mardi 22 octobre 2019

Articles politiques de Errico Malatesta

"Puis, comme Costa en Italie, les Guesde, les Massard[ 6], les Deville[ 7] et plus tard Brousse lui-même furent pris de la frénésie du pouvoir et peut-être aussi du désir de concilier le renom de révolutionnaire avec la quiétude de la vie et les avantages, petits et grands, dont bénéficient ceux qui entrent dans la politique officielle, même comme opposants. Et alors toute une manœuvre commença pour changer la direction du mouvement et induire les camarades à accepter la tactique électorale. La note sentimentale fut, cette fois aussi, mise à contribution : on voulait l’amnistie pour les communards, il fallait délivrer le vieux Blanqui mourant en prison. Et il y eut cent prétextes, cent expédients pour vaincre la répugnance pour les élections que les transfuges eux-mêmes avaient contribué à faire naître parmi les travailleurs, et qui avaient en tête le souvenir encore vif des plébiscites napoléoniens et des massacres de juin 1848 et de mai 1871, perpétrés par la volonté des assemblées sorties du suffrage universel. On dit qu’il fallait voter pour se compter, mais que l’on voterait pour des inéligibles ; pour les condamnés, ou pour des femmes, ou pour les morts ; d’autres proposèrent de voter à bulletins blancs ou par une devise révolutionnaire ; d’autres voulaient que les candidats remettent aux comités électoraux des lettres de démission pour le cas où ils seraient élus. Puis, quand la poire fut mûre, quand les gens furent persuadés d’aller voter, on voulut être candidat et député pour de bon, on laissa pourrir en prison les condamnés, on renia l’antiparlementarisme, on condamna l’anarchisme. Et Guesde, après cent palinodies, finit ministre du gouvernement de l’« union sacrée ». Deville devint ambassadeur de la république bourgeoise, et Massard, quelque chose de pire, je crois."


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