vendredi 2 septembre 2022

Je ne vais parler qu’à celui qui est déjà parti Par M.A.


 

Discussion imaginaire avec M.               Partie I

 

M., cette discussion, nous ne l’aurons jamais…Elle est née morte dans mon rêve de la tenir…Tu as disparu parce que je t’ai fait disparaitre, j’ai créé la disparition de ma curiosité…

Je voulais te dire, j’aurai voulu te dire, j’aurais souhaité avoir le courage te l’impudeur de te dire : je t’ai connu et je vais être obligé d’arrêter d’écrire. J’en suis obligé car j’ai atteint la fin d’une ligne droite.

Elle a été rapide, directe, intransigeante, éprouvante, exigeante…mais tellement joyeuse.

Elle a été joyeusement captivante, désolante, irritante mais je ne pourrais plus jamais écrire sans penser que tu l’as déjà dit, écrit et tellement mieux.

Je ne vais plus écrire non parce que je n’aime plus écrire, non, au contraire, je ne vais plus écrire puisque tu as écrit mieux ce que j’aurais pu écrire si j’avais eu ton talent.

Je ne vais plus écrire, justement parce que je ne lirais plus ce que j’aurais pu écrire si j’avais eu un jour une parcelle de ta clairvoyance.

Je vais arrêter d’écrire pour arrêter de ne plus lire ce que je cherche mais lire ce que je vais découvrir.

Cette discussion, nous ne l’aurons pas, car tu es déjà parti…

Parti, par ma faute, parti, en tentant de te retourner, honnêtement, peut-être, sincèrement, sans doute, mais parti.

Tu m’es parti car je n’ai pas su te dire de ne pas partir.

Et pour te paraphraser : « Je ne vais plus écrire, non parce que je t’ai rencontré, mais parce que je n’ai plus à écrire que je t’ai rencontré ». 

M.A. 21/08/22



Discussion imaginaire avec M.    Partie II

 

M., tu dis, je le dis aussi parfois,  dans ton dernier roman de pensées, lorsque je ne vais pas bien, que la révolution, quelle qu’elle soit, est toujours trahie. Comme une conséquence évidente de son destin, la trahison est le destin de toute révolution. Mais je peux dire aussi, tu ne le dis pas, ou pas vraiment, ou peut-être le penses-tu sans le dire, sans l’écrire, seules les révolutions messianiques sont amenées à être victorieuses.

Pour le malheur de ceux qui n’en veulent pas de celles-là, pour ceux, à long terme, qui n’en veulent plus après les avoir amenées à gouverner.

Alors, peut-on encore en vouloir une ?  Cela reste un rêve que l’on peut avoir. Comme quelque chose qui peut nous aider à tenir, une sorte de béquille. Qui peut encore rêver d’une révolution alors qu’ils en craignent la trahison, qu’ils savent assurément que de toute façon la trahison en sera la conclusion ? Tu dis également, je le pense et je peux l’écrire dorénavant, « la politique est une malédiction et n’est que malédiction ». Je ne le pense pas parce que tu le penses, que tu l’écris ; je le pense également parce que je ne l’ai pas encore écrit mais que je le pense depuis bien longtemps.

M., tu dis que l’on ne peut être que déçu de la révolution car elle n’est jamais ce qu’on espère. Mais toute une population peut-elle vouloir la même révolution, sans croire au messianisme, sans ne plus croire au messianisme religieux ? Peut-on plus croire au messie de la politique qui est une malédiction ? Le messie de la malédiction, peut-il être le guide d’un peuple qui ne rêve plus que du malheur de peur de prendre en main son potentiel bonheur ?

M., tu dis, tu ne le dis jamais assez fort pour que quelqu’un puisse le croire, tu dis que tu fuis la politique, que la politique c’est fini pour toi. Pour ne pas le dire suffisamment fort, elle est dans ton métier, elle traverse tes écrits que tu ne veux plus écrire parce que tu dis ne plus croire en la politique, elle est dans tes relations, celles-là même que tu fuis sans les fuir puisqu’ils sont invités à écrire dans ta collection.

M., cette conversation ne pourra jamais existée, pour n’être que virtuelle. Je suis mon Dargerman, je suis mon M ;, je suis celui qui lis et que tu écris ; tu es celui qui écrit pour celui qui lis mais qui n’écrira plus.

