"De l’usage difficile de la critique. Le critique ne lit presque pas. Ce n’est pas toujours faute de temps ;
mais il ne peut pas lire, ne songeant qu’à écrire, et s’il simplifie, parfois en compliquant, s’il loue, s’il
blâme, s’il se débarrasse hâtivement de la simplicité du livre en y substituant la rectitude d’un jugement
ou l’affirmation bienveillante de sa riche compréhension, c’est que l’impatience le pousse, c’est que, ne
pouvant lire un livre, il lui faut n’en avoir pas lu vingt, trente et bien davantage, et que cette non-lecture
innombrable qui d’un côté l’absorbe, de l’autre le néglige, l’invitant à passer toujours plus vite d’un livre
à un autre, d’un livre qu’il ne lit guère à un autre qu’il croit avoir déjà lu, afin de parvenir à ce moment
où, n’ayant rien lu de tous les livres, il se heurtera peut-être à lui-même, dans le désoeuvrement qui lui
permettrait enfin de commencer à lire, si depuis longtemps il n’était à son tour devenu un auteur."
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