III
C'est lui que tu as haï le premier parce que c'est lui qui était haïssable, le plus; parce qu'il n'a presque jamais rien fait pour ne pas l'être; à la fin, parce qu'à très peu près tout le monde le haïssait, en effet.
Elle? Elle profita de la haine qu'il suscitait avec assez de calcul pour qu'on ne la hait pas d'emblée. De fait, tu ne l'as haie qu'après lui, mais alors avec une véhémence d'autant plus grande que tu t'étais plus longtemps mépris. Qu'elle t'avait plus longtemps trompé. Tu peux bien le dire ainsi maintenant ( tu as leur âge): c'est la seule femme qui t'ait jamais trompé. Tu peux le dire autrement encore: d'autres eussent-elles tenté, aucune ne l'eut fait avec autant d'art qu'elle. On n'est jamais sûr d'être aimé. Il n'empêche: aucune ne t'a autant qu'elle fait croire que tu l'étais, et d'elle, et aucune, si peu qu'elle t'aimât, ne t'a moins aimé qu'elle."
"D'ailleurs, tu ne l'as jamais évoqué, enfant, sauf pour prétendre tantôt que tu n'avais pas de père, tantôt que tu en avais un autre. Tu t'es d'abord prêté un autre père avant de ne plus t'en prêter aucun. Tu t'en es prêté un autre tout le temps que tu as eu honte d'avoir celui-là; tu ne t'es plus prêté aucun père sitôt que tu as ressenti comme une honte le besoin d'avoir quelque père que ce fût".
"Tu haïras à l'avenir tout ce qui ressemblerait même de loin à un père et à un maitre. Tu le haïras au point de ne pouvoir être toi-même le père ni le maitre de rien. Il est arrivé que tu tombes bas, tu n'es cependant jamais tombé si bas que le désir de devenir comme eux te soit venu".
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