Défaut de
conséquence. Désaccord entre les propos et les actes, les promesses
et les réalisations, la suite et les prémices. C'est un illogisme
des attitudes et des situations. L'inconséquence se manifeste dans
les mots, les idées, le style, comme dans les procédés et les
mœurs. Elle est d'ordre littéraire et artistique comme du ressort
domestique ou social. Par extension, s'engager dans une affaire sans
en supputer les développements constitue une inconséquence : c'est
proprement un degré de l'étourderie et une marque d'imprévoyance,
compliquée d'incapacité ou d'un manque de sens pratique. En matière
de mœurs l'inconséquence d'une femme, par exemple, est plutôt un
attribut de légèreté due au jeu d'un tempérament versatile. Plus
graves sont, chez l'être humain, les inconséquences du caractère,
obstacles à cette cohésion de la personnalité qui est le gage des
rapports normaux. Dans le raisonnement, l'inconséquence se traduit
par une insuffisance de parenté entre les termes posés et les
déductions : elle engendre le syllogisme boiteux... Des tares
originelles, des dispositions natives prédisposent à
l'inconséquence ; des circonstances les aggravent après en avoir
favorisé l'essor. L'insuffisance volontaire, l'ignorance, la
superficialité de l'esprit, une tendance acquise ou héréditaire -
à la duplicité, la poussée des passions (« les passions rendent
inconséquents », dit Genlis ou - La Chaussée - « l'amour rend
comme un autre un sage inconséquent ») sont des facteurs
d'inconséquence. La corruption des mœurs, les troubles, les
ambitions, les appétits vulgaires sont - individuellement et
socialement- le bouillon de culture de l'inconséquence. Du point de
vue particulier de l'anarchisme, ceux-là qui, ayant touché les
vices de l'état social et l'iniquité de ses principes, les couvrent
cependant de leur silence approbateur, ceux qui ont reconnu, proclamé
même la nocivité des institutions du temps et continuent à leur
apporter le concours de leur collaboration ou à en demeurer les
bénéficiaires, font preuve d'inconséquence. La politique est par
excellence le terrain de l'inconséquence endémique, à la fois
sereine et canaille. Les manifestations électorales en marquent la
floraison régulière, sanctionnée par une décevante approbation
populaire. Du candidat à l'élu, du programme aux légiférations
s'étend la trame prévisible de la plus cynique inconséquence. Et
tel qui, a posteriori, invoquera l'impuissance de sa résolution
isolée, les obstacles ligués contre son bon vouloir, sait, au plus
fort de ses proclamations initiales, que son effort est tout entier
dans l'artifice oratoire, que l'inconséquence est le signe de ses «
travaux » de demain, et ses mandants prochains ses dupes obligées...
Du délégué au parlementaire et du chef de groupe au gouvernement
s'affirme, sous les auspices de la démagogie et avec la complicité
veule des masses, le prestige d'une inconséquence souveraine et
systématisée. Consciente et acclimatée, l’inconséquence
politicienne s'institue dans les esprits lucides qu'elle obnubile,
les volontés qu'elle désagrège, les natures droites dont elle
brise la ligne. Elle ne provoque, d'une part, sur la face des foules
trompées, que le sourire blasé des déceptions attendues. Et,
d'autre part, le remords édulcoré de l'élu - s'il surnage en
quelque remous - pimente plus qu'il ne trouble les béatitudes.
L'inconséquence est ainsi le renfort du scepticisme stérilisant.
Elle en appesantit le détachement, propice aux tyrannies admises
comme une fatalité parasitaire... « Tout peut se soutenir, excepté
l'inconséquence », argumentait Mirabeau aux temps de foi des
assemblées. Aujourd'hui, l'inconséquence est devenue un des
mensonges conventionnels de la démocratie et le règne se soutient
par l'inconséquence comme la religion par l'absurde.
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