Langue artificielle d'étude facile qui, sans se substituer aux
langues nationales, permet à des hommes de mœurs et de langage les
plus différents de se comprendre et d'établir entre eux des
relations. Esperanto signifie : qui espère. C'est de ce pseudonyme
que le Docteur Zamenhof, auteur de la langue qui a gardé ce nom,
signa ses premiers ouvrages sur ce sujet. C'est qu'un grand espoir
ranimait, en effet, ce chercheur lorsqu'il travaillait à son projet
de langue universelle. (Voir ci-dessous Zamenhof). Origine et
structure. - L'Esperanto n'est pas composé de mots et de formes
arbitraires nés dans l'esprit de Zamenhof ; il est le fruit d'un
long travail de recherches et de comparaisons linguistiques. Toutes
les racines sont tirées des langues Indo-Européennes, le choix de
l'auteur étant guidé par le seul souci de rechercher les plus
répandues, sauf les cas où celles-ci offraient trop de difficultés
de prononciation ou bien quand l'une d'elles, par trop de similitude
avec une autre, pouvait prêter à confusion. Pour la grammaire, elle
est basée sur la plus simple : l'anglaise ; le vocabulaire est
réduit au minimum par le jeu des affixes et des prépositions
employées comme affixes. Dans les verbes, le nombre de temps est
limité à l'indispensable pour la clarté du discours. Toute la
grammaire tient en 16 règles sans aucune exception. Les voici en peu
de lignes : 1° Un seul article défini : la, pour tous les genres et
pour tous les nombres, pas d'article indéfini. 2° Le substantif se
termine toujours par o, auquel on ajoute j au pluriel. Deux cas
seulement : le nominatif et l'accusatif, ce dernier est indiqué par
un n final, les prépositions : de, al, per, por, etc., remplacent
les autres cas. 3° L'adjectif prend la finale : a, les cas sont
indiqués comme au substantif. Le comparatif se forme au moyen du mot
: pli, le superlatif au moyen du mot : plej, le que du comparatif se
traduit par : ol, le de du superlatif par : el. 4° Les adjectifs
numéraux cardinaux sont invariables, on leur ajoute l'a de
l'adjectif pour former les numéraux ordinaux, obi pour les
multiplicatifs, on pour les fractionnaires, op pour les collectifs ;
on place po avant les cardinaux pour indiquer les distributifs, 5°
Les pronoms personnels sont : mi (je), vi (tu, vous), li (il), si
(elle), gi (il, elle neutre), si (soi), ni (nous), ili (ils, elles),
oni (on), précédés par la (le, la les) et, terminés par a, ils
deviennent possessifs. 6° Le verbe n'a ni genre, ni nombre ; il
prend les désinences suivantes : présent: as, passé : is, futur :
os, conditionnel : us, impératif : u, infinitif : i, participe
présent actif : ant, participe présent passif : at, participe passé
actif : int, participe passé passif : it, participe futur actif :
ont, participe futur passif : ot. 7° L'adverbe prend la finale : e.
8° Toutes les prépositions impliquent le nominatif. 9° Chaque mot
se prononce comme il s'écrit. 10° L'accent tonique se place
toujours sur l'avant-dernière syllabe. 11° Les mots composés sont
formés par la réunion de mots simples, le mot fondamental placé à
la fin. 12° Si un mot de sens négatif se trouve dans une phrase, on
supprime l'adverbe de négation : ne. 13° Si le mot indique le lieu
où l'on se rend, il prend l'n de l'accusatif. 14° Chaque
préposition a, en Esperanto, un sens très défini sauf une : je qui
s'emploie dans les cas douteux où toute autre préposition ne
s'impose plus. 15° Les mots étrangers, c'est-à-dire ceux que
presque toutes les langues ont empruntés à la même source ne
changent pas en Esperanto, ils prennent seulement l'orthographe et la
terminaison de la langue. 16° Les terminaisons des substantifs et de
l'article peuvent se supprimer et se remplacer par une apostrophe.
