer d’urgence, et faire commencer le travail avec le concours de la délégation communale, en se conformant au plan d’ensemble adopté.
Chaque barricade sera composée de deux portions appuyées l’une au côté droit, l’autre au côté gauche de la rue, et laissant entre elles entre elles et les maisons un passage de trois mètres. Cependant, dans les voies qui ne seront pas nécessaires à la circulation des voitures, on ne fera qu’une barricade, avec un passage de 1 mètre de largeur à l’un des extrémités.
La commission arrête ainsi qu’il suit le profil d’une barricade pour les grandes voies de communication
Profondeur du fossé, 2 mètres.
Largeur, ce qu’il faudra pour le massif.
Hauteur de la barricade, 4 mètres.
Epaisseur en haut, 6 mètres.
Largeur de la banquette de tir, 2m50.
Talus du côté de l’ennemi, 4 mètres de base. Talus montant à a banquette, 5m50 de base.
Epaisseur totale, 19 mètres. Hauteur du massif de pavés, 2m50.
Epaisseur au pied, 15 mètres. Epaisseur en haut, 7m50.
Fossé intérieur, ad libitum.
Le dessus de la barricade et le dessus du massif de pavés doivent être en pente du côté de l’ennemi.
La commission arrête ainsi qu’il suit le profil des barricades pour les rues détournées
Profondeur du fossé, 2 mètres.
Largeur, ce qu’il faudra.
Hauteur de la barricade, 3 mètres.
Epaisseur en haut, 2 mètres. Largeur de la banquette, 2m50.
Talus du côté de l’ennemi, 3 mètres. Talus montant à la banquette, 3m50.
Epaisseur au pied, 11 mètres. Hauteur du massif de pavés, 1m60.
Epaisseur au pied, 8 mètres Epaisseur en haut, 3m50.
Fossé intérieur, pas plus de 80 centimètres de profondeur.

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