Partie de la
zoologie qui traite des animaux articulés et spécialement des
insectes. C'est Linné le premier qui, fondateur de l'entomologie,
décrivit les genres et les espèces, et établit les divisions.
L'entomologie a peu à peu progressé et son étude s'est développée
à mesure que se précisaient les sciences agricoles d'abord (études
des insectes nuisibles, dit ravageurs) et ensuite, en même temps que
se perfectionnait l'exploitation de certains insectes (abeilles, vers
à soie, etc...). Une chaire d'entomologie, un laboratoire d'études
existent à Paris, au Muséum d'Histoire naturelle. D'autre part,
l'étude des moyens propres à lutter efficacement contre les
ravageurs a conduit à l'installation de laboratoires spéciaux
(stations entomologiques). Parmi les savants qui, depuis Linné, se
sont illustrés dans l'étude de l'insecte, citons : Fabricius,
Lataille, Réaumur, de Geer, Lepelletier de SaintFargeau, Fourcroy,
Léon Dufour, V. Audouin, Espinas, Newport, J. Perez, Blanchard,
Passerini, Brullé, Hubes, Gledditsch, Bonnier, Emery, J. H. Fabre,
Wheeler, Deegener, Forel, etc... Nous sortirions du cadre de
l'Encyclopédie en nous étendant trop largement sur l'entomologie.
Cependant, nous croyons qu'il n'est pas inutile de souligner en
passant ce que le savant professeur Bouvier a appelé : Le Communisme
chez les Insectes, et les curieux rapprochements que l'on peut faire
entre certaines sociétés d'insectes et les sociétés humaines.
C'est, en effet, chez quelques insectes - et chez eux seulement - que
l'on trouve, rigoureusement appliqué, un communisme parfait. Nulle
part ailleurs (car nous ne pouvons pas considérer les organismes
multicellulaires comme des sociétés) aussi bien chez l'animal que
chez l'homme, nous ne pourrions trouver exemple aussi précis. Il est
bien entendu que la comparaison à laquelle nous nous livrons ne peut
être qu'artificielle et que nous n'entendons pas donner la ruche ou
la fourmilière comme modèle de la société future. (On trouvera
d'ailleurs plus loin notre conclusion). Néanmoins, ce simple exposé
pourra donner cours à des réflexions profitables. Le communisme
entre individus ne se rencontre que dans quatre familles d'insectes :
les guêpes, les abeilles, les fourmis et les termites. Ces sociétés
communistes comprennent deux groupes : 1° les sociétés
maternelles, où les femelles restent seules après avoir été
fécondées par les mâles qui meurent peu après (guêpes, abeilles
et fourmis) ; 2° les sociétés conjugales « où les deux sexes
restent en association constante, la présence des mâles étant
nécessaire pour assurer le renouvellement des jeunes fécondateurs »
(termites). Voyons comment se comportent entre eux les individus
d'une même société communiste d'insectes et quel en est l'esprit.
Ce qui frappe tout d'abord lorsque l'on considère une société
communiste d'insectes, c'est l'absence de « dirigeants ». Il existe
bien parmi eux des individus que les naturalistes ont appelés «
rois » ou « reines », mais ici, ce vocable sert simplement à
désigner les individus dont la fonction sociale est la reproduction
et qui n'ont aucune espèce de pouvoir sur leur entourage. Les
insectes communistes ne vivent ni en monarchie ni en république
mais, ainsi que l'observe Forel, l'activité sociale qui les
caractérise « leur permet de vivre sans chefs, sans guides, sans
police et sans lois, dans une anarchie admirablement coordonnée ».
Examinons, par quelques brefs aperçus sur la vie de ces insectes, le
mécanisme de leur existence sociale. Nous verrons que les hommes y
pourraient souvent puiser un enseignement d'activité utile et de
labeur sans contrainte. Voyons d'abord l'abeille et laissons-nous
guider par le savant professeur Bouvier : « Sitôt sortie du
berceau, la jeune ouvrière reçoit l'accueil de ses sœurs qui la
soutiennent, la lèchent, la brossent et lui offrent des lampées de
miel. La voici réconfortée, mais non propre aux voyages de récolte
; elle va s'occuper au logis où la besogne ne manque pas... On
savait depuis longtemps que la jeune ouvrière se livre à des
travaux d'intérieur successifs, qui varient avec l'âge. Dans une
étude récente, Roesch a voulu fixer la succession de ces travaux.