Cette règle s'appliquant principalement en versification. Diffusion
de l'Esperanto. - De 1887, époque où Zamenhof fit éditer son
premier manuel, jusqu'en 1905 date du premier Congrès esperantiste
tenu à Boulogne-sur-Mer, l'Esperanto rencontra bien des difficultés,
mais sa création et ses débuts sont si étroitement liés à la vie
même de son auteur, qu'il est impossible de les séparer. L'histoire
de la langue est l'histoire de l'homme. Après Boulogne commença
seulement la période de propagande et de diffusion dans tous les
milieux. Chaque année, sauf pendant la guerre, un Congrès réunit
les délégués des espérantistes de tous pays et de toutes
tendances groupés dans Universala Esperanta Asocio (U. E. A.),
Association Universelle Espérantiste. Cependant, il faut reconnaître
que, contrairement à l'espoir de Zamenhof, l'Esperanto pénétra
beaucoup plus rapidement dans les milieux bourgeois qui l'employèrent
à des fins dépourvues d'idéalisme. Les commerçants surtout en
comprirent toute l'utilité pour le développement de leurs affaires.
Des bourgeois désœuvrés l'apprirent par snobisme. Les institutions
catholiques se gardèrent de négliger cet outil qui pouvait si bien
servir leur propagande. Les policiers, enfin, se hâtèrent d'en
tirer parti. Hélas, les chauvins eux-mêmes n'eurent pas de
scrupules à l'employer pour leurs desseins pendant la guerre. Plus
lentement, mais de façon certaine, la nouvelle langue pénétra dans
les milieux ouvriers et révolutionnaires. Les anarchistes et
syndicalistes anarchistes qui formaient l'élément le plus nombreux
dans les milieux espérantistes prolétariens d'avant-guerre se
groupaient dans l'association internationale Paco-Libereco, «
Paix-Liberté », qui éditait une revue courageuse Internacia Socia
Revuo. Plusieurs traductions d'ouvrages anarchistes datent de 1907 et
de 1908 et ont été édités par les soins de cette association.
Plus tard se constitua une autre organisation internationale
réunissant les révolutionnaires de toutes tendances Liberiga Stelo,
« L'Etoile Libératrice », tous les espérantistes d'avant-garde
apportèrent leurs efforts à la nouvelle association. Un grand
mouvement se dessinait dans les milieux prolétariens pour se séparer
totalement des espérantistes bourgeois. En 1914, le 10ème Congrès
de U. E. A. devait s'ouvrir à Paris. Les révolutionnaires avaient
projeté de profiter de la présence des délégués pour organiser
un premier Congrès Ouvrier. Le Travailleur Esperantiste, organe de
l'Union Esperantiste Ouvrière Française offrit ses colonnes aux
organisateurs de ce Congrès. Hélas, la guerre vint et tout espoir
dut être abandonné provisoirement. Après la guerre Le Travailleur
Espérantiste fit paraître un supplément en Esperanto Esperaritista
Laboristo qui devint l'organe officieux de Liberiga Stelo. Puis vint
le Congrès de Prague (1921). Le premier Congrès ouvrier préparé
depuis 1914 put enfin avoir lieu à l'issue de celui de U. E. A. Là
se consacra la scission. LiberigaStelo devint Sennacieca Asocio
Tutmonda (S. A.T.) Association Mondiale A-nationale. Esperantista
Laboristo prit le nom de Sennacieca Revuo et devint l'organe officiel
de la nouvelle association. Cette association comprend actuellement
3.500 membres et fonctionne parfaitement, faisant paraître un
hebdomadaire Sennaciulo tirant à 6.000 exemplaires et une revue
mensuelle Sennacieca Revuo ayant plus de 3.000 abonnés. Les
anarchistes esperantistes, sentant à leur tour le besoin de faire
entendre leur voix, d'exprimer librement leur pensée toute entière
sur toutes choses, ont compris la nécessité de s'ouvrir un champ
d'action qui leur serait propre et où aucune censure ne viendrait
châtrer leur pensée, amoindrir la force de leur argumentation, ils
ont rêvé d'un organe où ils pourraient ouvrir des débats d'idées
sur les questions sociales, philosophiques ou autres du point de vue
vraiment anarchiste et ainsi fut fondée en 1924 la Tutmonda Ligo de
Esperantistoj Senstatanoj (T. L. E. S.), Ligue Mondiale des
Antiétatistes Espérantistes, qui vient à son tour d'éditer son
organe Libera Laboristo. En dehors des organisations purement
esperantistes, la langue internationale est utilisée par un nombre
considérable de personnes et de groupements. Des organisations
bourgeoises telles que : Chambres de commerce, Comités des Foires
internationales, Offices de Tourisme, etc... l'emploient avec
d'heureux résultats. Le Bureau International du Travail l'emploie
pour sa correspondance au même titre que les autres langues.
