dimanche 9 juin 2019

Journal de la Commune


Nous extrayons du Journal de Versailles l’article suivant qui jette un jour sur des pensées secrètes couvertes jusque-là par les équivoques du style officiel. Le langage abominable du journaliste officieux n’est, après tout, que la traduction en bon français des discours de M. Jules Favre :

L’IGNORANCE DES GENS INSTRUITS.

Les états-majors d’une nation, qu’ils soient militaires, civils ou politiques, auront toujours un défaut capital : l’ignorance du véritable caractère de la populace, de ses haines, de ses convoitises et de son but.
Ainsi, voilà un pompeux état-major devant lequel on amène une bande d’assassins.
Nous, observateurs de la rue, nous connaissons ces vauriens d’avance, nous implorons leur suppression radicale.
Mais les juges les connaissent-il bien ?
N’est-il pas à redouter que ces juges instruits, pleins d’érudition, salués à bon droit par tout le pays, n’aient en faveur de ces assassins, les larges sentiments d’humanité que la distance leur permet ?
Vivant avec la meilleure société, ont-ils, sur la canaille, consulté d’autres types que les portraits spiritualisés de Gavarvi ? Ont-ils pratiqué sur ces êtres, en voie de ruiner la France, les études entomologiques nécessaires à la justice ?
Par son humilité piteuse et repentante, au moyen de ces rengaines de soutien de famille, le criminel ne peut-il pas attendrir son juge ?
La commisération est facile à qui n’a pas été attaqué.
La vanité n’est pas morte.
Une tirade humanitaire à grand effet a fait jaillir les circonstances atténuantes, et notre accusé, au lieu d’avoir été foudroyé sur place, vient d’être conduit dans une prison.
Qu’arrivera-t-il alors ?
Un jour d’oubli, un jour de fête publique, une amnistie pleine et entière sera décrétée, et les portes des chiourmes s’ouvriront à deux battants ; notre accusé saisira de nouvelles victimes, fabriquera de nouvelles cartouches en secret, etc., il l’a juré autrefois dans son faubourg, — et c’est toujours ainsi depuis trop longtemps.
Supposez maintenant que ce brillant état-major soit sorti de son cabinet de temps en temps, pour entendre, dans la rue, parler entre eux les renverseurs de gouvernements, les pillards et les assassins de soldats supposez qu’il lui ait été donné de pouvoir même causer librement et incognito avec eux ou avec ce qui leur sert de femmes, autre engeance terrible de dénonciatrices, de manufacturières diaboliques, qui s’acharnent après les honnêtes gens comme ces mille-pieds qui nous rongent dans nos cauchemars ? Croyez-vous que la sentence ne frappera pas plus juste ?
Moins d’érudition et de philanthropie, messieurs, mais plus d’expérience et d’énergie ! Si cette expérience n’a pu monter jusqu’à vous, daignez emprunter celle des victimes.
Nous jouons la France en ce moment. Le temps est-il aux morceaux de littérature ? Non, mille fois non, nous savons le prix de ces morceaux-là.
Faites un peu ce que les grands peuples énergiques feraient en pareil cas.

                                        PAS DE PRISONNIERS !

Si, dans le tas, il se trouve un honnête homme réellement entraîné de force, vous le verrez bien : dans ce monde-là, un honnête homme se désigne par son auréole.
Accordez aux braves soldats la liberté de venger leurs camarades en faisant, sur le théâtre et dans la rage de l’action, ce que de sang froid, ils ne voudraient plus faire le lendemain :

                                                              FEU !

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