La jeune abeille se fait d'abord nettoyeuse des alvéoles ; elle va
ensuite se reposer et dormir des heures sur les cellules closes,
qu'elle contribue sans doute à couver ; à partir du troisième
jour, elle puise aux réserves de miel et de pollen, moins pour
elle-même que pour les larves âgées dont elle se fait nourrice ;
au bout du sixième jour, ses glandes péricérébrales entrent en
fonctions et sécrètent la gelée qu'elle distribue aux jeunes
larves, modifiant ainsi son rôle de nourrice qu'elle remplit
jusqu'au quinzième jour ; alors, moins craintive, elle se rend sur
le tablier de la ruche et s'essaye à des vols d'orientation au
voisinage du logis, faisant avec ses compagnes ce que les praticiens
désignent sous le nom de « soleil d'artifice » ; d'ailleurs, elle
rentre assez vite pour s'occuper à prendre la charge des butineuses
et à tasser dans les alvéoles à provisions le pollen qu'elles
rapportent ; un peu plus tard, elle remplit les fonctions de
gardienne et se tient alors sur le tablier, chassant les ennemis de
la ruche, repoussant les intruses, en éveil surtout contre les
abeilles pillardes. Au vingtième jour, enfin, elle prend son rôle
pour tout de bon et, devenue récoltante, peut s'éloigner jusqu'à
cinq kilomètres comme ses sœurs butineuses... ». Trouverait-on une
société d'hommes aussi intelligemment policée, où le travail
commun s'expédie sans heurt, sans chicane, en solidarité
instinctive? Mais baissons-nous encore sur la besogne des « cirières
», jeunes abeilles qui travaillent à l'intérieur de la ruche.
Huber nous les montre à l'œuvre dans une ruche artificielle :
copieusement nourries de miel, puis de sirop sucré, elles grimpèrent
aux baguettes dont a été formée la voûte, s'y cramponnèrent par
les griffes de leurs pattes antérieures, pendant que d'autres
s'accrochaient à leurs pattes de la dernière paire avec celles de
la première. Elles composaient de la sorte des espèces de chaînes
fixées par les deux bouts aux parois supérieures et servaient de
pont ou d'échelles aux ouvrières qui venaient se joindre à leur
rassemblement ; celui-ci formait une grappe dont les extrémités
pendaient jusqu'au bas de la ruche. Les cirières demeurèrent
immobiles près de quinze heures, sécrétant la cire qui se montrait
en lames blanches sous leur abdomen. Alors, une abeille se détacha
de la grappe, monta au centre sous la voûte et cueillit une de ses
lames avec les pattes antérieures qui la maintinrent entre les
mandibules. Celles-ci réduisirent la plaquette en fragments
qu'elles, broyèrent avec de la salive, et la pâte ainsi produite
fut fixée à la voûte en un petit bloc rectiligne. Ayant épuisé
de la sorte ses huit lames, l'ouvrière rentra dans la grappe et céda
la place à une de ses sœurs qui se comporta de même. Et ainsi de
suite, le bloc prenant la forme d'une petite cloison verticale
raboteuse... Transposé sur le plan humain, combien un pareil travail
comporterait-il de contremaîtres? Là, rien ; chaque individu,
conscient de la tâche à accomplir, s'en acquitte allègrement sans
contrainte d'aucune sorte. Chez les fourmis, nous pourrions faire des
constatations analogues. Mais là, plus nombreux encore sont les
rapports qui apparentent l'insecte à l'homme. Aussi bien dans
l'ordre des défauts que dans celui des qualités. Ne
nourrissent-elles pas des commensaux qui font la loi chez elles,
détruisent leur progéniture et les mènent à la ruine, cela parce
que ces commensaux sécrètent une liqueur dont les fourmis sont
friandes? Ce « symphylisme », ainsi qu'on l'appelle, devient alors
une maladie sociale assez semblable à l'alcoolisme humain et qui
conduit aux mêmes dégénérescences physiques et morales. Mais, par
contre, les fourmis savent concurrencer l'homme sous des aspects plus
intéressants. Il est en effet de véritables fourmis agricoles qui
pratiquent la culture des champignons, et chez l'Atta texana (grande
fourmi champignonniste du sud des Etats-Unis), Wheeler observe que «
les plus petites ouvrières demeurent dans les jardins où elles
nettoient soigneusement les pousses et empêchent la croissance de
champignons étrangers qui pourraient être introduits par les
récolteuses ; les ouvrières de moyenne taille coupent,
transportent, triturent les feuilles et préparent le jardin ; tandis
