Qui mange
des fruits, qui se nourrit de fruits ; par extension : qui consomme
uniquement des fruits à l'exclusion de tout autre aliment.
FRUGIVORISME : théorie ou système basé sur la croyance que
l'alimentation exclusivement fruitarienne convient à l'humanité. La
découverte des vitamines (ou plutôt la découverte du rôle
important joué par les vitamines dans la nutrition de l'organisme
humain) est venue rappeler à beaucoup de personnes, qui l'avaient
oublié, le bienfait de l'alimentation fruitarienne. Il semble bien,
cependant, que cette alimentation ait été particulièrement goûtée
de nos ancêtres, si nous en croyons les traditions et les légendes
de l'antiquité. Chacun sait que la pomme joua un grand rôle dans la
vie de nos premiers parents, si l'on s'en rapporte à ce burlesque
récit qui s'appelle la Genèse. Tous les Anciens semblent avoir tenu
les fruits en haute estime. Les jardins des Hespérides étaient
aussi renommés, avec leurs pommes d'or jalousement gardées par un
dragon féroce, que le comique Paradis d'Adam et Eve. La pomme et le
raisin ont inspiré bien des poètes (ainsi que le vin et les fumées
de l'alcool, hélas...). Les enfants qui vivent sous nos yeux
n'ont-ils pas conservé un goût très vif pour les fruits de toutes
sortes, alors qu'ils éprouvent souvent de la répugnance pour les
viandes? Il y a là une indication précieuse, car c'est l'instinct
naturel (trop souvent faussé de nos jours) qui nous la fournit. Pour
nous, libertaires, a priori, nos sympathies vont au frugivorisme. Il
évoque la vie au grand air, en liberté, au soleil. Il nous fait
rêver d'harmonie fraternelle et de cadres verdoyants. Sa réalisation
s'accompagne de joie, de paix, d'amour, tandis que le carnivorisme
rend nécessaire de répugnantes tueries, des « abattoirs »
nauséabonds et entretient au cœur de l'homme l'instinct de la
destruction sanguinaire. Il s'agit de savoir si nous sommes
constitués pour nous alimenter uniquement de fruits. A côté du
sentiment humanitaire qui doit nous inspirer, interrogeons aussi la
science médicale et l'hygiène alimentaire. Je ne rappellerai que
pour mémoire les célèbres querelles qui ont divisé les
physiologistes, surtout en ce qui concerne l'interprétation de notre
dentition. Les omnivores prétendent que l'homme est constitué pour
manger de tout, sous prétexte que nous avons des dents incisives
(comme les rongeurs), des dents canines (comme les carnassiers), des
dents molaires (comme les frugivores). L'homme serait donc, à la
fois, rongeur, carnivore et frugivore. Les végétariens et les
frugivores objectent à cette argumentation que les canines humaines
sont courtes, comme celles des singes anthropoïdes et n'ont pas la
longueur de celles des véritables carnassiers (les grands singes
sont, on le sait, frugivores). Aux yeux des frugivores, les canines
humaines seraient simplement un instrument de défense dans la lutte
pour la vie, - il en serait de même pour les canines des grands
singes, qui constituent la variété animale la plus rapprochée de
l'espèce humaine. Cette explication paraît vraisemblable, surtout
lorsqu'on la rapproche de l'étude de notre intestin, dont la
longueur (trop grande) rend si pernicieuse pour nous l'ingestion de
la chair animale. Une autre controverse a fait couler beaucoup
d'encre : celle de la valeur des aliments en albumine et en azote. On
croit de moins en moins, pourtant, à la nécessité d'absorber de
grandes quantités d'aliments très « nourrissants », car on s'est
aperçu que l'homme n'avait besoin, pour vivre, que de très faibles
rations. Certains jeûneurs ont pu résister pendant plusieurs
semaines, sans absorber aucun aliment. On peut vivre et se bien
porter en mangeant très peu. Les gros mangeurs deviennent
invariablement malades et ils meurent jeunes. Les personnes qui
arrivent à un âge avancé, les centenaires, sont presque toujours
très sobres et s'abstiennent de viande, de tabac et d'alcool. On
groupe ordinairement les fruits en trois catégories : 1° les fruits
à pulpe, qui contiennent une grosse quantité d'eau et de faibles
quantités de sucre. Ce sont les cerises, les raisins, les poires,
les pommes, etc., etc... Cette variété est extrêmement riche et
fournit à nos palais, pendant toute la belle saison, une gamme
inépuisable de saveurs agréables et de parfums délicats. Ces
fruits, riches en eau, sont très diurétiques et très laxatifs. Ils
sont donc recommandables pour tout le monde et à plus forte raison
pour les malades, les fiévreux, les convalescents, auxquels ils
seront particulièrement bienfaisants en raison de leur digestibilité
; 2° les fruits farineux, dont le type est la châtaigne. La valeur
nutritive de la châtaigne (et du marron) est bien connue. Tous les
intestins ne la tolèrent pas d'une façon parfaite ; en ce cas, il
est tout indiqué de la consommer sous forme de purées ou de
farines. Des populations entières (celles du Limousin, de
l'Auvergne, de la Corse, par exemple) ont longtemps trouvé dans la
châtaigne leur principale alimentation. Malheureusement notre
capitalisme imbécile et inconscient détruit chaque jour les
superbes châtaigneraies, car... on extrait du bois de châtaignier
un produit utilisé dans l'industrie de la chaussure. Nous regrettons
ces hécatombes, car les châtaigniers assuraient au paysan - sans
travail à fournir - une farine de premier choix, plus nutritive que
les meilleures viandes ; 3° les fruits oléagineux, ainsi nommés
parce qu'ils sont riches en corps gras. Ce sont les plus nourrissants
de tous les fruits : noix, noisettes, amandes, olives. Il est prudent
de les mastiquer suffisamment, afin de faciliter le travail stomacal.