L'Esperanto est enseigné dans bon nombre d'écoles primaires et
secondaires dans beaucoup de pays. Il est inutile de s'étendre sur
les progrès qu'il a faits dans la T. S. F. et les services qu'il
rend dans cette voie. Mais c'est surtout dans les organisations
ouvrières qu'il montre son utilité et devient chaque jour un
auxiliaire plus précieux. L'Internationale de l'Enseignement assure
toute sa documentation sur le mouvement pédagogique mondial
presqu'exclusivement au moyen de l'Esperanto. L'Esperanto est même
si répandu chez les postiers qu'ils ont pu former une ligue
Internacia Ligo de Espe Internationale des Postiers-Télégraphistes
Esperantistes, qui fait paraître une revue mensuelle très
intéressante, La Interligilo de l'P.T.T. ; La Fédération
Internationale des Transports l'utilise également pour ses rapports
internationaux. L'Association Internationale des Travailleurs publie
un bulletin d'informations en Esperanto. Toutes les organisations
ouvrières japonaises utilisent l'Esperanto. Il faut remarquer qu'il
est très répandu en Extrême-Orient : Chine, Japon, très répandu
également en Russie ; que les pays centraux, Allemagne, Autriche,
Tchécoslovaquie, etc., en comptent une proportion beaucoup plus
forte que les pays occidentaux. Actuellement cinquante journaux ou
revues paraissent entièrement rédigés en Esperanto et
cinquante-quatre, partie en Esperanto, partie en langue nationale.
L'Esperanto et les Anarchistes. - D'après le chemin parcouru par
l'Esperanto en trente-huit ans, il est facile de se rendre compte
qu'il répond à un besoin. La vie moderne n'est plus nationale, elle
est devenue internationale, mondiale. L'homme d'aujourd'hui ne peut
plus ignorer ce qui se passe hors de son pays. L'anarchiste ne le
peut ni ne le veut. Il ne peut se contenter des informations
intéressées des journaux bourgeois. Des organismes se sont créés
pour renseigner les camarades de façon impartiale, mais le temps
passé en traductions et retraductions fait perdre de l'importance à
toute information qui ne vient plus à son heure. Nous avons besoin
aujourd'hui de savoir tout et de savoir vite ce qui se passe dans le
monde entier. Nous avons besoin aussi de savoir quelle forme
particulière prend l'idée anarchiste lorsqu'elle est étudiée et
approfondie par des hommes chez qui les mœurs et l'éducation
différentes des nôtres ont créé une mentalité également
différente de la nôtre ; nous avons besoin de comparer les pensées
et les œuvres de tous. Seul, l'emploi généralisé de l'Esperanto
peut résoudre ces problèmes. En l'utilisant pour ces fins, les
anarchistes rendent à l'Esperanto toute sa valeur sociale ; c'est
pourquoi ils ont voulu créer leur organisme propre T.L.E.S.. Il leur
appartenait de redonner à cette incomparable invention le but que
lui avait assigné son auteur : l'intercompréhension entre les
hommes, but qui, atteint, fera peut-être naître entre eux les
sentiments de fraternité et d'amour. Mais ce but n'est-il pas aussi
l'un de ceux que se propose l'Anarchie? Ainsi, sans le savoir,
