jeudi 25 août 2022

Le monde des amants Par Michel Surya

 "Crois-le si tu veux: j'en ai pleuré, et parce que c'est cette histoire-là que tu racontes et que tu m'as demandé de lire, et parce que je n'étais pas prêt à ce moment-là à lire cette histoire, moi qui ai longtemps pensé au suicide sans jamais trouver comment le penser, qui n'ai trouvé qu'il y a peu comment le penser, je veux dire comment commencer de le penser, qui ne l'ai trouvé qu'en lisant cette phrase que je viens de te dire - LE CRANE D UN SUICIDE DOIT ROULER DANS LA POUSSIERE JUSQU A CE QU IL AIT SAUVE UNE VIE - , laquelle, chrétienne ou non, ne damne pas moins les suicidés que le christianisme ne les a toujours damnés, laquelle ajoute au malheur qui a été le leur, leur malheur de suicidés, celui de les en accuser, toute cette pensée me fait littéralement horreur, m'épouvante littéralement, rien ne peut me faire plus horreur et plus m'épouvanter que cette sorte de pensée, ce que j'écrirais si je recommencerais d'écrire, ce que j'étouffe de ne plus écrire, moi qui ai toujours aimé les suicidaires, qui les ai toujours aimés comme j'ai toujours aimé tout ce qui ressemble aux suicidés: les rebuts & les réprouvés é les alcooliques & les dépressifs & les fous & les chassés & les fuyants & les bannis...; qui ai toujours pensé que les grands destins étaient leurs destins, des destins d'art et de pensée en somme, lesquels ne se distingueraient de tous les autres que par le suicide, voulait le suicide, non pas pour la mort elle-même appartienne à ce destin et, le précipitant, fasse de celui-ci un art, sinon l'art lui-même."

Aucun commentaire: