samedi 12 octobre 2019

Articles politique par Errico Malatesta





L'organisation des masses ouvrières contre le gouvernement et les patrons

« Il a paru à ces camarades que toutes les forces organisées dans un but autre que radicalement révolutionnaire seraient peut-être écartées de la voie révolutionnaire. Il nous semble, au contraire, et l’expérience nous l’a déjà trop montré, que leur méthode condamnerait le mouvement anarchiste à une perpétuelle stérilité.
Pour faire de la propagande, il faut se trouver au milieu des gens. C’est dans les associations ouvrières que l’ouvrier trouve ses camarades et, en principe, ceux qui sont le plus disposés à comprendre et à accepter nos idées. Et quand bien même on pourrait faire hors des associations autant de propagande que l’on voudrait, cela ne pourrait avoir d’effet sensible sur les masses ouvrières. »


« Nous, anarchistes, nous ne voulons pas émanciper le peuple, nous voulons que le peuple s’émancipe. Nous ne croyons pas au fait imposé d’en haut par la force ; nous voulons que le nouveau mode de vie sociale sorte des entrailles du peuple et corresponde au degré de développement atteint par les hommes et puisse progresser à mesure que les hommes avancent. »


Discussion lors du congrès d'Amsterdam en 1907 sur la présence des anarchistes dans les organisations syndicales. La révolution sociale peut-elle se faire uniquement dans les organisations syndicales en passant du combat des améliorations présentes pour envisager et construire le système futur de la société anarchiste.


« Contre cette dernière affirmation, je m’élevai avec énergie. Le syndicalisme, je dis, même s’il se corse de l’adjectif révolutionnaire, ne peut être qu’un mouvement légal, un mouvement qui lutte contre le capitalisme dans le milieu économique et politique que le capitalisme et l’État lui imposent. Il n’a donc pas d’issue, et ne pourra rien obtenir de permanent et de général, si ce n’est en cessant d’être le syndicalisme et en s’attachant non plus à l’amélioration des conditions des salariés et à la conquête de quelques libertés, mais à l’expropriation de la richesse et à la destruction radicale de l’organisation étatique. »


« Mais cela n’est utile qu’à la condition que nous restions des anarchistes avant tout, et que nous ne cessions de considérer tout le reste au point de vue de la propagande et de l’action anarchistes. »


« Je veux des syndicats largement ouverts à tous les travailleurs qui commencent à sentir le besoin de s’unir avec leurs camarades pour lutter contre les patrons ; mais je connais aussi tous les dangers que présentent pour l’avenir des groupements faits dans le but de défendre, dans la société actuelle, des intérêts particuliers, et je demande que les anarchistes qui sont dans les syndicats se donnent comme mission de sauvegarder l’avenir en luttant contre la tendance naturelle de ces groupements à devenir des corporations fermées, en antagonisme avec d’autres prolétaires encore plus qu’avec les patrons. »


« La vérité est, selon moi, bien différente. Les ouvriers subissent, comme tout le monde, la loi d’antagonisme général qui dérive du régime de la propriété individuelle ; et voilà pourquoi les groupements d’intérêts, révolutionnaires toujours au début tant qu’ils sont faibles et dans le besoin de la solidarité des autres, deviennent conservateurs et exclusivistes quand ils acquièrent de la force, et avec la force, la conscience de leurs intérêts particuliers. L’histoire du trade-­unionisme anglais et américain est là pour montrer comment s’est produite cette dégénérescence du mouvement ouvrier, quand il se cantonne dans la défense des intérêts actuels. »


« Un anarchiste fonctionnaire permanent et stipendié d’un syndicat est un homme perdu comme anarchiste. »


«D’ailleurs, la question est claire. Le syndicat n’est pas anarchiste, et le fonctionnaire est nommé et payé par le syndicat : s’il fait œuvre d’anarchisme, il se met en opposition avec ceux qui paient, et bientôt il perd sa place ou il est cause de la dissolution du syndicat ; si, au contraire, il remplit la mission pour laquelle il a  été nommé, selon la volonté de la majorité, alors adieu anarchisme. »


« Je suis convaincu en effet que Monatte et le groupe des « jeunes » sont aussi sincèrement et foncièrement anarchistes et révolutionnaires que n’importe quelle « vieille barbe ». Ils regretteraient avec nous les défaillances qui se produiraient parmi les fonctionnaires syndicalistes ; seulement, ils les attribuent à des faiblesses individuelles. C’est là l’erreur, s’il s’agissait de fautes imputables à des individus, le mal ne serait pas grand : les faibles disparaissent bientôt et les traîtres sont bientôt connus et mis dans l’impuissance de nuire. Mais ce qui rend le mal sérieux, c’est qu’il dépend des circonstances dans lesquelles les fonctionnaires syndicalistes se trouvent. J’engage nos amis les anarchistes syndicalistes à y réfléchir et à étudier les positions respectives du socialiste qui devient député et de l’anarchiste qui devient fonctionnaire de syndicat : peut-être la comparaison ne sera pas inutile. »


« On avait proposé une résolution contre l’alcoolisme, mais on passa à l’ordre du jour. Personne, certainement, n’aurait hésité à acclamer une résolution contre l’abus des boissons alcooliques, quoique peut-être avec la conviction que cela ne servait à rien ; mais la résolution proposée condamnait même l’usage modéré, qu’on considérait comme plus dangereux que l’abus. Cela nous parut trop fort ; dans tous les cas, on pense que c’est un argument qui devrait plutôt être discuté par des médecins, en admettant qu’ils en sachent quelque chose. »


«Chaque organisation nouvelle peut, dans l’esprit des fondateurs et dans les statuts, avoir les plus hautes aspirations et les buts les plus radicaux, mais si elle veut exercer la fonction propre au syndicat ouvrier, c’est-à-dire la défense actuelle des intérêts de ses membres, elle doit reconnaître en fait les institutions qu’elle nie en théorie, s’adapter aux circonstances et tenter d’obtenir, peu à peu, le plus possible, en traitant et en transigeant avec les patrons et le gouvernement. En un mot, le syndicat ouvrier est, en raison de sa nature, réformiste et il n’est plus révolutionnaire »

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