(Inutile d'ajouter que tous les fruits doivent être soigneusement
lavés, et si possible essuyés, afin de les purifier des
innombrables poussières et impuretés dont ils sont recouverts,
surtout... lorsqu'ils ont passé entre les mains de nos ineffables
commerçants). De ce qui précède, on pourrait conclure qu'il est
possible de se nourrir uniquement avec des fruits, en ayant soin
d'associer les fruits farineux et oléagineux, qui sont nutritifs,
aux fruits aqueux, qui ne le sont presque pas. En théorie, la chose
est certainement possible. Mais j'aperçois deux écueils dans la
pratique : 1° D'abord, une telle alimentation serait insuffisamment
variée. On ne peut pas se nourrir d'un bout de l'année à l'autre
avec des noix et des marrons, La satiété viendrait vite. Nous
sommes plus gourmands que les animaux, qui mangent la même herbe
pendant leur vie entière (ou qui, du moins, varient très peu leurs
sensations gustatives). On peut le regretter, mais il est possible
que cette recherche du plaisir dans la variété des mets soit un
stimulant digestif et un facteur de santé lorsqu'il reste, bien
entendu, dans les limites rationnellement fixées par la physiologie
; 2° Ensuite... il faut bien avouer que les fruits sont très chers,
horriblement chers. Pour se sustenter avec des bananes, des pommes,
des oranges, du raisin, il faudrait être riche, très riche, surtout
en hiver. Je crois donc, personnellement, que la sagesse nous
conseille de ne pas rejeter les légumes (qui sont excellents, soit
crus, soit cuits), ni même certains produits d'origine animale, tels
que le beurre, le lait, les fromages, le miel. Associés aux fruits
et consommés en quantités raisonnables, ils ne peuvent que nous
être très utiles. On se passera alors de viande sans la moindre
difficulté, au contraire, puisqu'on évitera de s'empoisonner et de
s'intoxiquer avec le plus malsain des aliments. J'estime,
contrairement à certains fruitariens, que la consommation du pain
est toute indiquée avec les fruits. Le pain (rassis, ou, mieux
encore, grillé) complète très heureusement la valeur alimentaire
des fruits. Pour obtenir au maximum les résultats bienfaisants que
peut nous procurer l'ingestion de ceux-ci, il ne faut pas oublier
qu'il est préférable de les consommer au début du repas. On les
digère alors beaucoup mieux et l'on profite intégralement de leurs
propriétés dépuratives. Il y aurait encore beaucoup à dire sur la
question. Je renvoie aux livres de Rancoule, de Maurice Phusis, du Dr
Carton, du Dr Durville, qui se sont occupés de la question
sérieusement, ainsi qu'aux publications de nos amis du Foyer
Végétalien (40, rue Mathis, Paris). Il y a là les éléments d'une
philosophie rationnelle de l'alimentation. Assurément, ni le
frugivorisme, ni le crudivorisme (alimentation constituée,
intégralement ou en grande partie, de fruits ou de légumes crus) ne
suffiront à modifier le monde actuel. Ce ne sont pas des panacées
(il n'y en a pas, au surplus). Mais ces mouvements ont leur place, et
leur grande raison d'être, dans le grand courant d'idées et
d'efforts libérateurs qui vise à créer une société moins brutale
et moins servile, au sein de laquelle l'homme saura vivre sainement,
sobrement et consciemment.
- André
LORULOT
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