Dans
le mot Agriculture, nous avons donné d'amples détails sur ce qu'on
appelle les engrais ; nous allons ici même compléter ces
renseignements sur cette très importante question qui intéresse au
plus haut point la production par le sol de toutes les denrées
alimentaires dont se nourrit l'humanité, et de beaucoup de matières
premières indispensables à la production industrielle, tels les
textiles, les laines et les bois de toute sorte qui servent à
fabriquer machines et outils. Les engrais, ce sont toutes les
matières organiques ou minérales que l'expérience et la science
ont montrées comme capables de fertiliser les terres, c'est-à-dire
qu'une fois que ces matières, convenablement préparées, sont
enfouies dans le sol ou épandues à sa surface, elles augmentent la
quantité de matériaux que contient déjà ce sol qui sont en état
de nourrir les divers végétaux qui le recouvrent pour leur procurer
un développement normal. L'engrais le plus connu, même des temps
antiques, c'est le fumier de ferme, provenant des déjections de nos
divers animaux domestiques, qui se mélangent petit à petit avec les
litières qui leur servent de couche. Cet engrais contient en
proportions diverses les quatre principaux éléments nécessaires à
la vie et au développement des plantes, à savoir : l'azote, le
phosphore par l'acide phosphorique, la potasse et la chaux. Cet
engrais est précieux et s'emploie pour toute sorte de cultures, soit
enfoui dans le sol, soit en couverture sur les prairies, dans toutes
les régions. Les soins à donner à ce fumier de ferme, à sa sortie
des étables, lorsqu'on ne l'apporte pas immédiatement dans les
champs, consistent à le placer en tas bien tassés, et à le tenir
arrosé, soit avec du purin, soit avec de l'eau, afin de ralentir la
fermentation qui se développe dans les tas qui, si elle était trop
active, provoquerait l'évaporation des principes azotés. Les urines
des animaux de la ferme, quelquefois recueillies à part par certains
praticiens, au moyen de rigoles d'écoulement qui débouchent dans
des bassins bien cimentés, constituent aussi un engrais riche ;
elles sont employées comme engrais liquides, et répandues sur les
terres ou les prairies. Toutes les matières provenant des déchets
et détritus du règne végétal et du règne animal constituent ce
qu'on appelle les engrais humifères, c'est à- dire que lorsqu'ils
sont parvenus à leur complète décomposition, ils se résolvent en
cette poudre noirâtre qu'on appelle HUMUS, qui est très utile à la
végétation, en ce sens que les calcaires de cet humus du fumier
transforment les éléments fertilisants que nous mettons dans le sol
en éléments assimilables, c'est-à-dire propres à la nutrition des
végétaux en favorisant la multiplication des bons microbes. Les
engrais chimiques, par exemple, ne peuvent donner leur effet complet
que dans les terres qui renferment suffisamment de l'humus.
Parmi
ces engrais humifères, à part le fumier de ferme, on distingue :
les chiffons des tissus de laine, les poils des animaux, les plumes
des volailles, les débris de corne que nous rend l'industrie du
peigne ; tous ces débris constituent des engrais riches en azote
organique, 15 à 16 % environ. Pour l'emploi des plumes de volaille
ou autres, il est bon de les mélanger à l'avance avec du terreau ou
de la terre bien pulvérisés et de les répandre sur le sol au
moment de l'enfouissage ; sans cette précaution, le moindre vent les
emporte. Tous ces engrais conviennent pour toutes sortes de cultures
et spécialement pour la culture des choux qui demandent une
dominante d'azote. Les jardiniers et tous ceux qui font des cultures
maraichères emploient très avantageusement la poudre ou les débris
de corne très fins que nous vendent les fabricants de peignes. Ces
engrais, enfouis dans le sol, sont très vite en état de nourrir les
jeunes plantes qui n'ont qu'un temps très court à passer en terre.
Les jardiniers et maraichers de la banlieue des villes emploient
aussi avec succès le purin des fosses d'aisance en arrosages. C'est
un engrais riche en tous les éléments qui entrent dans la nutrition
des végétaux. Le sang desséché et pulvérisé des animaux de
boucherie constitue aussi un engrais riche avec dominante d'azote,
pour toutes sortes de cultures. La chair des animaux, lorsqu'elle est
impropre à la consommation, constitue aussi un excellent engrais,
que certains industriels préparent et nous revendent comme tel ; il
en est de même des déchets de poissons de toute sorte qui se
trouvent dans les villes où il y a de grandes pêcheries, et qu'on
nous revend sous le nom de guano de poisson. Tous ces engrais
contiennent en proportions diverses tous les éléments nécessaires
au développement des végétaux. Et les résidus de nos foyers, les
cendres de bois, qui renferment la potasse, environ 7 % suivant les
essences, en un état : le carbonate de potasse, qui est
immédiatement propre à la nutrition des plantes.
