dimanche 21 août 2022

Moi encyclopedie anarchiste par Sébastien Faure

 

Au-dessous de la zone consciente, dont la lumière centrale s'atténue par degrés, le moi comporte une large région souterraine où ne pénètre aucune clarté. Refoulés par nos contraintes éducatives et nos habitudes sociales, tendances supposées, mortes, idées que l'on croyait évanouies, tout un monde d'appétences, de souvenirs, d'instincts infâmes ou grossiers, vivent là dans les profondeurs sombres de l'inconscient. Inspirateurs cachés souvent, ces éléments remontent à la surface quand s'atténue le contrôle de la raison ; ainsi dans le rêve qui démontre aux plus dignes que la brute ancestrale s'agite toujours en eux. Policé au dehors, notre moi reste, au fond, lubrique, obscène, cruel ; son apparente philanthropie masque, en général, un égoïsme forcené. Les psychanalystes l'assurent et nous en serions convaincus, si notre attention n'esquivait le côté désagréable pour s'en tenir à l'aspect séduisant. Juge hargneux lorsqu'il s'agit des autres, nous devenons, quand nous sommes en cause, l'avocat qui plaide non-coupable éternellement. Et l'exception n'est qu'apparente dans l'amour qui conduit à des sacrifices allant jusqu'à la mort. Entre l'amant et l'amante une identification s'est faite, souffrances et joies sont devenues communes, un seul moi vit en deux personnes, une seule âme dispose de deux corps. L'amitié c'est encore un élargissement de l'individu ; chez le sage, il s'étend au genre humain tout entier, parfois à l'universalité des vivants. On admire ces coeurs fraternels, on les suit peu, soupçonnant qu'ils ont raison sans en être très certains.

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