vendredi 25 octobre 2019

Individu individualisme Partie 5 Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure


* * *

Bien au delà des interdépendances vitales, aux réflexes en quelque sorte passifs, bien au-dessus de ce minimum de solidarité naturelle, organique, et dans une certaine mesure constitutive, qui relie tous les êtres vivant en société, plus loin que les collusions artificielles du besoin qui ne sont guère, au mieux, que des mouvements de conservation, l’anarchisme porte (par les voies du sentiment et de la raison) dans le domaine actif d’une fructueuse expansion, l’intérêt élargi qui le rattache aux autres unités humaines. Car notre individualisme, à nous anarchistes, a trop besoin pour son propre accomplissement et son devenir, de « l’air libre du large » et de la richesse des individualités voisines. Car sans elles, et privées de leur tolérance et, de leur aliment, nos propres individualités resteraient trop languissantes et précaires. Car notre individualisme est trop désireux de donner à l’ambiance cette réceptivité, à autrui ce potentiel d’échanges sans lesquels nos plaisirs aux ramifications multiples et nos jouissances toujours plus affinées et plus claires, demeureraient enfermés dans la prison de ses espérances mutilées. Car notre individualisme souffre trop des souffrances environnantes, et il a trop besoin de la joie d’autrui pour l’intensité de sa propre joie ; il est trop virilement insatisfait, trop lumineux et trop lucidement avide pour qu’il puisse être confondu avec ce faux individualisme, 1’ « individualisme » de proie et d’oppression, refouleur d’individualités, concrétisation courante de la « morale de maîtres », orientation extérieure de la « volonté de puissance »...
Il n’a rien de commun, notre individualisme (celui de tous les anarchistes) avec l’égoïsme fermé du bourgeois, « l’individualisme » restrictif et fragmenté, « l’individualisme » qui n’est - quoique parfois fardé de science - que la jouissance bornée de la brute. Et il se différencie tout autant de celui - notre ennemi aussi, en dépit de propos abusants - qui, circonscrit au jeu de doléances étriquées, " veut camper son « moi » (un. moi squelettique sous son hypertrophie) sur un autrui dont il n’a senti ni compris le dynamisme et la richesse... Nous ne pouvons accepter sans protestation, sans désolidarisation élémentaire, que l’anarchisme, individualisme ouvert, serve de paravent à l’égoïsme régressif ou stagnant, au circonvolutisme centripète d’une morale qui, en dépit d’un verbalisme au reste usurpé, retourne aux réalités que nous dénonçons. L’individualisme (de quelque tendance, de quelque école anarchistes dont il se réclame ou auxquelles il s’apparente) n’est pas, ne peut pas être (hypocrite ou déclaré, conscient ou s’ignorant) l’individualisme de domination et d’exploitation, l’impérialisme de l’individu...
Stephen Mac Say

Aucun commentaire: