"Tout abandon de principes aboutit forcément à une défaite" Elisée Reclus "Le dialogue, c'est la Mort" L'injure sociale
jeudi 3 octobre 2019
La guerre ? Albert Libertad
Il souffle un vent de guerre sur les populations européennes. Il est si terrible qu’on sent prochaine la tempête.
Ce vent ne vient pas d’Autriche où pourtant la crevaison prochaine de François-Joseph laisse pendante la succession épineuse de l’empire austro-hongrois.
Il ne souffle pas des pays ruthènes, de la Pologne, de la Finlande, du Caucase où se prépare le grand démembrement de l’empire des czars.
Ce n’est pas sur les bords du Rhin, où le conflit des provinces annexées fait toujours parler de revanche, que se déchaîne cet ouragan.
Ce vent ne naît pas non plus, comme on paraît le croire, en la ville espagnole d’Algésiras où se débat la question du vol du Maroc.
Non, ce ne sont là que des brises légères qui ne sauraient soulever, pousser, ébranler les couches atmosphériques.
D’où vient donc la tempête ? Quel est le choc puissant qui la déchaîne ?
Elle surgit de la volonté des dirigeants.
Ce sont eux qui s’essaient tous les jours à jeter les unes contres les autres les couches humaines, afin de pouvoir continuer en toute tranquillité, leur vie de vols et de mensonges.
Voilà que monte jusqu’aux maîtres la marée sociale, la grande marée, cette niveleuse qui renverse les châteaux, qui détruit les frontières, jette bas les forts, tout en préparant la terre aux belles récoltes.
Ils la voient venir sur eux ; ils s’effarent, ils cherchent les moyens de la détourner du bon chemin, de la ralentir dans sa marche. Ils veulent pour cela jeter des cadavres afin que la chair cimentée de sang endigue le flot de la révolution.
Les dirigeants veulent la guerre. Ils en proclament « l’inéluctable nécessité » ; c’est une loi sociale que l’on ne peut enfreindre, nous répètent-ils sur tous les tons.
Ils la veulent et ils la craignent tout à la fois. Ils entendent derrière eux des murmures qui vont grossissant. Ils sentent qu’ils n ‘ont plus dans la main les fils qui dirigent les gouvernés. Affolés, ils perdent la tête, ils se jettent en travers du mouvement. Ils poursuivent, ils arrêtent, ils emprisonnent… forts encore du concours des ignorants, des inconscients.
Mais la peur qu’ils manifestent, la colère qui les met en délire, dessillent les yeux de beaucoup.
Le peuple réfléchit tout à coup, que ce commerçant qui se fournit, en Allemagne, de camelote ; cet industriel qui emploie à bas prix des Italiens miséreux ; cet agriculteur qui fait venir des Belges pour la moisson ; cet entrepositaire qui expédie les meilleurs choses aux États-Unis, que tout ces faiseurs ne peuvent pas avoir un sentiment patriotique pareil à celui qui semble les soulever d’indignation. Aussi derrière leurs colères, le peuple voit nettement l’intérêt de ces messieurs se drapant de chauvinisme.
Il conclut que ce qui est l’intérêt de ses maîtres ne saurait jamais être le sien. Il rit des palinodies gouvernementales. On sent bien qu’il ne marche plus. Les chasseurs, les piqueurs et les chiens se précipitent derrière la bête. Ils courent, ils veulent la lasser, la cerner… mais le truc n’est-t-il pas connu ?… …. La bête ne va-t-elle pas se retourner, et tenir tête à la meute ?
Vous cherchez une querelle, gouvernants, craignez de n’avoir la guerre. Non pas celle qui vous intéresse, qui nous décime, qui sème les cadavres des nôtres dans les fossés ; qui, vainqueurs ou vaincus, nous laissent toujours prisonniers des lois, des patrons, de la misère, de l’ignorance….
Mais l’autre, LA GUERRE, la véritable, celle dont les escarmouches se dessinent de loin en loin, dont les combats parfois rougissent les pavés mais dont il ne saurait tarder de voir s’ouvrir les terribles assises, mettant enfin toutes les forces des combattants, face à face.
Il en est qui parlent POUR LA PAIX, moi je parle POUR LA GUERRE. Pour cette guerre qui ne jette pas les hommes aux frontières - la révolution n’en connaît pas – mais qui les dresse contre l’oppresseur de tous les jours, en tous les pays.
Et j’ai le désir que cette guerre ne se termine qu’avec la fin de l’autorité, de l’ignorance et de la misère…, dût cette victoire s’étayer sur nos cadavres.
Que cette guerre soit, de notre part, sans pitié, comme sans haine… la vérité ne saurait avoir ni l’une, ni l’autre.
Albert LIBERTAD.
L’anarchie n°46, jeudi 22 février 1906
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