* * *
Bien au delà
des interdépendances vitales, aux réflexes en quelque sorte
passifs, bien au-dessus de ce minimum de solidarité naturelle,
organique, et dans une certaine mesure constitutive, qui relie tous
les êtres vivant en société, plus loin que les collusions
artificielles du besoin qui ne sont guère, au mieux, que des
mouvements de conservation, l’anarchisme porte (par les voies du
sentiment et de la raison) dans le domaine actif d’une fructueuse
expansion, l’intérêt élargi qui le rattache aux autres unités
humaines. Car notre individualisme, à nous anarchistes, a trop
besoin pour son propre accomplissement et son devenir, de « l’air
libre du large » et de la richesse des individualités voisines. Car
sans elles, et privées de leur tolérance et, de leur aliment, nos
propres individualités resteraient trop languissantes et précaires.
Car notre individualisme est trop désireux de donner à l’ambiance
cette réceptivité, à autrui ce potentiel d’échanges sans
lesquels nos plaisirs aux ramifications multiples et nos jouissances
toujours plus affinées et plus claires, demeureraient enfermés dans
la prison de ses espérances mutilées. Car notre individualisme
souffre trop des souffrances environnantes, et il a trop besoin de la
joie d’autrui pour l’intensité de sa propre joie ; il est trop
virilement insatisfait, trop lumineux et trop lucidement avide pour
qu’il puisse être confondu avec ce faux individualisme, 1’ «
individualisme » de proie et d’oppression, refouleur
d’individualités, concrétisation courante de la « morale de
maîtres », orientation extérieure de la « volonté de puissance
»...
Il n’a
rien de commun, notre individualisme (celui de tous les anarchistes)
avec l’égoïsme fermé du bourgeois, « l’individualisme »
restrictif et fragmenté, « l’individualisme » qui n’est -
quoique parfois fardé de science - que la jouissance bornée de la
brute. Et il se différencie tout autant de celui - notre ennemi
aussi, en dépit de propos abusants - qui, circonscrit au jeu de
doléances étriquées, " veut camper son « moi » (un. moi
squelettique sous son hypertrophie) sur un autrui dont il n’a senti
ni compris le dynamisme et la richesse... Nous ne pouvons accepter
sans protestation, sans désolidarisation élémentaire, que
l’anarchisme, individualisme ouvert, serve de paravent à l’égoïsme
régressif ou stagnant, au circonvolutisme centripète d’une morale
qui, en dépit d’un verbalisme au reste usurpé, retourne aux
réalités que nous dénonçons. L’individualisme (de quelque
tendance, de quelque école anarchistes dont il se réclame ou
auxquelles il s’apparente) n’est pas, ne peut pas être
(hypocrite ou déclaré, conscient ou s’ignorant) l’individualisme
de domination et d’exploitation, l’impérialisme de l’individu...
Stephen Mac
Say
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