peut-être, Zamenhof, par son œuvre, collabora à l'œuvre
anarchiste. ZAMENHOF (Louis-Lazare). - Docteur et philologue, auteur
de l'Esperanto, né en 1859, à Bielostock. Placé par les hasards de
sa naissance dans cette partie de la Pologne déchirée où vivaient,
dans un perpétuel état de lutte plusieurs races possédant chacune
leur dialecte propre, où les querelles nées de l'incompréhension
éclataient à chaque instant, il fut souvent le témoin de scènes
douloureuses entre Juifs, Russes, Allemands et Polonais. La vue de
ces malheureux opprimés se haïssant et s'entredéchirant sans se
comprendre l'attristait. Profondément bon, et surtout ami de la paix
et de la fraternité, il souffrit plus que tout autre au spectacle de
cette image en raccourci de l'humanité ravagée par les guerres et à
ce moment naquit en lui le désir d'apporter un remède à cet état
de choses. Cependant, il n'avait pas quinze ans. A partir de ce
moment, cette question, sans cesse, occupa son cerveau. Il envisagea
différentes solutions, mais une seule lui sembla digne d'être
retenue : le recours à une langue unique. Mais laquelle? L'inimitié
qui divise les races s'oppose à l'adoption d'une langue vivante. Une
langue morte : grec ou latin, ne possède pas un vocabulaire
suffisamment riche pour servir de moyen d'expression aux hommes
modernes, la vie d'aujourd'hui étant beaucoup plus compliquée. Il
aurait été nécessaire de l'accommoder, de l'enrichir, à tel point
qu'elle en aurait été complètement transformée. Il fallait à
tout prix créer une nouvelle langue. Cette conviction acquise, il
résolut de se consacrer à l'élaboration d'une langue artificielle.
D'intelligence précoce et connaissant déjà le français et
l'allemand, il se mit aussitôt au travail, étudiant le latin et le
grec, puis l'anglais. La tâche était lourde, mais le rêve était
grand, le but à atteindre si attirant! Cependant, la besogne était
difficile et délicate. Le jeune Zamenhof avait, en effet, la claire
conscience de ce que devait être cette langue nouvelle : non pas
seulement un langage pour les lettrés ou les gens d'instruction
moyenne, mais aussi, mais surtout pour le peuple, pour l'ouvrier, qui
n'a que peu de temps à sacrifier à l'étude ; il fallait que cette
langue fût claire, très simple, pour pouvoir être rapidement
apprise ; il fallait cependant qu'elle pût tout exprimer. Après
plusieurs projets abandonnés successivement, Zamenhof termina, en
1878, un premier essai très imparfait, mais établi déjà sur les
bases de l'Esperanto actuel. Obligé, par la volonté paternelle, de
renoncer à son projet, il cessa d'y travailler pendant les trois
années qu'il passa à l'Université de Moscou comme étudiant en
médecine, mais son rêve, donner aux hommes le moyen de fraterniser,
l'habitait toujours et toujours il songeait à son projet. Aussi, le
reprit-il dès son retour à Varsovie. Pendant six ans, patiemment,
obstinément, il travailla, se montrant peu, renonçant à toute joie
extérieure, consacrant ainsi ses plus belles années à son œuvre.
Enfin, en 1887, il jugea son projet suffisamment à point pour voir
le jour. Il avait mis dans l'élaboration de cette langue un peu plus
que son savoir ; il y avait mis un peu de sa vie, de son idéal. Il
voulait que la langue fût humaine, qu'elle pût traduire les
sentiments profonds des hommes, Il s'était astreint à penser dans
sa langue, se faisant des lectures à haute voix, ce qui l'amena,
dans bien des cas, à supprimer des formes plus rigoureusement
scientifiques pour conserver plus d'harmonie ; la langue devant être
non seulement écrite mais aussi parlée, la phonétique ne devait
pas être sacrifiée à la rigoureuse logique. L'Esperanto connut des
débuts difficiles. Le premier livre d'étude parut en langue russe
en juillet 1887 ; la même année, Zamenhof en fit paraître des
traductions polonaise, française et allemande. La nouvelle langue
s'appelait alors simplement : langue internationale. Il faut noter
que le temps et l'usage seuls lui ont donné son nom actuel. Les
adeptes de la langue artificielle en firent d'abord : la Lingvo de
Esperanto, puis la Lingvo Esperanta, enfin l'Esperanto. La diffusion
se fit lentement ; elle toucha d'abord quelques personnalités à qui
les premiers livrés avaient été envoyés, puis une société
américaine : American Philosophical Society of Philadelphia, qui
venait juste de rejeter le Volapük eut connaissance de la brochure
de Zamenhof et son comité, trouvant dans cette œuvre une solution
vraiment rationnelle du problème de la langue internationale la fit
éditer avec un dictionnaire anglo-esperanto. Ce fait remplit de joie
l'auteur qui, modeste, ne désirait pas se mettre en vue. D'ailleurs,
l'outil forgé par lui pour tous, devait être, selon lui,
perfectionné par tous ; la pratique, de plus en plus répandue,
devait apporter elle-même les changements nécessaires. Pour cela
même, il se refusa toujours d'augmenter luimême son vocabulaire
primitif. Il était, disait-il, « initiateur » et non « créateur
» : « Une base est nécessaire, ma première brochure sera cette
base ; elle contient toute la grammaire et un assez grand nombre de
mots... Sur cette base doit se développer la langue comme croît le
chêne sorti de l'humble gland... Le reste sera le fait de la Société
humaine et de la vie, comme dans toutes les langues vivantes... Les
mots incommodes disparaitront d'eux-mêmes faute d'être employés,
d'autres pénètreront dans la langue selon les besoins ». Ainsi, en
effet, se développa la langue, à mesure qu'elle se répandit. Alors
que les dictionnaires contenaient à l'origine 918 racines, il y en a
aujourd'hui plus de 4.000 communément employées. L'une après
l'autre, quelques personnalités s’intéressèrent à la langue.
Enfin, en 1889, parut le journal L'Esperantiste, les premiers numéros
d'abord en allemand et en esperanto, puis, par la suite,
presqu'entièrement en esperanto. Quelques groupes amis se formèrent
en Allemagne et en Bulgarie. En 1891, existaient déjà trente-trois
livres d'étude ou de propagande en douze langues, dix-sept auteurs
avaient été traduits et déjà on comptait quelques petits ouvrages
originaux. En 1893, Zamenhof fit paraitre L'Universala Vortaro,
dictionnaire qui contenait déjà 1.700 nouvelles racines puisées
dans la littérature esperantiste, justifiant les prophéties de
l'auteur. En 1894, malgré l'effort de Zamenhof et de quelques amis
dévoués, la parution de L'Espérantiste dut cesser. En même temps,
le découragement se manifesta chez les premiers espérantistes.
Cependant, de nouveaux clubs s'étaient formés. En 1895, le club
d'Upsola, en Suède, tentait un effort et mettait debout le journal
Lingvo Internacia qui, en 1896, ouvrait un concours littéraire.