Les
os des animaux, après avoir été dégélatinés, renferment encore
des phosphates qui nous donnent de l'acide phosphorique, et qu'on
peut employer après avoir été moulus ou pulvérisés et enfouis
dans le sol pour toutes sortes de cultures. Les marcs de raisin,
quand on a fait le vin, sont aussi un très bon engrais, à dominante
de potasse, qui convient bien pour la culture de l'oignon ; mais
comme c'est un excellent aliment pour les bestiaux, le mieux, c'est
de le leur faire consommer, et ils nous le rendent ensuite dans le
fumier qu'ils produisent. A côté de ces engrais humifères, il y a
l'importante série des engrais provenant du règne minéral que, par
des procédés chimiques, on transforme et rend propres à la
nutrition des végétaux, et que, pour cette raison, on appelle des
ENGRAIS CHIMIQUES.
Les
carrières de phosphates de France et les inépuisables gisements qui
existent en Algérie nous fournissent des roches contenant du
phosphore qui, pulvérisées ou moulues, et convenablement traitées
par l'acide sulfurique, nous donnent des superphosphates dont l'acide
phosphorique est soluble dans l'eau ou le citrate d'ammoniaque
alcalin est à froid, et devant peu après son enfouissement dans le
sol, ou son épandage à la surface des prairies, être propre à
nourrir les plantes. On l'emploie pour toutes sortes de cultures ; le
maïs en exige une dominante et le blé en a besoin pour pouvoir
constituer des tiges assez rigides qui empêcheront la verse.
Dans
certains terrains très acides, on emploie les phosphates aux mêmes
usages que les superphosphates ; les puissants acides du sol ne
tardent pas à rendre soluble l'acide phosphorique qu'ils renferment.
Les scories des phosphorations de la fonte renferment aussi de
l'acide phosphorique et qui, finement moulues ou pulvérisées,
s'emploient aux mêmes usages que les superphosphates.
Potasse.
Les divers sels de potasse sont aussi contenus dans des roches qui
gisent en carrières dans le sein de la terre, en certaines contrées
; l'Alsace, par exemple, en renferme des gisements excessivement
importants. Parmi ces sels potassiques, on distingue : le chlorure de
potassium, contenant environ 48 à 49 % de potasse ; le sulfate de
potasse, qui en renferme de 44 à 45 % ; la sylvinite est aussi un
bon engrais potassique qui renferme, suivant sa richesse, de 12 à 18
% de potasse. Le nitrate de potasse est un engrais chimique qui
renferme à la fois de l'azote et de la potasse en quantités
importantes. Les engrais potassiques sont nécessaires à toutes les
plantes ; ils font fructifier le blé, les pruniers et la vigne, dans
un terrain qui manque de cet élément, ne donne que des récoltes
dérisoires et de tout petits raisins. La potasse agit principalement
sur le pigment vert des feuilles qu'on appelle la chlorophylle, et
comme l'action de cette chlorophylle est d'élaborer les hydrates de
carbone qui sont la fécule, le sucre, l'amidon, on peut dire que la
potasse agit directement sur les fruits, blés, raisins, pommes de
terre, prunes, etc., et qu'elle augmente leurs qualités. Les
haricots ne fructifient abondamment que si leurs racines trouvent
dans le sol une quantité suffisante d'engrais potassiques. On
remarque encore les engrais chimiques azotés, le sulfate
d'ammoniaque contenant environ 20 % d'azote, le chlorhydrate
d'ammoniaque qui en contient environ 23 %, la cyanamide 15 % environ.
Pour qu'une culture puisse parvenir à donner un rendement normal, il
est indispensable que la fumure qu'on lui a donnée pour la nourrir
et la faire développer renferme en quantités suffisantes les quatre
éléments indispensables à la nutrition des végétaux ; si l'un
d'eux manque ou s'y trouve en quantité insuffisante, l'échec est
inévitable. Tels sont les divers engrais dont l'emploi rationnel
permet à notre agriculture d'obtenir les plus beaux rendements. Mais
les agriculteurs ne doivent pas acheter isolément ces divers engrais
chimiques dont ils ont besoin pour leurs cultures, s'ils ne veulent
pas être volés comme sur un grand chemin ; ils doivent donner leurs
commandes à leur syndicat communal ; les syndicats communaux fédérés
les transmettent à un grand syndicat central, comme par exemple le
grand syndicat de la Société des Agriculteurs de France, qui achète
pour tous, sur un marché bien établi et sur garantie d'analyse. Ces
frais d'analyse, et au besoin de procès pour faire rembourser les
manquants se répartissant sur une très grande quantité de
marchandises sont insignifiants, car il ne faut pas oublier que les
industriels qui fabriquent les engrais ne sont pas plus scrupuleux
que leurs congénères des autres industries et qu'ils volent,
lorsqu'ils le peuvent, tant sur les dosages que sur la qualité des
matières livrées. Et maintenant il nous reste à expliquer, si
possible, comment ces divers engrais parviennent à nourrir les
végétaux et à en assurer le plus grand développement possible,
c'est-à-dire à expliquer le mécanisme de la nutrition des plantes.