 

M.A.  22/08/22


 

Discussion imaginaire avec M. partie III



Cher M.,



Tu me l’as écrit personnellement, et je le lis dans ton roman à penser.
A penser l’avenir ? A penser que la police est partout, même dans des relations qui sont nées, mortes, nées/mortes, sans conséquences, me laisser pantois de bêtise, seule avec ma bêtise.

« J’avais noté ceci à ton attention : le nom n’a rien d’intime puisque sa fonction est sociale. Mais le vérifier relève en principe de la police. »

Tu es tous ceux qui ont fui quelque chose ou quelqu’un.

Peut-être t’ai-je posé cette question parce que moi aussi je fuis ? Je fuis quoi ? Mais moi…Je me fuis depuis que je sais que je ne suis pas celui que je devrais être…Je suis devenu celui que les autres ont fait de moi, ont pensé que je devais être…

M., tu sais, tu le sais toi, que jamais tu n’arriveras à te fuir indéfiniment…Mais tu le sais…C’est pour ça que tu ne peux plus t’arrêter, te poser, et tu regardes tous ces chemins que tu as parcouru…sans te poser…avec la crainte de te poser…de poser tout ça…de te dire : « C’est bon, c’est fini…Je ne peux plus aller plus loin »

Et qu’est-ce qu’il adviendra ce jour-là ? M., feras-tu l’irrémédiable, l’as-tu déjà fait ? L’as-tu déjà préparé ? Tu n’as pas encore donné la date mais ce chemin, c’est celui que connaissent tous ceux qui fuient..

C’est pour cela M. que tu aimes l’horizon de la mer à F., parce qu’un horizon, on ne peut jamais l’atteindre. Alors, on peut le regarder, le scruter et se rassurer car, pour le rejoindre, on sait que la route est longue, inatteignable, comme le but de la fuite..

M., un nom, une histoire, celle de EUX, celle que l’on t’a obligé à porter, alors que c'est mort qu'il te "voulait".

Mais M., cher M., ta dernière fuite sera peut-être ton dernier choix...le plus dur…Le plus terrifiant…

Tu ne pourras jamais fuir ceux qui t’aiment, jamais.


M.A. 23/08/22


Discussion imaginaire avec M. partie IV



M. comme il est curieux, je me dis, que tu veilles à tel point disparaitre que tu ne veuilles que connaitre la vie de ceux qui t’interroge.

Qui interrogent ta fuite, nos fuites, et nous les aimons mystère, curiosité non révélée, accrue, ardente, frénésie…

M., ton nom comme une trace indélébile de ton passé. Tu connais les anecdotes des uns et des autres, tu es l’inspecteur de leurs morts, le biographe de leur disparition, tu l’exposes, tu expliques que toi tu ne veux pas que l’on connaisse, que tu refuses que l’on cherche.

M., tu portes fascination à la disparition brutale, comme celle que tu n’as pas faite, que tu n’as pas brutalement infligée, à toi, à ceux qui t’aiment, à ceux qui se posent question.

Tu as choisi la disparition lente de la fuite.

Tu dois l’entendre, je te l’écris, je te le dis, ta disparition est violence pour ceux qui t’aime, que tu n’aimes pas, pas forcément, pas forcément puisque pas de volonté d’attache, ou que tu t'efforces de ne pas aimer.

Tu fuis les attaches, toutes, les familiales, les amicales, celles que tu as choisi, à un moment, qui, aujourd’hui t’encombrent.

M., ta fuite est la vision, la trace, l’absence de ton égotisme. Et, de fait, M. , je te le dis, je te l’écris plus que je ne te le dis, puisque tu as fui ma question de par ma faute, tu m’as fui par mon propre choix de ne plus te voir, de te croiser, tu nous exposes à ce que tu détestes qui n’est pas toi, proche ou lointain.

Autre paradoxe M., pourquoi m’as-tu approché, parlé, jusqu’à la sympathie apparente, réelle ou feinte ? Toi qui fuis toute relation, toute relation amicale, et surtout familiale ?

Tu voulais te prouver (m’infliger) que tu étais encore en capacité de fuir de nouveau…Tu l’as dit, écrit, tu me l’as dit, tu me l’as écrit…

M., j’ai été, vis-à-vis de toi, le Dagerman de M., comme Dagerman réel ou double fut celui de Nietzsche. Tu es Nietzsche et je suis ta Lou ?

