I
"S'il sortait, c'était pour disparaitre. Tu ne savais rien de ce qu'il faisait ailleurs. En somme, c'est comme s'il avait pu n'être nulle part: il était tu ne savais pas où, pour faire tu ne savais pas quoi. Il n'en a jamais rien dit, elle non plus. Travailler, se réunir, baiser? Peut-être, mais il n'y avait rien là-dedans que tu pusses imaginer ( même pour l'en accuser). A la vérité, il suffisait, pour qu'elle fut contente, qu'il ne fut pas là. Et tu as du penser comme elle, d'abord, et c'est souvent en effet qu'il sortait, même le soir, ce n'était pas pour qu'il fut où que ce soit, c'était pour qu'il ne fut pas là. C'est ce qu'elle pensait au fond: le mieux était qu'il sortit, qu'importait pourquoi. Tout le temps qu'il était sorti, on pouvait se laisser aller à l'idée qu'il n'existait pas. Elle n'a jamais caché qu'elle aurait mieux aimé qu'il fut mort. Que mort, elle l'aurait peut-être aimé. Mais vivant, il n'y a rien comme lui qu'elle détestât plus et dont elle désirât davantage se débarrasser - du moins, c'est ce que tu imagines. S'il sortait, et le plus souvent il sortait en effet, le soir, c'était pour qu'elle restât. Tu en es sûr aujourd'hui: il n'est jamais sorti pour qu'on l'aimât absent, et parce qu'il aurait été loin, mais pour qu'on la détestât présente. Pour qu'on la détestât une fois pour toutes ( plus qu'on le détestait lui). Or il est arrivé ceci qu'il n'avait pas prévu sans doute: tu as détesté pareillement qu'il fut absent et qu'elle fut présente. Comme tu n'aurais pas moins détesté le contraire. Parce qu'absent il ne devenait rien de plus que ce qu'il était, quand il était présent; parce que présente, elle n'était capable de rien de plus que si elle avait été absente. Ils n'avaient l'un et l'autre aucun charme".
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