Ce mot n'est
pas signalé dans le Dictionnaire Larousse qui ne relate que le verbe
s'entr'aider auquel il donne la brève signification : s'aider
mutuellement. Depuis le beau livre de Pierre Kropotkine portant ce
titre, nous savons mieux ce que signifie réellement cette forme de
la solidarité désignée sous ce nom : l'Entr'Aide. Nous en
connaissons la pratique entre nous contre les maux sociaux. Dans
l'espèce animale, l'instinct de l'entr'aide est d'une observation
facile et d'un exemple salutaire et vraiment instructif. De grands
écrivains, de grands savants ont écrit des pages admirables. De
Michelet à Maeterlinck, tous sont d'accord pour nous montrer le
contraste flagrant entre l'organisation des bêtes et l'organisation
des hommes. A toutes les espèces d'animaux sachant s'entendre et
sachant se grouper pour mieux vivre, ou pour surmonter une difficulté
naturelle, ou pour affronter un danger, ou pour se défendre d'un
ennemi redoutable, comparez la bestialité des hommes ne sachant se
grouper et s'entendre que pour s'entre-détruire. « L'entr'aide,
écrit Kropotkine, c'est un sentiment infiniment plus large que
l'amour ou la sympathie personnelle ; c'est un instinct qui s'est peu
à peu développé parmi les animaux et les hommes au cours d'une
évolution extrêmement lente, et qui a appris aux animaux comme aux
hommes la force qu'ils pouvaient trouver dans la pratique de
l'entr'aide et du soutien mutuel ainsi que les plaisirs que pouvait
leur donner la vie sociale ». On retrouve des traces d'entr'aide
entre les hommes à l'état primitif. L'étude attentive de la vie
des sauvages contemporains nous les montre unis dans le clan,
coordonnant leurs forces individuelles, si faibles, comparées aux
moyens que le progrès a mis à la disposition des sociétés
civilisées. Mais c'est pour jouir de la vie en commun que les
sauvages savent s'entr'aider. Cependant, l'homme n'est pas toujours
réfractaire aux meilleurs penchants naturels. Après les sauvageries
de la civilisation qui nous ont dotés de l'exploitation de l'homme
par l'homme, de l'esclavage, du salariat et des horreurs sociales que
sont l'Autorité, la Propriété, la Patrie, se traduisant par la
Servitude, la Misère, la Guerre, nous pensons bien qu'ils finiront
par s'entendre et se grouper contre tous les fléaux naturels et
sociaux au lieu de les créer ou de les étendre. Là est et demeure
le but des anarchistes qui veulent l'affranchissement total des
individus. Là est l'esprit du syndicalisme révolutionnaire qui veut
l'émancipation des travailleurs par eux-mêmes. C'est par
l'Entr'Aide que les groupes d'hommes de bonne volonté s'acheminent
vers un meilleur avenir d'entente et de liberté. C'est par
l'Entr'Aide ] qu'ils se soutiennent et s'encouragent, s'excitent et
se réconfortent. - Georges YVETOT.
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