Zamenhof s'était fait oculiste, ayant abandonné la médecine
générale. Il s'était installé dans un quartier pauvre de Varsovie
et soignait surtout une clientèle nécessiteuse. Il passa ainsi
toute sa vie, modestement et pauvrement, entre sa femme et leurs
enfants. Malgré le dur labeur de la journée, il se remettait chaque
soir à sa table, écrivant, traduisant une partie de la nuit. De
1900 à 1905, le mouvement avait pris plus d'ampleur : deux
associations nationales existaient et éditaient des journaux. Mais,
entre les années du début et cette date heureuse du premier Congrès
Espérantiste, 1905, bien des difficultés se dressèrent devant
l'Esperanto, en entravant la marche des projets et contre-projets de
réformes sur lesquels n'arrivaient pas à se mettre d'accord les
réformateurs gênèrent beaucoup la propagande. Aussi, à Boulogne,
on en revint à la solution la plus sage, celle de l'auteur : sur la
base immuable du « Fundamento », laisser l'évolution s'accomplir
d'elle-même. Les années passèrent ; l'Esperanto se répandit de
plus en plus, mais Zamenhof eut à souffrir de voir son œuvre
détournée de son but par une partie des espérantistes eux-mêmes.
Vint 1914. Le Congrès devait se tenir à Paris, au début d'août.
Zamenhof avait projeté de réunir, à l'issue du Congrès, une
conférence des pacifistes ; les organisateurs du Congrès refusèrent
de faire connaitre son projet par crainte de représailles des
chauvins qui, déjà, s'agitaient. Indigné et peiné, Zamenhof
résolut de venir malgré tout à Paris et d'essayer, avec quelques
amis, de préparer un Congrès de pacifistes en pays neutre. Hélas!
Lorsqu’il arriva à Cologne, les hostilités commencées
l'obligèrent à renoncer à son voyage. Toute la nuit, les passages
de troupes sur le Rhin lui rappelèrent l'odieuse réalité. L'image
de la guerre se dressait devant ses yeux. Il arrivait trop tard, lui
et son rêve de paix et de fraternité universelles. Il sentit
quelque chose se briser en lui. Il revint à Varsovie après un
voyage épuisant de huit jours dans des trains bondés, sans pouvoir
s'asseoir, sans presque manger, toujours accompagné par sa dévouée
compagne. Il rentra dans son logis qu'il ne quitta plus ; la maladie
de cœur qui, trois ans plus tard l'emporta, venait de se déclarer,
lui imposant l'inaction. Déchiré, torturé de voir son grand rêve
d'amour et de fraternité démenti par la plus hideuse des
boucheries, il osa encore espérer en l'avenir. Il s'employa à la
préparation d'un Congrès de Pacifistes. Puis il élabora un projet
de convention internationale européenne qui, dans sa pensée, devait
garantir la paix. Mais la guerre se prolongeait. Il souffrait pour
tous et son mal empirait. Comme si cela n'était pas suffisant, il
fut frappé dans ses affections. La Révolution russe avait apporté
un peu d'espoir. Mais il s'éteignit le 14 avril 1917, en pleine
guerre, tué par elle, après avoir voué sa vie à la cause de la
Fraternité universelle. Bibliographie. - Des livres d'étude de
l'Esperanto existent dans trente-neuf langues, à savoir, en :
Allemand, anglais, arabe, arménien, bulgare, catalan, chinois,
croate, danois, espagnol, estonien, finnois, français, gallois,
géorgien, grec, hébreu, hollandais, hongrois, islandais, italien,
japonais, latin, letton, lithuanien, persan, polonais, portugais,
roumain, russe, ruthène, serbe, slovaque, slovène, suédois,
tchèque, turc, ukrainien, visaïen. Le nombre exact des ouvrages
publiés manque pour plusieurs pays. Voici cependant une liste assez
intéressante : Allemagne, 50 manuels, 18 dictionnaires. Angleterre,
27 manuels, 8 dictionnaires. Bulgarie, 13 manuels, 4 dictionnaires.
Espagne, 36 manuels, 9 dictionnaires. Catalogne, 5 manuels, 2
dictionnaires. Finlande, 10 manuels, 4 dictionnaires. France, 38
manuels, 8 dictionnaires. Hongrie, 22 manuels, 6 dictionnaires
Italie, 18 manuels, 5 dictionnaires. Pays-Bas, 29 manuels, 5
dictionnaires. Portugal, 11 manuels, 4 dictionnaires.
