samedi 16 février 2019

Journal de la Commune


ITALIE
Les opérations de la levée qui s’accomplissent à Rome en ce moment ne sont guère de nature à enthousiasmer des gens très attachés au sol qui les a vu naître et n’ayant jamais payé l’impôt du sang, car la conscription n’existait pas sous le pape. « En conscience, disait Pie XI un jour à un diplomate, je ne puis pas exposer la jeunesse de mes Etats aux périls spirituels d’un célibat obligatoire. » Il y aura probablement un certain nombre de réfractaires qui se sauveront dans les montagnes.
L’argent abonde au Vatican. Les soldats et sous-officiers pontificaux qui n’ont pas voulu entrer dans l’armée italienne reçoivent des secours. Les officiers, les fonctionnaires civils assermentés, les prélats privés de leurs charges civiles par le nouveau régime touchent chacun, s’ils sont dans le besoin, une allocation mensuelle qui, jointe à la solde réduite ou à la pension à eux payée par le gouvernement italien, représente l’ancien traitement fixe de l’individu. La domination italienne venant à cesser, on verrait, à un simple signal du général Kanzler, les soldats et surtout les gendarmes accourir au Vatican, où il y a des uniformes, des munitions, des armes de toute espèce et même des canons. Vous savez qu’un arsenal, dit du Belvédère, avait été établi sous Pie IX dans l’enceinte du Vatican et que les vainqueurs du 20 septembre ont jusqu’ici respecté.
Des personnes ayant des intelligences au Vatican croient savoir que si le saintpère venait à mourir, le conclave se tiendrait hors de l’Italie, probablement à Malte. Cette décision aurait été prise tout récemment par le pape, dans un conseil de quatre ou cinq cardinaux des plus intimes. Voilà le compte que tient la cour de Rome des garanties déjà votées à Florence par la Chambre des députés ! Lorsqu’elles auront été votées par le sénat et sanctionnées par le roi, Pie IX se hâtera, dit-on, de les repousser dans un acte public, encyclique ou allocution.
Les huit couvents expropriés sont à peu près évacués ; dans chaque maison d’hommes, quelques moines desserviront l’église y attenante. Des entrepreneurs sont déjà chargés de la transformation de ces couvents en ministères. D’autres propriétés religieuses seront occupées plus tard : par exemple le fameux couvent de Gesu, résidence du général des jésuites, et leur noviciat de Saint-André de Quirinal, où doivent être installées les écuries royales. Le prince Humbert trouve que celles que les papes ont fait construire sur la place de Monte Cavallo ne sont pas dignes de la maison de Savoie.
Il arrive ici des spéculateurs de toute espèce, ingénieurs, architectes, négociants, boutiquiers, etc., attirés par la perspective de faire des affaires d’or, lorsque Rome sera devenue capitale. Nos principales rues sont sillonnées d’omnibus et s’ornent d’élégants magasins.

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