vendredi 2 septembre 2022

Journal Par Franz Kafka

 "Hier soir, j'avais déjà un pressentiment en retirant ma couverture de mon lit, je me suis couché et j'ai de nouveau pris conscience de toutes mes capacités comme si je les avais tenues dans une seule main; elles me contractaient la poitrine, m'enflammaient la tête; afin de me consoler de ce que je ne me levais pas pour travailler, je répétai pendant un bon moment: " cela ne peut pas être bon, cela ne peut pas être bon", et, avec une préméditation presque visible, j'essayai de rabattre le sommeil par-dessus ma tête. Je pensais sans cesse à une casquette sans visière que j'aurais baissée d'une main puissante sur mon front pour le protéger. Que de choses ai-je perdues hier, comme le sang se pressait dans ma tête étroite, dans ma tête capable de tout et retenue uniquement par des forces qui, indispensables à ma simple existence, se gaspillent à la retenir".

"Il est certain que tout ce que j'ai conçu à l'avance, et même quand je suis dans une bonne disposition d'esprit, que je l'ai inventé mot pour mot ou même accidentellement mais dans un langage expressément formé, apparait sec, faux, figé, embarrassant pour tout mon entourage, et surtout, plein de lacunes, dès que je me mets à ma table pour essayer de le transcrire et bien que rien de la conception originale n'ait été oublié. Cela tient naturellement en grande partie à ce que je ne créé quelque chose de valable que dans les moments d'exaltation où je suis délivré du papier, moments que je crains plus que je ne les désire, si fort que je les désire aussi d'autre part; mais alors, l'abondance est si grande que je suis obligé d'y renoncer et je puise aveuglement dans le courant, prenant à pleines mains ce qui se présente au hasard, de sorte que lorsque je veux la mettre tranquillement par écrit, mon acquisition n'est rien en comparaison de l'abondance dans laquelle elle vivait; incapable de recréer cette abondance, elle est mauvaise et gênante, puisqu'elle me séduit en vain".

"Cet après-midi, avant de m'endormir - mais je n'ai pas dormi du tout - , j'ai eu le buste d'une femme de cire couché sur moi. Son visage était rejeté en arrière au-dessus du mien, son avant-bras gauche me comprimait la poitrine".

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