Tchécoslovaquie, 2 manuels officiels, 15 manuels, 6 dictionnaires.
Japon, 5 manuels, 2 dictionnaires. Le Fundamento de Esperanto ou
premier ouvrage de Zamenhof, traduit déjà par l'auteur en cinq
langues : français, anglais, allemand, russe, polonais, est
également paru depuis en : arménien, espagnol, juif-espagnol,
flamand-hollandais, grec, hongrois, italien, roumain, tchèque, turc.
A cela, il faut ajouter des ouvrages pour une étude plus approfondie
de toutes les ressources qu'offre la langue Esperanto parmi lesquels
il faut citer: Fundamenta Krestomatio, de L. L. Zamenhof. Kursa
lerno-libro, de Ed. Privat. La elementoj de la vortfarado, d’E.
Cefec. Kondordanco de la vortoj de Ekzercaro, de A. Wackrill. Enfin,
des dictionnaires spéciaux qui sont des ouvrages fort intéressants
:
Vortaro de
Esperanto, de Kabe. Plena Vortaro, de Emile Boirac. Enciklopedia
Vortareto Esperanto, de Ch. Verax. Vocabulaire Technique et
Technologique, de Ch. Verax. Provo de Marista Terminoro, de
Rollet-de-l'Isle. Vade-Mecum de Internacia Farmacio, de Célestin
Rousseau. Pour la France, les manuels les plus répandus sont ceux de
Th. Cart, Gabriel Chavet, Grosjean-Maupin, Demarcy, Aymonnier.
Cependant, le Cours Rationnel et Complet d'Esperanto édité par la
Fédération Espérantiste ouvrière, bien compris et très clair, se
recommande à tous les ouvriers soucieux d'étudier la langue dans de
bonnes conditions. Les dictionnaires les plus pratiques et les plus
simples sont ceux de Grosjean-Maupin : Dictionnaire Usuel
Français-Esperanto. Dictionnaire Usuel Esperanto-Français.
Dictionnaire Complet Français-Esperanto. Dictionnaire Complet
Esperanto-Français. Les autres dictionnaires sont: Vocabulaire
Français-Esperanto et Esperanto-Français de Th. Cart. Dictionnaire
Esperanto-Français de De Beaufront. Dictionnaire Français-Esperanto
de Gabriel Chavet. Dictionnaire Complet Français-Esperanto et
Esperanto-Français. Un grand nombre de brochures de vulgarisation
sur la langue internationale Esperanto ont été publiées dans tous
les pays. En langue française, elles sont nombreuses, mais ces
quelques-unes suffisent pour éclairer les camarades sur la question
: L'Esperanto et l'Avenir du Monde, de A. C. Laisant. Les Anarchistes
et la Langue Internationale Esperanto, de Chapelier et Gassy-Morin.
Où en est la question de la Langue Internationale? de Archdeacon. La
Langue Internationale (Ce que tout militant doit savoir), de E.
Lanty. . A ajouter une grosse brochure très intéressante grâce aux
renseignements très précis qu'elle apporte : L'Esperanto comme
langue auxiliaire internationale, éditée par le Secrétariat de la
Société des Nations. Littérature Esperantiste. - Elle comprend
évidemment beaucoup plus de traductions que d'originaux, cependant
il est déjà possible de dresser une liste de ces derniers. Sans
être complète, celle-ci donnera un aperçu. D'abord, deux petits
livres qui feront connaître les débuts de la langue Esperanto et
aimer son auteur : Historie de la lingvo Esperanto, de Ed. Privat. La
Vivo de Zamenhof, de Ed. Privat. Puis, au hasard : Cu li? de Dr
Valienne. Kastelo de Prelongo, de Dr Valienne. La Rompantoj, de F.