Quelle est donc cette construction de l’approche qui n’en était pas une, pas une réelle, une feinte, une approche esquive ?

Je te l’ai écrit, faute de te le dire, je ne connais ni légèreté, ni paix.

Je suis moi qui ait rencontré M., aimé M. et qui, déjà, depuis même le début, même peut-être avant que je te connaisse (reconnaisse ?) regrette M., la disparition de M., le regret peut-être même de t’attendre sans que tu viennes, sans que tu viennes, vraiment. Ou, que tu viennes mais que tu ne me reconnaisses pas, comme un qui aurait pu, qui aurait dû…

Peut-être celui qui aurait pu te faire douter, te faire remettre en cause la fuite, les fuites, toutes les fuites.

M., permets-moi d’avoir cette immodestie puisque nous ne l’avons jamais évoqué, nous ne l’avons jamais espéré, nous n’en avons peut-être jamais eu l’idée.

Je suis celui aussi qui fuit, qui ne veut s’attacher, qui ne s’attache pas, mais à quel prix ?

M.A. 24/08/22

Discussion imaginaire avec M. partie V

M., tu n’es que ce que tu écris ? Tu n’existes que parce que tu penses ? Par ce que tu penses ? Une pensée plus haute que la vie, plus haute que l’existence.
Mais M., tu existes déjà par tes fuites constantes, tu existes par tes absences auprès de ceux que tu as fuis, ceux qui, peut-être, espèrent un retour, et même ceux qui ne l’espèrent plus mais le souhaitent. Tu existes par ceux que tu vas bientôt fuir de nouveau, ceux qui désespèrent de t’aimer sans retour, ou alors, faussement, ou alors, ceux que tu aimes mais que tu vas fuir quand même car ton existence est la fuite. Tu l’écris, tu le dis, tu fuis, tu fuis, en désespoir de cause. Tu ne te fuiras jamais assez.
Il fut un temps où je ne pouvais plus te parler. Le monde dans lequel tu t’es enfermé pendant ces quelques pages m’asphyxiait. Je ne pouvais articuler une pensée et j’ai même eu le culot de penser que tu te trompais. Il ne pouvait pas être question dans un monde que j’avais désormais décidé de quitter, de fuir, pour le coup, de fuir définitivement pour justement penser te rejoindre mais hélas, te rejoindre, aller vers toi, semble me ramener vers mes démons. M., puis la fenêtre, l’ouverture, la lumière, il y a l’amour, toi qui ne croit plus en rien, qui semble ne plus croire en rien, dis-tu, écris-tu, mais toi qui aime l’amour, qui veut croire en l’amour, qui croit en l’amour mais, écris-tu, pas l’amour vulgaire, non, seulement celui qui rejoint l’universel. M. je pense que tu l’as trouvé, tu sais que tu l’as trouvé, ne l’écris tu pas comme pour conjurer un sort, l’écrire serait le perdre, pour le moins le montrer, le dévoiler, pour le mettre en péril, en lumière qui se ferait agressé. Tout cela se cache, se tait, tu l’écris pour un autre, celui que tu caches être, celui qui est ton double, celui à qui tu dis « tu »…Sans doute le dernier recours après la révolution, après la politique, ces désillusions, dis-tu, écris-tu, jusqu’à dire, sans hésiter, des malédictions, de réelles malédictions, que ce ne sont que ça…au nom de ceux qui en sont morts, ou mortellement affectés en ont-ils fait leurs raisons de suicides ? Ceux que tu as suivis, pas à pas, dans leur déliquescence, jusqu’à disparaitre de leurs vivants dans leurs morts, dans leurs inexistences de morts, ceux que l’on ne découvre que tard, par hasard, ou par erreur, de celles que l’on doit élucider…Cette limite en lame de rasoir que tu sembles enjamber comme pour une marelle endiablée jusqu’au soleil ? Ton soleil vers lequel tu sembles revenir à chaque fois, comme pour te ramener vers la vie, vers la lumière…celle qui te permet d’en apercevoir encore en toi.
M., je t’ai aperçu aujourd’hui, je le devais, c’était écrit, quelque part entre nous, un pacte silencieux et secret et j’ai souri, cet après-midi je souriais en te voyant, vivant, heureux parce que deux, heureux parce deux sans eux, ces ombres, ces nuages, ces obscurités jamais assez lointaines…
M.A. 02/09/22

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