Reconnaissons la
valeur, à la fois considérable et relative, de la personne humaine ; comprenons
qu'amour de soi et amour d'autrui coexistent, plantes voisines, dans le champ
de notre pensée. Pour chacun le moi s'avère centre, il est l'unique portion de
l'univers dont nous ayons conscience précise et possession entière ; au regard
du Tout, il n'est que l'élément d'un ensemble, le maillon d'une chaîne
ininterrompue. Ces points de vue sont divers, sans être opposés ; les harmoniser
serait facile, si la société, troublant l'ordre de la nature, ne sacrifiait le grand
nombre à l'égoïsme de quelques uns. Hiérarchie légale, classements admis par le
code créent ides 'intérêts factices, contraires à l'intérêt simplement humain.
L'existence de
parasites engendre un bien des exploiteurs contraire au bien des exploités.
Mais dans une classe sociale, dans une profession, le bonheur de chacun reste
lié au bonheur de tous ; l'ouvrier pâtira, dans l'ensemble, si le coût de la
vie augmente, alors que ne croît pas le salaire moyen. À l'intérêt individuel,
résultat des aptitudes ou de la situation personnelle, s'ajoute un intérêt
collectif indéniable.
Quand la raison enfin
maîtresse aura débarrassé le globe des artificielles cloisons qui séparent ses
habitants, quand les peuples ne travailleront plus pour des paresseux inutiles,
le bien collectif sera celui que la nature assigne à notre espèce prise dans sa
totalité. Pour maitriser les énergies hostiles, améliorer leurs conditions de
vie, reculer les bornes de l'ignorance, il sera bon que les hommes continuent d'associer
leurs efforts. En évitant au moindre de leurs frères toute douleur inutile, ils
rempliront leur tâche spécifique et seront les dieux de demain...
Point de vie collective
possible lorsque chacun se désintéresse du bien général pour ne songer qu'à soi
; une solidarité vraiment juste implique réciprocité des services rendus. Mais,
quand auront disparu les désoeuvrés de l'aristocratie qui consomment beaucoup
sans rien produire, le travail des autres sera singulièrement allégé. Des
réformes seraient faciles. dans ce sens, si les chefs ne s'y opposaient ; car
les faits sociaux, résultats de vouloirs humains, n'ont pas la fatalité des phénomènes
cosmiques. En attendant, seule la solidarité pleinement consentie devient règle
d'action aux yeux du sage ; des contraintes imposées du dehors il se libère
avec joie. Et toujours, il se penche avec tendresse sur les cerveaux sans lumière
ou les coeurs ulcérés de ses frères malheureux.
– L. BARBEDETTE.
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