Pujula Valjes. Frenezo, de F. Pujula Valjes. Misteroj de Amo, de
Nadina Kolovra. El la Proksima Oriento, d’Ivan Krestanov. La
Bulgara lando kaj popolo, d’Ivan Krestanov. La hundo parolanta, de
Daniel Eyquem. Karlo, de Ed. Privat. Tra l'silento (poèmes), d’Ed.
Privat. Ginevra, de Ed. Privat. Abismoj, de Jean Forges. Saltego
trans l'armiloj, de Jean Forges. Stranga Heredajo, de H. A. Luyken,
Pro Istar, de H. A. Luyken. Sableroj, de Marie Hankel. La unna Ondo
(poèmes), de Stanislav Schulhof. Poezio, de Stanislav Schulhof.
Mondo kaj Koro (poèmes), de K. de Kalvesay. Ho! Tirij fremduloj
(opérette), de F. Hiller. Nous devons au Docteur Zamenhof les
traductions de plusieurs ouvrages d'auteurs de divers pays : Gœthe
(allemand), Ifigenio en Taùrido. Gojol (russe), La Revizoro.
Andersen (danois), Fabeloj. Orzeszko (polonais), Marta. Shakespeare
(anglais), Amleto. Molière (français), Georges Dandin. Salom
Alejhem (hébreu), La Gimnazio. Henri Heine (allemand), La Rabistoj.
Quant aux autres ouvrages de traductions, ils sont trop nombreux pour
être énumérés ici. La bibliothèque Georges Davidov, par exemple,
compte aujourd'hui 9.000 volumes. Les auteurs traduits en Esperanto
sont de tous les temps et de tous les pays et certains noms suffiront
pour montrer l'importance de la bibliothèque esperantiste. Parmi les
auteurs anciens : Plaute, Virgile, Aristophane, Esope, Homère,
Sophocle, Lucius Apulejus. Pour l'Allemagne : Gœthe, Grimm, Heine,
Schiller, Berthavon Suttner, Raabe, H. Zschokke, W. Hauff, Kant, F.
Raimund, Reitzel, Karl Marx. Pour l'Angleterre : Shakespeare, Edgar
Poê, Oscar Wilde, Dickens, Byron, Golschmitt, Arnold Bennet. Mabel
Wagnalls, 1. M. Griesy. Pour l'Autriche : Artur Schnitzler. Pour la
Bulgarie : Stamatov, E. Pelin. Pour l'Espagne: Cervantès. Pour
l'Esthonie : Friedbert Tuglas. Pour la France : Molière, Racine, La
Fontaine, Beaumarchais, Bernardin de Saint-Pierre, Abbé Prévost,
Ch. Perrault, Châteaubriant, Alfred de Vigny, H. de Balzac, Renan,
Elisée Reclus, C. A. Laisant, Mirbeau, Pierre Louys, Tristan
Bernard, Sébastien Faure, Romain Rolland, Barbusse, Delaisi. Pour la
Hollande : Stiprian Luïcuis, Hildebrand, Domela Nieuvenhuis. Pour la
Hongrie : Alexandre Petofi, Geza Gardoni, Bela Kun. Pour l'Italie :
Guiseppe Mazzini, Francisko Nitti. Pour le Japon : K. Ossaka, Mazumi
Hügü, Takeo Arisiche. Pour la Pologne : Aleksy Pzevisky, Antoni
Wyslouch, A. Niemojenski, A. Mickiewicz. Pour la Russie : G. V.
Avsejenko, Tugan, Baranovsky, Aleksandro Drozdor, Alekssandro Bloch,
J. S. Turguenev, A. S. Ruskin, Vlas Dorosevic, Tolstoï, Kropotkine,
Gorki, Putchkine, Gogol, Korolenko, Andreïeff. L'activité des
esperantistes ne se ralentit pas et chaque semaine paraissent de
nouvelles traductions ou d'autres œuvres originales. Si l'on ajoute
qu'il paraît actuellement une centaine de journaux et revues, le
mouvement esperantiste apparaîtra alors comme un mouvement actif et
susceptible de rallier bien des sympathies autour de lui.
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