«
Qui hait quelqu'un et cherche à lui faire du mal, à lui nuire ».
Telle est la définition que donnent, en général, tous les
dictionnaires bourgeois du mot ennemi. Définition bien incomplète à
notre point de vue, puisque, bien souvent, se considèrent comme
ennemis des individus qui n'ont aucune raison de se haïr, et par
conséquent de se nuire. Quelles causes profondes ont donc bien pu
faire du travailleur français un « ennemi » du travailleur
allemand, et réciproquement? C'est en vain que, posant l question à
un ouvrier de France, d'Allemagne ou de tout autre pays, on
attendrait une réponse saine et logique. Pourquoi se haïssent-ils ;
pourquoi sont-ils ennemis? Ils l'ignorent, puisqu'ils s'ignorent
eux-mêmes. C'est une fausse éducation, savamment entretenue par un
chauvinisme intéressé, qui perpétue un état d'esprit aussi
insensé et permet aux maîtres de spéculer sur les sentiments
ridicules des populations et déchaîner à l'occasion, lorsqu'ils y
trouvent un quelconque intérêt, les plus terribles catastrophes. «
Notre ennemi, c'est notre maître », a dit La Fontaine. Voilà la
vérité. Et peut-être est-il notre unique ennemi, puisqu'il est la
cause initiale de tous les maux
dont
nous souffrons. Et notre ennemi, c'est notre maître, non pas parce
que le maître a de la haine pour le serviteur. Comment pourrait-il
en être ainsi, alors que le serviteur, l'esclave se laisse
exploiter, opprimer, déposséder pour permettre à son maître de
jouir de toutes les beautés et de tous les bienfaits de l'existence?
« Notre ennemi, c'est notre maître » car c'est lui qui nous
empêche de nous élever, de nous grandir, de vivre enfin, une vie
normalement humaine. La haine est mauvaise conseillère, car elle est
trop souvent aveugle. C'est la raison qui nous porte à considérer
notre maître comme un ennemi et à le combattre, profondément
convaincus que, tant qu'il y aura un maître, l'harmonie sociale ne
peut exister. C'est parce que le peuple ne sait pas distinguer ses
véritables ennemis qu'il est malheureux ; et lorsqu'il lui arrive de
reconnaître ses erreurs, de voir clair dans le jeu de ses faux amis,
alors, indulgent, il pardonne. C'est ainsi que vont les sociétés.
Le mot ennemi sert également à désigner celui qui a de
l'antipathie pour une chose quelconque. Etre l'ennemi du bon sens ;
être ennemi du travail ; un ennemi du socialisme ; un ennemi de
l'autorité. Se dit aussi des choses qui sont opposées : l'eau est
l'ennemie du feu. S'emploie aussi comme adjectif. Des armées
ennemies. Des peuples ennemis. Ces gouvernements faibles, peureux,
ennemis de toute publicité.
-P.-L.
Courier
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