Nous sommes
priés de publier l’appel suivant, que l’Union républicaine
centrale, société fondée il y a quelques mois par les anciens
représentants du peuple, adresse aux électeurs parisiens :
Sous le coup
des événements si graves qui vont présider aux élections
communales du 6 avril, il est du devoir de l’Union républicaine
centrale de bien dessiner aux yeux des électeurs la vraie situation
de Paris, de la République, de la France.
Thiers
affirme qu’il veut conserver la forme républicaine ; mais les
moyens mêmes qu’il emploie pour conserver sa république contre
Paris sont des moyens destinés nécessairement à la détruire
En effet,
pour convertir Paris à ses vieilles doctrines de centralisation
absolue, M. Thiers fait appel à la force des armes, et il confie ses
armées aux principaux généraux de l’Empire, à des hommes qui ne
peuvent redevenir ou devenir sénateurs ou maréchaux et palper de
scandaleux traitements que par la Restauration d’un Bonaparte.
Or, ce sont
ces généraux qui disposent véritablement des troupes dirigées
contre Paris.
Si la
victoire restait à la prétendue armée de l’Assemblée, ce sont
ces généraux qui entreraient dans Paris à la tête de leurs
soldats ; ce sont eux, et non M. Thiers ou l’Assemblée, qui
seraient les maîtres de Paris et de la France.
Après avoir
fusillé, à l’aide des dénonciations et de la coopération des
amis de l’ordre, 8 ou 10 000 des plus courageux défenseurs de
Paris, après en avoir arrêté et garroté plus de 30 000 destinés
au supplice de la transportation à Cayenne, ces généraux, n’ayant
plus à redouter une résistance à leurs projets, proclameraient
l’Empire et restaureraient le père ou le fils à leur propre
profit.
Et M.
Thiers, le républicain ? On le prierait d’aller place
Saint-Georges se reposer des fatigues qu’il aurait subies pour la
fondation de la République !
Et
l’Assemblée de Versailles ? MM. les généraux renverraient tous
les hobereaux dans leurs villages, et les renverraient satisfaits, en
leur assurant que les prix des bestiaux et des denrées doubleraient
incessamment par la grâce de l’Empire.
Quant aux
députés républicains de Paris, qui ont abandonné Paris pour crime
d’insurrection, ils seraient épargnés pour avoir contribué par
leur silence à tromper la France, pour n’avoir pas démenti une
seule fois les mensonges infâmes de l’Officiel et des journaux de
M. Thiers, pour avoir, par leur abandon, paralysé la défense de
Paris, qui les avait élus pour soutenir énergiquement ses droits.
Tel est le
résultat nécessaire de la politique républicaine de M. Thiers, si
ses généraux étaient victorieux : — la ruine de la République !
— le rétablissement de l’Empire !
Si tous les
orléanistes, si tous les légitimistes de l’Assemblée,
c’est-à-dire tous les adversaires d’une restauration
impérialiste, avaient le moindre sens politique, ils se hâteraient
de se débarrasser de M. Thiers et de ces généraux si imprudemment
choisis, et, plutôt que de lutter sottement pour arriver au
rétablissement d’un
Bonaparte,
qui opprimerait leurs provinces, ils feraient la paix avec Paris, qui
combat pour la liberté de toutes leurs communes.
Que doit
donc faire Paris ? Se défendre à outrance, et, par ses élections,
se resserrer autour des vrais défenseurs de la République. Il ne
faut pas surtout laisser amollir les courages et refroidir les
dévouements, en laissant croire à une conciliation impossible en ce
moment.
Si ces
tentatives de conciliation n’étaient qu’illusoires ! mais elles
sont dangereuses pour la défense. Nous sommes en état de guerre.
Dans la guerre, il faut l’unité du pouvoir qui dirige la défense,
inventer une sorte de pouvoir qui peut diriger la paix, c’est un
danger, car il y a tentative, même involontaire, de division des
forces.
C’est
encore bien pis dans, au retour de Versailles, on publie cette phrase
: « M. Thiers ajoute : « Quiconque renoncera à la lutte armée,
c’est-à-dire quiconque rentrera dans ses foyers en quittant toute
attitude hostile, sera à l’abri de toute recherche. » N’est-ce
pas, involontairement sans doute, provoquer à la défection des
postes de péril ? N’est-ce pas s’exposer à faire tomber les
défenseurs de Paris dans le piège de la clémence de M. Thiers ?