que les plus grandes, des soldats, font la garde du nid ». Chez
certains termites on trouvera une culture analogue. Ces termites
préparent des meules spongieuses étagées en chambres souterraines,
faites, dit Bugnion, « de pâte de bois partiellement différée,
émise du rectum des ouvriers sous forme de crotte brune, mais
travaillée à nouveau par les pièces buccales et agglutinée au
moyen de la salive ». Le mycélium, ajoute Bouvier « développe sur
la meule une forêt de courtes tiges qui se dilatent en petites
sphères appelées mycotêtes, ces mycotêtes développent à leur
tour des sphérules et des buissons de conidies qui servent, comme
les mycotêtes, à la nourriture des termites, surtout des jeunes
larves ». Une autre industrie importante chez les fourmis est
l'élevage des pucerons, lesquels pucerons constituent dans certaines
ruches un véritable bétail donnant un miellat sucré dont les
fourmis se régalent. Ces pucerons, les fourmis les soignent, les
caressent, les changent de place comme un bétail précieux et
accordent les mêmes soins à leurs œufs. Et ce n'est pas tout
puisqu'il existe des fourmis filandières. Nous n'avons pas la place
d'étudier ici la vie des sociétés communistes d'insectes, leur
genèse, leur évolution et le mécanisme de leurs groupements. Nous
terminerons donc par quelques généralités, sans plus insister sur
les ressemblances ou les différences qui existent entre sociétés
humaines et sociétés d'insectes. Wheeler est allé un peu loin en
déclarant que « la société humaine et les sociétés d'insectes
sont tellement semblables qu'il est difficile de trouver entre elles
des différences biologiques fondamentales » (Social Life among the
Insects, 1922). Car des différences - surtout psychiques mais
biologiques aussi - existent qui ne permettent qu'un parallèle
artificiel quoique séduisant. Forel a eu raison de dire : « toute
l'histoire des peuples humains prouve à satiété notre incapacité
absolue de vivre dans l'heureuse anarchie si bien coordonnée que
représente un fourmilière ». Elle est en effet une réalisation
exagérée du rousseauisme et M. Adrien Roubier (alias Léon Werth) a
pu écrire (L'Impartial Français, 12 nov. 1926) : « Toujours est-il
que si l'on peut proposer à l'homme l'imitation de l'altruisme
social des insectes, des guêpes, abeilles, fourmis et termites, tout
au moins il faudrait beaucoup d'ingéniosité pour croire que son
intelligence consentît au renoncement personnel auquel atteignent
les insectes par instinct, sans évangélisme, sans kantisme, sans
marxisme. Aussi bien, le communisme des insectes n'est-il point
évangélistique puisque les individus sont impitoyablement
sacrifiés, quand ils n'ont plus d'utilité sociale. Il n'est point
davantage marxiste, puisqu'il n'a point pour origine un principe de
lutte de classes... ». Mais, toutes ces réserves faites, il ne nous
déplaît pas de suivre l'avis du professeur Bouvier : « Sans doute
il ne saurait être question d'imiter dans la Société humaine
l'organisation des fourmilières et des sociétés communistes
d'insectes... mais la subordination au bien social que les insectes
communistes tiennent aveuglément de l'instinct, ne pouvons-nous
l'instaurer librement nous-mêmes, en soumettant à une règle sage
les hautes facultés de notre esprit? Ce n'est pas une chimère :
dans la subordination de l'intérêt individuel à l'intérêt
général, il y a de grandes différences entre les peuples et ces
différences suffisent pour montrer qu'une évolution heureuse peut
se produire dans cette voie ». Nous ajouterons : si la nature et
l'instinct ont pu réussir chez des minuscules êtres cette «
heureuse anarchie si bien coordonnée » dont parle Forel, sera-t-il
dit que l'intelligence et la bonne volonté de l'homme ne
parviendront pas à créer, à leur usage, une anarchie d'une autre
essence mais aussi bien coordonnée, mais aussi profitable à chacun
comme à tous? Et la nature ne nous livre-t-elle pas un précieux
exemple? Nous le croyons, Et si nous n'y pouvons pas puiser un grand
enseignement - trop différentes sont les sphères et trop différents
sont les moyens - nous y pouvons cependant trouver un réconfort -
disons le mot, (dussent les sceptiques en rire) : un encouragement.
-Georges VIDAL.
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