Discussion imaginaire avec M. Partie VIII
Tu sais M., cet après-midi, j’ai pleuré.
J’ai pleuré en passant devant le rideau
fermé.
Définitivement fermé ? En tout cas
pour moi, il l’est. De par ma seule volonté, de par ma seule erreur. De cette insurmontable
erreur que j’endosse comme un costume trop serré qui m’étouffe, qui bloque mes
mouvements, mes déplacements ; qui laissent des empreintes sur mes
pensées, mes errances littéraires, poétiques ou insomniaques.
M., tu es parti, sans me laisser l’espoir
de te revoir. Je pense que je ne te reverrais même plus.
Ne plus t’apercevoir marchant à côté de
celle qui te côtoie, qui ne te pose plus de questions, (T’en a –t-elle déjà
posé ?), de ne pas te connaitre, de ne pas chercher à te connaitre pour
être encore à tes côtés, pour prévenir une fuite, la dernière avec elle, donc
elle marche, en silence, non dans la confidence, elle t’aime donc elle n’ose
plus te connaitre, ne te questionne pas, elle, elle aime dans l’ignorance comme
tout être qui aime vraiment sincèrement.
Ne t’ai-je pas aimé ?
Non, je t’ai admiré, comme un fan, comme
un groupie qui voulait faire croire à de l’intimité. Mais non M., ce rideau, ne
s’ouvre pas, même ouvert.
Alors, simplement, sans m’y attendre,
sans que l’instant soit issue d’une réflexion ou d’un chemin de réflexions dont
la destination était cette pensée ; non, elle s’est imposée, une évidence,
une fulgurance : et que vais-je devenir de ne plus te voir ? Que
vais-je devenir de ne plus t’apercevoir dans cette petite ville F., devenue
selon tes dires : « qui change trop et devient de plus en plus
une sorte de parc d’attractions pour une population de touristes infantilisés ».
Et puis, l’instant d’après, lors d’un moment
de paix et de silence, j’ai repris la lecture d’un de tes ouvrages qui ne parle
que de disparition, mais pas forcément la mort, la disparition dans sa
globalité : œuvre, histoire, nom et physique. La mort assez. On ne meurt jamais assez.
J’ai
aussi cette envie que rien ne subsiste de moi, rien.
Mais,
doit-on l’imposer à une famille que l’on s’est construite ? Doit-on ?
Si cette famille l’accepte, peut-être. Mais encore faut-il avoir la vraie
conscience d’un être qui disparait totalement, ce qu’il laisse comme empreinte
de sa plus d’existence. Je vis,
personnellement, depuis ma naissance, presque, avec un être qui a disparu, avec la construction matérielle
de sa disparition : dans le langage, dans les preuves de son existence. De
ne pas vouloir imposer les questions de la non existence, je m’en suis imposé
un traumatisme, celui que je n’ai pas voulu imposer à ceux qui ont vécu cette
disparition.
Pour
conclure M., cet échange, que j’écris, car, de le dire, je n’en aurais pas le
courage, ou le temps de trouver le courage de te le lire, de te l’imposer comme
aujourd’hui, tu t’es imposé à moi, comme une partie de ma vie. De mon esprit.
M. , tu n’aurais
jamais eu à parler de toi, puisque, de toi, je ressens ce que je veux de toi,
et surement pas la vérité
M.A. 13/09/22
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