dimanche 9 juin 2019

Journal de la Commune


COMITE CENTRAL D’ARTILLERIE DE LA SEINE

RAPPORT À LA COMMUNE DE PARIS

10 germinal an 79.

Citoyens,

Dans la grande Révolution qui vient de s’accomplir, l’artillerie a joué un rôle que vous n’avez pas méconnu, quoique bien imparfaitement organisée encore. Elle a encore une bien belle mission à remplir, celle de sauvegarder l’œuvre de la Révolution.
Créé dans ce but et bien pénétré de l’importance de cette mission, le Comité central d’artillerie, sans ressources aucune, grâce à son énergie et à ses aptitudes diverses, est arrivé à des résultats qui, vu le point de départ, sont immenses.
Par suite de la honteuse capitulation de Paris, de l’ineptie et de la trahison de l’Assemblée nationale, complétant l’infâme marché passé avec la Prusse, l’artillerie auxiliaire a été licenciée. Par suite encore de la défection à la cause démocratique par les chefs supérieurs de l’ancienne légion de l’artillerie de la garde nationale, celle-ci est tombée dans une impuissance absolue et un désarroi complet.
Mais le peuple, toujours vigilant et jaloux de la souveraineté qu’il a su conquérir, a vu qu’il y avait là un danger auquel il fallait échapper rapidement.
Aussi pendant que la garde nationale serrait ses rangs et donnait naissance au Comité central, les artilleurs de toutes les batteries auxiliaires et de la garde nationale se sont mis sous le même drapeau, et ont nommé leurs délégués chargés d’organiser l’artillerie de la Seine.
Ces délégués forment le Comité central d’artillerie. Les travaux de ce comité sont multiples et se divisent en quatre sections générales :
Première section. — Organisation et fusion des deux corps d’artillerie, formation par légion d’arrondissement et par batterie
Deuxième section. — Recherche du matériel, canons, obusiers, mitrailleuses, munitions de guerre de toute espèce, groupement et classement de ces divers engins.
Troisième section. — Organisation des ateliers de confection de munitions d’artillerie.
Quatrième section. — Réparation et étude des plans de défense extérieure, de concert avec la commission militaire de la Commune.

TRAVAUX DE LA PREMIÈRE SECTION.

L’organisation par légion d’arrondissement est presque achevée. Quatorze arrondissements ont terminé leur contrôle et formé leurs cadres ; les autres sont en voie de formation et seront au complet le 1er avril.
Le contingent des adhérents s’élève aujourd’hui au chiffre de 3 500 hommes.
La fusion de l’artillerie auxiliaire avec les adhérents au Comité central sortant de l’artillerie de la garde nationale est un fait accompli.
Pour amener cette fusion à bonne fin, il a fallu épurer les deux corps et ne conserver que les éléments républicains.
Pour l’artillerie auxiliaire, la chose était facile ; dissoute et licenciée, il n’y a eu qu’à choisir les hommes et les renvoyer chacun dans son arrondissement respectif. L’artillerie de la garde nationale, dite légion Schœlcher, n’est pas dans le même cas.
Faisant partie de la garde nationale, elle est restée armée. Composée d’hommes d’arrondissements divers, il a fallu, après les avoir passés au crible, incorporer chacun des adhérents au Comité central dans son arrondissement.
Mais néanmoins la légion existe encore, et les éléments mauvais et dangereux y sont restés. Aussi le Comité central de l’artillerie de la Seine, considérant :
Qu’il est seul organisé suivant l’esprit de la fédération de la garde nationale ;
Qu’il est seul reconnu par le Comité central ;
Que la légion Schœlcher entrave ses travaux et donne un appui à la réaction ;
Vu les armes, les munitions et les finances dont elle dispose encore,
Demande : Un décret de dissolution de la légion Schœlcher, avec ordre de remettre au Comité central d’artillerie armes, munitions et finances.


DEUXIÈME SECTION.

Pour la recherche et le classement du matériel, pièces et munitions, une commission d’armement a été nommée.
Cette commission fait une enquête sévère sur les pièces, les munitions et les poudres réparties dans les parcs et poudrières des divers arrondissements, dans les ateliers civils de construction et dans les casernes.
Elle a requis et rassemblé une quantité considérable de poudres et de projectiles, approvisionné les pièces de l’Hôtel-de-Ville, où le jour de l’installation du comité d’artillerie il n’y avait pas de quoi tirer un seul coup de canon.
Elle a armé à nouveau un grand nombre d’artilleurs auxiliaires avec des armes requises au fort de Vincennes. Ces hommes, avec les adhérents de la légion Schœlcher, ont fait et continuent à faire un service régulier à l’Hôtel-de-Ville et aux différents parcs au pouvoir du Comité, et à l’arsenal.
Le Comité central d’artillerie de la Seine,
Considérant :
Qu’il est urgent d’armer et d’équiper tous les artilleurs incorporés,
Demande :
Un décret qui ordonne à tout détenteur et fabricants d’armes, de munitions, de matériel et d’effets d’équipement pour l’artillerie, de les mettre à la disposition du Comité central.

TROISIÈME SECTION.

Une commission de fabrication, composée d’un ingénieur, d’un artificier chef et d’un ouvrier d’arsenal, a commencé l’inspection des divers ateliers et fabriques de munitions.
Cette commission a commencé son travail par Montrouge ; le Comité attend son rapport.
Le Comité central d’artillerie,
Considérant :
Qu’il ne peut se séparer des ateliers de fabrication de ses munitions, et qu’il doit en avoir direction.
Demande :
Un décret de mise en possession et direction de ces divers ateliers.

QUATRIÈME SECTION.

En prévision des événements qui auraient pu arriver et vu l’urgence, le Comité central
d’artillerie a fait une inspection des forts et fortifications de la rive gauche pour pouvoir au besoin parer à une attaque de ce côté ;
Il connaît l’état des lieux du plateau de Châtillon, des forts environnants, et, d’un autre côté, il a visité les bastions 21, 22, 23et 24 du côté du nord ; il demande à la commission militaire de la Commune de s’entendre avec elle au sujet de l’armement de ces divers points.
Le Comité central d’artillerie,
Considérant :
Pour continuer et étendre des moyens de défense,
Demande :
D’être mis en possession des archives de l’ex-état-major de l’artillerie de l’armée, et de celles de l’état-major de la légion Schœlcher.
Citoyens membres de la Commune,
Le Comité central d’artillerie de la garde nationale de la Seine, qui a pris l’initiative de ces travaux alors que tout était désorganisé, veut continuer son œuvre.
Confiant en votre patriotisme, il espère que son rapport sera accueilli favorablement, qu’il sera son rapport sera accueilli favorablement, qu’il sera fait droit à ses justes demandes, et par suite à la conséquence du Comité central d’artillerie de la garde nationale de la Seine, par un décret.

Vive la Commune de Paris !
Vive la république démocratique et sociale !

Approuvé : La Commission exécutive ; E. VAILLANT, G. TRIDON, FÉLIX PYAT.
N.-B. — Le comité central d’artillerie fait remarquer que ce rapport a été présenté à la Commune le 31 mars 1871, par le citoyen Cluseret, et que par suite de l’approbation de la commission exécutive de la Commune, les demandes contenues dans ce rapport ont force de décret.

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