L'espionnage est l'action qui consiste à épier, à observer
les gestes et les actes d'un individu ou d'un groupe d'individus afin
d'être renseigné sur leurs intentions. Ce mot est surtout usité
dans le langage courant pour désigner le service attaché aux
institutions de chaque pays et dont le rôle est de se rendre compte
des ressources, de la puissance et des projets militaires des nations
étrangères. L'espionnage est l'action la plus vile et la plus
infâme que l'on puisse concevoir, et les misérables qui s'y livrent
sont désavoués même par ceux qui les emploient. Le service
d'espionnage, dit le Larousse, « existe à l'état-major de presque
toutes les armées... mais la plupart des espions sont des individus
n'offrant aucune garantie de capacité et de fidélité, et qu'il
convient de contrôler au moyen d'un service de contre-espionnage ».
Peut-on avouer plus cyniquement, dans un ouvrage bourgeois, combien
est méprisable et dégradante l'action d'espionner? Et n'est-ce pas
avouer également l'infection d'une Société obligée d'utiliser de
tels procédés? « L'espionnage serait peut-être tolérable s'il
pouvait être exercé par d'honnêtes gens », dit Montesquieu. Non,
l'espionnage ne peut pas être honnête ; il ne peut pas être
propre, car un individu ayant une conception saine de la morale ne
peut accepter de s'abaisser à jouer le rôle d'espion. Il ne faut
pas croire que l'espionnage est exercé simplement par des policiers
amateurs ou accasionnels qui, sitôt découverts sont désavoués par
les gouvernements auxquels ils vendent leurs services. Il y a dans
cette institution toute une hiérarchie qui part du simple espion à
l'attaché militaire et de l'attaché militaire à l'ambassadeur.
L'ambassadeur est en réalité un espion accrédité auprès d'une
nation étrangère par son gouvernement, auquel il doit fournir le
plus de renseignements possible sur l'activité commerciale
industrielle et surtout militaire de cette nation. Et cela est
tellement vrai qu'un ambassadeur correspond avec son gouvernement de
telle façon que le langage employé ne puisse être déchiffré par
personne d'autre. Comme dans tout ce qui compose l'ordre social
bourgeois, l'espion de basse classe est considéré comme un individu
sans aveu, alors que le ministre, l'ambassadeur qui l'occupe est un
homme honoré, sinon honorable. A nos yeux, ils sont méprisables au
même degré, et, s'il était possible de graduer le dégoût que
nous inspirent de telles pratiques, le personnage haut placé
mériterait d'être blâmé avec plus de force que celui qui est en
bas de l'échelle sociale. En régime bourgeois, on n'espionne pas
seulement ses ennemis, mais aussi ses « amis ». Les divers groupes
de capitalistes internationaux ont si peu confiance les uns dans les
autres que, même lorsqu'ils sont alliés, ils s'épient
mutuellement, de crainte d'être joués dans une entreprise
quelconque. C'est ce qui explique que l'on rencontre en France, non
pas seulement des espions allemands - ce qui, en vertu des principes
qui dirigent les institutions bourgeoises, se comprendrait encore -
mais des espions anglais qui sont, parait-il, nos « amis ». Cela ne
les empêche nullement de chercher à découvrir les secrets
militaires du pays ; c'est réciproque, du reste, et les Français
agissent de même. Méfions-nous des espions ; ils ne sont pas
employés seulement au service des informations militaires ; toute la
haute politique, la police, la diplomatie ont leurs mouchards qui
s'insinuent partout, cherchent à pénétrer les secrets les plus
intimes, pour s'en servir comme arme lorsqu'il s'agit, pour ces
organisations bourgeoises, d'abattre un adversaire. Nos milieux ne
sont pas exempts d'espions que l'on dénomme vulgairement : mouchards
(Voir ce mot). Disons, pour terminer, qu'en France, l'espionnage au
service d'une autre nation est un délit puni, en temps de paix, de
deux à cinq années de prison et, en temps de guerre, de la peine de
mort. La tentative d'espionnage et le recel d'espions sont punis de
la même peine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire