mardi 5 février 2019

La Justification du bien de Vladimir Soloviev




« Le principe morale affirme que la dignité humaine doit être respectée en toute personne et que, par conséquent, on ne peut faire de qui que ce soit un moyen ou instrument au profit des autres. Mais, selon la théorie de l'intimidation, le criminel que l'on punit n'est considéré que comme moyen pour intimider les autres et sauvegarder la sécurité publique. La loi pénale peut, certes, avoir en vue le criminel lui-même en le détournant par la crainte du châtiment de commettre un crime;mais une fois le crime commis , ce motif tombe évidemment et le criminel soumit au châtiment n'est plus qu'un moyen d'intimidation pour les autres, un moyen pour une fin extérieure à lui, et ceci est en contradiction directe avec la norme absolue de la moralité. Du point de vue moral, un châtiment intimidant n'est admissible que comme menace , mais une menace qui n'est jamais accomplie perde sa raison d'être. Ainsi, le principe de l'intimidation pénale ne peut être moral qu'à condition d'être sans utilité , et il ne peut être matériellement utile qu'à condition d'être appliqué de manière immorale.
En fait, la théorie de l'intimidation a émoussé sa pointe depuis que, dans les pays civilisés ou demi-civilisés furent supprimées les peines corporelles douloureuses et la peine capitale accompagnée de torture. Il est évident que si l'objet du châtiment est d'intimider tant le criminel que les autres, ces moyens sont précisément les plus efficaces et les plus conformes au but. Pourquoi, alors, les partisans de l'intimidation renoncent-ils aux seuls et vrais efficaces moyens d'intimidation ? Sans doute, parce qu'ils les considèrent comme immoraux et et contraires aux exigences de la pitié et de l'humanité. Mais, en ce cas, l'intimidation cesse d'être un principe déterminant du châtiment. L'un des deux : ou bien le sens de la punition réside dans l'intimidation - et alors il faut admettre que l’exécution accompagnée de tortures est un moyen d'intimidation par excellence ; ou bien le caractère du châtiment est subordonné au principe moral – et dans ce cas il y a lieu de renoncer complètement à l'intimidation, comme étant essentiellement immorale. »

« Sur le terrain d'un pareil compromis, il n' y a pas de solution à cette question , qui est essentielle pour la conscience morale : le fait du crime prive-t-il le criminel de ses droits d'homme, ou non ? S'il ne l'en prive pas, comment pouvons nous lui enlever son existence – première condition de tout droit – comme c'est le cas pour la peine capitale ? S'il prive le criminel de ses droits naturels, pourquoi toutes ces cérémonies juridiques à l'égard d'êtres sans droits ? Ce dilemme est résolu empiriquement par une distinction que l'on établit entre les crimes, les uns considérés comme privant le criminel de ses droits humains, les autres comme les limitants plus ou moins. »



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