"La pratique le démontre en toute évidence: des que les classes dirigeantes seraient persuadées que nos parlementaires ne sont pas appuyés par de larges masses populaires, prêtes à l action s il le faut, que les têtes révolutionnaires et les langues révolutionnaires ne sont pas capables pu jugent inopportun de faire agir, le cas échéant, les poings révolutionnaires, le parlementarisme même et toute la légalité leur échapperaient tôt ou tard comme base de la lutte politique - preuve positive à l'appui: le sort du suffrage en Saxe; preuve négative: le suffrage au Reichstag. Personne ne doutera que le suffrage universel, si souvent menacé dans le Reich, est maintenu non par égard pour le libéralisme allemand, mais principalement par crainte de la classe ouvrière, par certitude que la social-démocratie prendrait cette chose au sérieux. Et, de même, les plus grands fanatiques de la légalité n'oseraient contester qu'au cas où l'on nous escamoterait malgré tout, un beau jour, le suffrage universel dans le Reich, la classe ouvrière ne pourrait pas compter sur les seules "protestations légales" mais uniquement sur des moyens violents, pour reconquérir tôt ou tard le terrain légal de lutte"
"C'est ainsi qu'on peut reconnaitre combien toute la théorie du légalisme socialiste est fantaisie. Tandis que les classes dirigeantes s'appuient par toute leur action sur la violence, seul, le prolétariat devrait renoncer d'emblée et une fois pour toutes à l'emploi de la violence dabs la lutte contre ces classes. Quelle formidable épée doit-il employer pour renverser la violence au pouvoir? La même légalité par laquelle la violence de la bourgeoisie s'attribue le cachet de la norme sociale et toute puissante."
"La sous-estimation fantaisiste de la réaction croissante et la surestimation tout aussi fantaisiste des conquêtes de la démocratie sont inséparables et se complètent réciproquement de la façon la plus heureuse. Devant les misérables réformes de Millerand et les succès microscopiques du républicanisme, Jaurès exulte, en proclamant pierre angulaire de l'ordre socialiste toute loi sur la réforme de l'instruction dans les collègues, tout projet d'une statistique de chômage. Ce faisant, il nous rappelle son compatriote Tartarin de Tarascon, qui, dans son fameux "jardin enchanté", entre des pots de fleurs et des bananes grosses comme le doigt, des baobabs et des cocotiers, s'imagine qu'il se promène à l'ombre fraiche d'une forêt vierge des tropiques.
Et ces gifles - comme la dernière trahison du libéralisme belge - nos opportunistes les encaissent et déclarent que le socialisme ne pourra être réalisé que par la démocratie de l'état bourgeois.
Ils ne remarquent pas qu'ils ne font que répéter en d'autres termes les vieilles théories suivant lesquelles la légalité et la démocratie bourgeoises sont appelées à réaliser la liberté, l'égalité et la béatitude générales - non pas les théories de la grande révolution française, dont les mots d'ordre ne furent qu'une croyance naïve avant la grande épreuve historique mais les théories des littérateurs et des avocats bavards de 1848, des Odilon Barrot, Lamartine, Garnier-Pagès, qui juraient de réaliser toutes les promesses de la grande révolution par le vulgaire bavardage parlementaire. Il a fallu que ces théories échouent quotidiennement durant un siècle et que la social-démocratie, incarnant l'échec de ces théories, les enterrât si radicalement que même leur souvenir, le souvenir de leurs auteurs et de tout le coloris historique s'évanouisse complètement pour qu'elles puissent aujourd'hui ressusciter et se présenter comme des idées tout à fait nouvelles, susceptibles de conduire aux buts de la social-démocratie. Ce qui est à la base des enseignements opportunistes n'est donc pas comme on se le figure, la théorie de l'évolution mais celle des répétitions périodiques de l'histoire, dont chaque édition est plus ennuyeuse et plus fade que la précédente".
"Si, entrainée par les suggestions des opportunistes, la social démocratie s'avisait vraiment de renoncer d'avance et une fois pour toute à la violence, si elle s'avisait d'engager les masses ouvrières à respecter la légalité bourgeoise, toute sa lutte politique, parlementaire et autre, s'écroulerait piteusement tôt ou tard, pour faire place à la domination sans borne de la violence réactionnaire".
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