Nul n'ignore que l'accroissement de tous les êtres vivants, depuis
leur naissance, soit végétaux, soit animaux, sans en excepter
l'homme, provient de la nourriture qu'ils absorbent au cours de leur
existence. Pour que ce phénomène puisse se produire, la nature a
doté les uns et les autres des organes nécessaires pour pouvoir
absorber tout d'abord cette nourriture et ensuite pour pouvoir la
digérer et la rendre assimilable à leur organisme, ce qui en
constitue le développement ; ainsi, tous les animaux, depuis le plus
petit moucheron jusqu'au plus grand des quadrupèdes, ont une bouche
qui leur permet d'absorber leur nourriture, solide ou liquide, et un
ou plusieurs estomacs, et puis les intestins qui la digèrent,
c'est-à-dire qui la rendent propre à passer dans leur sang qui,
vivifié constamment par l'oxygène de l'air, au moyen de la
respiration, va la déposer dans toutes les parties de leur corps et
produit le phénomène de l'accroissement. Pour les végétaux, le
phénomène de l'accroissement se produit d'une manière à peu près
analogue ; les organes sont différents, mais la fonction est
identique. L'être végétal comprend trois parties, à savoir : la
tige proprement dite, ligneuse ou herbacée, se terminant
supérieurement tantôt par de simples feuilles, tantôt par des
branches plus ou moins ramifiées, sur lesquelles naissent les
brindilles qui, à leur tour, portent les feuilles. Cette tige se
termine inférieurement par les racines qui fixent la plante au sol
et sur ces racines plus ou moins subdivisées naissent une infinité
de petites radicelles terminées, chacune, par une petite ouverture
qui remplit le rôle d'une bouche, par lesquelles la sève pénètre
dans la plante, la nourrit, s'y assimile et en provoque le
développement, l'accroissement. Mais, pour que cette sève puisse
nourrir la plante, et s'assimiler à son organisme pour en provoquer
l'accroissement, il est indispensable qu'elle soit digérée par ce
qu'on peut appeler les organes digestifs de la plante, et parvenue à
un état comparable au chyle du règne animal. Ces organes digestifs
de la plante, c'est le sol lui-même dans lequel elle est fixée ;
oui, le sol, c'est l'estomac qui digère les engrais, et les rend
propres à nourrir les plantes de toutes sortes qui le recouvrent.
Aussitôt que les divers engrais sont enfouis et mélangés au sol
par un labour, ils y subissent à la fois l'action chimique des
divers acides que contient ce sol, et l'influence des bons microbes
qui s'y multiplient en abondance grâce à la présence d'une assez
forte proportion d'humus et de calcaire, comme nous l'avons, déjà
dit, et l'action de l'air aidant, s'accomplit ce phénomène qu'on
appelle NITRIFICATION, qui modifie la substance des engrais et la
rend propre à la nutrition des plantes, L'action que l'air
atmosphérique exerce sur l'assimilation de la sève des racines par
les plantes est aussi indispensable. Les feuilles sont les organes
respiratoires des végétaux, et leur rôle, par l'action de l'air,
assure la vigueur et le développement normal des plantes ; tout
végétal privé de ses feuilles cesse de s'accroître, dépérit et
meurt. Voici un exemple de l'importance de cette action de l'air sur
les feuilles des plantes : on a constaté, dans la culture, que
certaines plantes, pour acquérir leur développement normal
n'avaient pas besoin d'engrais azotés, telles les légumineuses. Ces
plantes ont la faculté d'absorber par le moyen de leurs feuilles
l'azote de l'air qu'elles introduisent dans leur organisme pour en
assurer le développement, et en absorbent même en excès et
l'accumulent dans une infinité de petites nodosités (petits
tubercules) qui recouvrent leurs racines et constituent une forte
réserve de matière azotée ; ce qui a poussé les agriculteurs,
pour améliorer leurs terres, à semer des légumineuses, trèfle
violet, trèfle incarnat, fenugrec, vesces, etc., etc., et une fois
ces plantes arrivées en pleine floraison et leur développement
normal acquis, on enfouit ces légumineuses dans le sol. C'est ce
qu'on appelle les ENGRAIS VERTS.
-Pierre
NAUGÉ, dit MAUGER.
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