Au-dessous de la zone
consciente, dont la lumière centrale s'atténue par degrés, le moi comporte une
large région souterraine où ne pénètre aucune clarté. Refoulés par nos
contraintes éducatives et nos habitudes sociales, tendances supposées, mortes,
idées que l'on croyait évanouies, tout un monde d'appétences, de souvenirs,
d'instincts infâmes ou grossiers, vivent là dans les profondeurs sombres de
l'inconscient. Inspirateurs cachés souvent, ces éléments remontent à la surface
quand s'atténue le contrôle de la raison ; ainsi dans le rêve qui démontre aux
plus dignes que la brute ancestrale s'agite toujours en eux. Policé au dehors,
notre moi reste, au fond, lubrique, obscène, cruel ; son apparente
philanthropie masque, en général, un égoïsme forcené. Les psychanalystes
l'assurent et nous en serions convaincus, si notre attention n'esquivait le
côté désagréable pour s'en tenir à l'aspect séduisant. Juge hargneux lorsqu'il
s'agit des autres, nous devenons, quand nous sommes en cause, l'avocat qui
plaide non-coupable éternellement. Et l'exception n'est qu'apparente dans
l'amour qui conduit à des sacrifices allant jusqu'à la mort. Entre l'amant et
l'amante une identification s'est faite, souffrances et joies sont devenues
communes, un seul moi vit en deux personnes, une seule âme dispose de deux
corps. L'amitié c'est encore un élargissement de l'individu ; chez le sage, il s'étend
au genre humain tout entier, parfois à l'universalité des vivants. On admire ces
coeurs fraternels, on les suit peu, soupçonnant qu'ils ont raison sans en être
très certains.
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