Se dit des
corps inaccessibles aux altérations des agents corrupteurs, internes
ou extérieurs : le bois de cèdre est incorruptible. Mais le sens
s'en étend aux hommes dont le caractère, la vie résistent aux
influences qui tendent à les écarter de leur ligne et à annihiler
leurs vertus. Les institutions mêmes, les œuvres qui ne se laissent
entamer par les assauts du temps peuvent ainsi, et quoique
relativement, être regardées comme incorruptibles. A plus forte
raison certaines présences qui, dans l'univers, semblent affranchies
du transitoire. Diderot nous entretient de « l'incorruptibilité de
la loi naturelle », « De l'immutabilité de la lumière naît son
incorruptibilité », dit le P. Ventura. L'absence d'ambition est,
dans la société humaine, le premier gage d'incorruptibilité. Des
êtres d'exception opposent, naturellement, un roc rebelle aux forces
malignes en quête de désagrégation. Mais la raison est, au-dessus
de l’accidentel, le refuge vaste et sans surprise où
l'individualité se rit des solliciteuses aux présents frelatés qui
font sonner de si pauvres appels à la relâche et à la
discontinuité… Des passions exigeantes, des besoins étendus,
l'esprit de domination sont les chemins familiers de la corruption.
Sur le plan politique sont, parmi les personnages directeurs, de plus
en plus rares l'ascétisme du sacrifice ou la simplicité du don.
Petit est le nombre de ceux qui, au pavois des partis modernes, sont,
de par la trempe de leur caractère ou la sérénité de leur
attachement doctrinal, à l'abri des séductions destructrices. Un
Blanqui, un Lénine, longtemps un Guesde, ont offert aux matérialités
l'impénétrable limpidité d'une vie simple, ardente, pour qui la
conviction fanatique est l'essentiel aliment. Des hommes en qui le
peuple voit des apôtres et des saints pour l'analogie de leur
abnégation avec celle des grands religieux du passé (« Rappelons
des chrétiens le culte incorruptible », disait Voltaire), peuvent
impunément baigner dans les courants corrupteurs sans qu'en souffre
la rectitude d'une volonté dressée vers l'idéal. Mais qui accepte
de porter son activité sur le terrain où sévit de nos jours ; en
fléau, l'achat des consciences - j'ai nommé la politique - y fait
par avance le sacrifice du renom le mieux mérité
d'incorruptibilité. Politicien est devenu synonyme de discoureur
vénal, d'intrigant sans scrupule. Dans la mare aux mandats les
réussites s'assurent à la faveur de la corruption, et les
pots-de-vin sont, ensuite, la monnaie convenue des complaisances
servies, à lois ouvertes et à secrets offices, à une astucieuse
ploutocratie d'affaires. La première de nos Républiques elle
politique, a connu les fléchissements avant-coureurs. Un Mirabeau,
un Danton ont été des énergies circonvenues à la faveur de leurs
appétits ou de leurs mœurs. A côté d'eux, un Robespierre - selon
certains : idéaliste aux besoins matériels effacés, pour d'autres
: hypocrite tenacement drapé dans la moralité, car telle est, à un
siècle d'éloignement, la sûreté de l'histoire - s'auréola de
l'épithète d'Incorruptible...
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