Enfin, et
sans le vouloir, on élève un drapeau de ralliement autour duquel
viendraient se presser tous les prétendus amis de l’ordre, qui ne
demandent qu’à forcer la paix, même aux dépens de la République.
La paix ! –
oui, la paix acceptée par la république victorieuse ; — oui, la
paix signée dans Paris restant armé pour la défense et la
conservation de la conservation de la République conquise ; —
toute autre paix est une défaite déguisée qui, dans les murs de
Paris désarmé, amènerait plus ou moins rapidement la déclaration
d’une monarchie.
Mais, disent
les amis de Versailles, votre République de la Commune n’est pas
la République promise par vos philosophes. Tous les jours, la
Commune attente à la liberté individuelle, à la liberté de
domicile, à la liberté de la presse.
L’Union
républicaine centrale répond : Non, nous n’avons pas aujourd’hui
la République, non, mille fois non. — Si la République devait
nécessairement, ressembler au régime actuel, nous serions les
premiers à la combattre. — Non, aujourd’hui ce n’est pas la
République, c’est un état de guerre, et, par la force des
choses, nous
sommes sous les lois de la guerre ; soumis à regret, mais par
dévouement, à un régime d’exception, nous y soumettons les
ennemis cachés ou avoués des citoyens qui combattent aujourd’hui,
pour fonder demain la vraie République après le combat et la
victoire.
Paris n’est
pas aujourd’hui le Paris de la pensée libre, sage ou vagabonde, le
Paris des affaires ou des plaisirs. Paris est une ville assiégée ;
il défend ses murailles, qui contiennent les libertés de la France.
Voyons les
droits d’un belligérant, et, pour les juger avec plus
d’impartialité, transportons la guerre sur un territoire étranger.
En 1866, à
Sadowa, 200 000 Prussiens sont en face de 200 000 Autrichiens. La
bataille s’engage. Tout à coup, à travers les rangs de l’une
des armées circulent des émissaires. « Nous ne pouvons nous
défendre, disent-ils aux soldats ; nos adversaires sont plus
nombreux, mieux disciplinés, plus aguerris. Ils ont une artillerie
bien supérieure ; leurs généraux sont habiles, et vous n’avez
que des chefs inexpérimentés qui vont vous mener à la boucherie.
Vous allez être cernés ; vos munitions, vos vivres vont être
coupés. Nous allons tous être massacrés : rendonsnous ! » Que va
faire le général ? Il fait saisir et fusiller ces émissaires. Et
tous, aux quatre coins de l’Europe, diront : « Il n’a fait que
son devoir. »
Dans Paris,
n’est-il pas vrai que de prétendus amis de l’ordre et de la paix
prêchent, soit de vive voix, soit par la presse, le découragement,
en affirmant notre impossibilité de nous défendre, l’infériorité
de nos forces, l’inhabilité de nos chefs, nos vivres bientôt
coupés, la ville sans gaz, enfin l’absolue nécessité de subir
une paix telle quelle, imposée par les ennemis de la République ?
En présence
de ces faits incontestables, de ces faits qui se reproduisent
journellement, et le matin et le soir, quel est le droit du pouvoir
qui défend Paris, quel que soit son nom ? — Son droit et son
devoir, c’est de museler les voix qui découragent, c’est de
frapper les intrigants de la paix ; — c’est le droit de la
guerre, c’est le devoir de tout chef qui défend une ville
assiégée.
Electeurs,
voici le résumé de la situation :
Paris est en
état de guerre, et il défend la République, car le triomphe des
généraux impérialistes de Versailles serait la destruction de la
République par le rétablissement de l’Empire.
Le triomphe
des généraux impérialistes, ce serait le triomphe de la réaction
sanguinaire, parce qu’elle est lâche — ce serait : le massacre
des défenseurs de Paris, d’autant plus coupables qu’ils auront
été signalés comme plus courageux ; — ce serait la transposition
en masse des arrondissements les plus dévoués à la République ; —
Ce seraient les honneurs, les récompenses, les décorations, les
places, les fournitures pour les assassins ; — ce serait juin 1848
; — ce serait décembre 1851 !
Délibéré
par l’Union Républicaine Centrale, dans sa séance du 14 avril
1871.
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