Depuis la création des partis, des syndicats ou de toutes autres corporations, il y a dans l'histoire des scissions entre ceux qui restent sur la ligne directrice de la création et ceux qui décident que cette ligne n'est plus la bonne et que l'on doit évoluer avec les situations et les mouvements autour.
Le problème étant toujours le conflit entre les radicaux d'un côté, ceux qui ne veulent aucun compromis et ceux que l'on nomme les réformistes et qui participent aux évolutions. Ils font de la cogestion. Pour ce qui est du syndicalisme, le réformisme a fait que les salariés perdent tous les acquis sociaux depuis des années: le code du travail, la retraite, les salaires et autres.
1: Contrairement à ce que l’équipe d’ACC semble affirmer, le syndicalisme révolutionnaire est toujours d’actualité. Il a toujours vocation à rassembler, à animer des luttes collectives, à donner du sens au syndicalisme en proposant une alternative. Je crois me souvenir qu’autrefois, ACC était franchement antisyndicaliste en ne voyant dans les syndicats qu’une espèce de corps social intermédiaire.
Le syndicalisme révolutionnaire a toujours prôné, face au syndicalisme de cogestion ou au syndicalisme purement protestataire, un syndicalisme de lutte et d’auto-organisation, une alternative aux directions «réformistes » et à leurs pratiques.
§ 2 : L’analyse de l’équipe d’ACC me paraît bien peu fournie. Vous expliquez que ce divorce est néfaste (Quel divorce ne l’est pas ?), qu’il affaiblit tout le monde et que nous serions tous frappés par le «déchaînement de la pulsion de mort ».
En même temps, ACC publie un excellent éditorial sur le Brésil dans lequel on explique qu’il est probable que le « Parti des Travailleurs » de Lula se soumettra au diktat du FMI et finira par imposer les réformes » voulues par le patronat. Si une fraction de ce parti refuse cette « évolution réaliste » et que le parti éclate, ce ne sera pas une pulsion de mort, ce sera le constat que les orientations et les pratiques des uns et des autres sont devenues inconciliables.
§ 3 Qu’est-il arrivé à l’Ecole Emancipée ?
Au moment de l’éclatement de la FEN, des militants (principalement de la tendance C de la LCR mais pas seulement) ont fait l’analyse suivante : d’une part, politiquement, ils ont pensé qu’avec l’écroulement de l’URSS, ce qui nous avait séparé des « staliniens » n’était plus aussi important et qu’un rapprochement politique avec les ruines du PC et la tendance « Unité et Action » était possible. Que d’autre part, une partie de l’orientation de l’EE pouvait être « modulée » au nom du réalisme. Ils ont par exemple approuvé la création des emplois jeunes et affadi les revendications sur la titularisation des précaires. Ils ont « oublié » la rotation des tâches, le non-cumul des mandats, le mandatement des élus. Enfin, ils ont estimé que la position traditionnelle de l’EE (militer dans un syndicat « de masse » en y proposant une alternative à la direction) était devenue obsolète et archaïque, qu’il fallait exercer des responsabilités à tous les niveaux, prendre des décharges syndicales en masse et s’intégrer à l’appareil. En fait, ils ont été « avalés » et aujourd’hui, le bilan de cette stratégie est affligeant. Quand la FSU joue avec le feu en publiant un sondage contre le collège unique, la décision de faire un « sondage » plutôt qu’une grève à la rentrée a été prise par une « direction hétérogène » comprenant les permanents de la liste Ecole Emancipée. Tout est fait pour que les militants en désaccord avec cette collusion quittent le syndicat et une partie des militants de Sud-Education vient de la FSU. On nous a dit que cette « stratégie » allait « peser » sur les directions et infléchir le syndicat. En vérité, elle a accentué la dérive corporatiste, la bureaucratie et le syndicalisme de service en affaiblissant et décrédibilisant l’opposition aux directions. Pendant 10 ans, nous avons avalé toutes les couleuvres.
§ 4 La scission
Nous avions prévenu depuis de nombreuses années que l’entrée de l’EE dans l’exécutif du SNES serait un point de rupture. Comment une tendance révolutionnaire peut-elle cautionner ce type de corporatisme ? Il faut quand même savoir que la décision d’entrer coûte que coûte dans cet exécutif a été prise lors d’une réunion du secteur enseignant de la LCR la veille d’un collège national de l’EE. L’histoire bégaie : dans les années 1920, alors que tous les militants de l’EE étaient favorables à la Révolution Russe, l’EE avait rompu avec le PC sur la question de l’indépendance syndicale et des 21 conditions de Lénine. Je pensais que cette question des rapports entre partis et mouvement social ou le vieux clivage Ligue/non-Ligue n’étaient pas fondamentaux. C’est hélas faux et ce qui arrive à l’EE pourrait arriver à Ras-l’Front, Attac, SUD-PTT etc.…
§ 5 La scission de l’EE ne se ramène pas à une simple confrontation entre libertaires et LCR. C’est beaucoup plus compliqué. Des militants de la Ligue désapprouvent ce qu’a fait le secteur enseignant. Ils se battent dans leur organisation mais pas en public. Et ils nous en veulent quelque part d’avoir commis un crime de lèse-majesté en ne cédant pas face à leur parti. La LCR affirme qu’elle n’a aucune influence sur l’engagement syndical de ses membres. Ce qui ne l’empêche pas d’utiliser ses réseaux pour diaboliser la Revue de l’EE et elle n’a publié qu’un seul point de vue dans "Rouge", vous devinez lequel.
§ 6 Pour conclure Les protagonistes de cette affaire ne sont pas des caractériels. La scission repose sur des bases de divergences politiques et de pratiques différentes. L’histoire du mouvement ouvrier ou des associations a déjà connu de semblables évolutions. Si nous avons un tort, c’est celui de na pas avoir accepté la rupture avec le syndicalisme révolutionnaire. On peut s’amuser et nous affubler du sobriquet « canal historique » mais le virage à 180°que les « nouveaux dirigeants » de la FSU qui se réclament de l’EE ont essayé d’imposer, c’était tirer un trait définitif sur une tendance qui n’a pas traversé le XXème siècle par hasard. L’EE, c’est un outil dont nous avons refusé la liquidation. L’EE continue dans sa diversité politique, avec des engagements syndicaux différents. Nous sommes persuadés qu’elle représente une fraction du milieu alors que ceux qui ont choisi d’être les supplétifs des bureaucraties syndicales n’ont pas d’avenir.
§ 7 Les camarades d’ACC feraient bien de réfléchir à tous les mécanismes qui ont conduit à cette scission. Bien sûr, la création d’un grand mouvement unitaire anticapitaliste serait une excellente chose … à condition que cette construction n’instrumentalise pas le mouvement social et n’enterre pas sa radicalité.
Pierre Stambul (*) (*) qui lit ACC avec plaisir et intérêt depuis des années et n’a pas apprécié que la liste qu’il a conduite soit qualifiée de fractionniste.
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