Nous
extrayons du Journal de Versailles l’article suivant qui jette un
jour sur des pensées secrètes couvertes jusque-là par les
équivoques du style officiel. Le langage abominable du journaliste
officieux n’est, après tout, que la traduction en bon français
des discours de M. Jules Favre :
L’IGNORANCE
DES GENS INSTRUITS.
Les
états-majors d’une nation, qu’ils soient militaires, civils ou
politiques, auront toujours un défaut capital : l’ignorance du
véritable caractère de la populace, de ses haines, de ses
convoitises et de son but.
Ainsi, voilà
un pompeux état-major devant lequel on amène une bande d’assassins.
Nous,
observateurs de la rue, nous connaissons ces vauriens d’avance,
nous implorons leur suppression radicale.
Mais les
juges les connaissent-il bien ?
N’est-il
pas à redouter que ces juges instruits, pleins d’érudition,
salués à bon droit par tout le pays, n’aient en faveur de ces
assassins, les larges sentiments d’humanité que la distance leur
permet ?
Vivant avec
la meilleure société, ont-ils, sur la canaille, consulté d’autres
types que les portraits spiritualisés de Gavarvi ? Ont-ils pratiqué
sur ces êtres, en voie de ruiner la France, les études
entomologiques nécessaires à la justice ?
Par son
humilité piteuse et repentante, au moyen de ces rengaines de soutien
de famille, le criminel ne peut-il pas attendrir son juge ?
La
commisération est facile à qui n’a pas été attaqué.
La vanité
n’est pas morte.
… Une
tirade humanitaire à grand effet a fait jaillir les circonstances
atténuantes, et notre accusé, au lieu d’avoir été foudroyé sur
place, vient d’être conduit dans une prison.
Qu’arrivera-t-il
alors ?
Un jour
d’oubli, un jour de fête publique, une amnistie pleine et entière
sera décrétée, et les portes des chiourmes s’ouvriront à deux
battants ; notre accusé saisira de nouvelles victimes, fabriquera de
nouvelles cartouches en secret, etc., il l’a juré autrefois dans
son faubourg, — et c’est toujours ainsi depuis trop longtemps.
Supposez
maintenant que ce brillant état-major soit sorti de son cabinet de
temps en temps, pour entendre, dans la rue, parler entre eux les
renverseurs de gouvernements, les pillards et les assassins de
soldats supposez qu’il lui ait été donné de pouvoir même causer
librement et incognito avec eux ou avec ce qui leur sert de femmes,
autre engeance terrible de dénonciatrices, de manufacturières
diaboliques, qui s’acharnent après les honnêtes gens comme ces
mille-pieds qui nous rongent dans nos cauchemars ? Croyez-vous que la
sentence ne frappera pas plus juste ?
Moins
d’érudition et de philanthropie, messieurs, mais plus d’expérience
et d’énergie ! Si cette expérience n’a pu monter jusqu’à
vous, daignez emprunter celle des victimes.
Nous jouons
la France en ce moment. Le temps est-il aux morceaux de littérature
? Non, mille fois non, nous savons le prix de ces morceaux-là.
Faites un
peu ce que les grands peuples énergiques feraient en pareil cas.
PAS DE
PRISONNIERS !
Si, dans le
tas, il se trouve un honnête homme réellement entraîné de force,
vous le verrez bien : dans ce monde-là, un honnête homme se désigne
par son auréole.
Accordez aux
braves soldats la liberté de venger leurs camarades en faisant, sur
le théâtre et dans la rage de l’action, ce que de sang froid, ils
ne voudraient plus faire le lendemain :
FEU !
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