Discussion imaginaire avec M. Partie I
M., cette discussion, nous ne
l’aurons jamais…Elle est née morte dans mon rêve de la tenir…Tu as disparu
parce que je t’ai fait disparaitre, j’ai créé la disparition de ma curiosité…
Je voulais te dire, j’aurai
voulu te dire, j’aurais souhaité avoir le courage de l’impudeur de te
dire : je t’ai connu et je vais être obligé d’arrêter d’écrire. J’en suis
obligé car j’ai atteint la fin d’une ligne droite.
Elle a été rapide, directe,
intransigeante, éprouvante, exigeante…mais tellement joyeuse.
Elle a été joyeusement
captivante, désolante, irritante mais je ne pourrais plus jamais écrire sans
penser que tu l’as déjà dit, écrit et tellement mieux.
Je ne vais plus écrire non
parce que je n’aime plus écrire, non, au contraire, je ne vais plus écrire
puisque tu as écrit mieux ce que j’aurais pu écrire si j’avais eu ton talent.
Je ne vais plus écrire,
justement parce que je ne lirais plus ce que j’aurais pu écrire si j’avais eu un
jour une parcelle de ta clairvoyance.
Je vais arrêter d’écrire pour
arrêter de ne plus lire ce que je cherche mais lire ce que je vais découvrir.
Cette discussion, nous ne
l’aurons pas, car tu es déjà parti…
Parti, par ma faute, parti, en
tentant de te retourner, honnêtement, peut-être, sincèrement, sans doute, mais
parti.
Tu m’es parti car je n’ai pas
su te dire de ne pas partir.
Et pour te paraphraser :
« Je ne vais plus écrire, non parce que je t’ai rencontré, mais parce que
je n’ai plus à écrire que je t’ai rencontré ».
M.A. 21/08/22
Discussion imaginaire avec
M. Partie II
M., tu dis, je le dis aussi
parfois, dans ton dernier roman de
pensées, lorsque je ne vais pas bien, que la révolution, quelle qu’elle soit,
est toujours trahie. Comme une conséquence évidente de son destin, la trahison
est le destin de toute révolution. Mais je peux dire aussi, tu ne le dis pas,
ou pas vraiment, ou peut-être le penses-tu sans le dire, sans l’écrire, seules
les révolutions messianiques sont amenées à être victorieuses.
Pour le malheur de ceux qui
n’en veulent pas de celles-là, pour ceux, à long terme, qui n’en veulent plus
après les avoir amenées à gouverner.
Alors, peut-on encore en
vouloir une ? Cela reste un rêve
que l’on peut avoir. Comme quelque chose qui peut nous aider à tenir, une sorte
de béquille. Qui peut encore rêver d’une révolution alors qu’ils en craignent
la trahison, qu’ils savent assurément que de toute façon la trahison en sera la
conclusion ? Tu dis également, je le pense et je peux l’écrire dorénavant,
« la politique est une malédiction et n’est que malédiction ». Je ne
le pense pas parce que tu le penses, que tu l’écris ; je le pense
également parce que je ne l’ai pas encore écrit mais que je le pense depuis
bien longtemps.
M., tu dis que l’on ne peut
être que déçu de la révolution car elle n’est jamais ce qu’on espère. Mais
toute une population peut-elle vouloir la même révolution, sans croire au messianisme,
sans ne plus croire au messianisme religieux ? Peut-on plus croire au
messie de la politique qui est une malédiction ? Le messie de la
malédiction, peut-il être le guide d’un peuple qui ne rêve plus que du malheur
de peur de prendre en main son potentiel bonheur ?
M., tu dis, tu ne le dis
jamais assez fort pour que quelqu’un puisse le croire, tu dis que tu fuis la
politique, que la politique c’est fini pour toi. Pour ne pas le dire
suffisamment fort, elle est dans ton métier, elle traverse tes écrits que tu ne
veux plus écrire parce que tu dis ne plus croire en la politique, elle est dans
tes relations, celles-là même que tu fuis sans les fuir puisqu’ils sont invités
à écrire dans ta collection.
M., cette conversation ne
pourra jamais existée, pour n’être que virtuelle. Je suis mon Dargerman, je
suis mon M ;, je suis celui qui lis et que tu écris ; tu es celui qui
écrit pour celui qui lis mais qui n’écrira plus.
M.A. 22/08/22
Discussion imaginaire avec M. partie III
Cher M.,
Tu me l’as écrit personnellement, et je le lis dans ton roman à penser.
A penser l’avenir ? A penser que la police est partout, même dans des relations
qui sont nées, mortes, nées/mortes, sans conséquences, me laisser pantois de
bêtise, seule avec ma bêtise.
« J’avais noté ceci à ton
attention : le nom n’a rien d’intime puisque sa fonction est sociale. Mais le
vérifier relève en principe de la police. »
Tu es tous ceux qui ont fui
quelque chose ou quelqu’un.
Peut-être t’ai-je posé cette question parce que moi aussi je fuis ? Je fuis
quoi ? Mais moi…Je me fuis depuis que je sais que je ne suis pas celui que je
devrais être…Je suis devenu celui que les autres ont fait de moi, ont pensé que
je devais être…
M., tu sais, tu le sais toi, que jamais tu n’arriveras à te fuir
indéfiniment…Mais tu le sais…C’est pour ça que tu ne peux plus t’arrêter, te
poser, et tu regardes tous ces chemins que tu as parcouru…sans te poser…avec la
crainte de te poser…de poser tout ça…de te dire : « C’est bon, c’est fini…Je ne
peux plus aller plus loin »
Et qu’est-ce qu’il adviendra
ce jour-là ? M., feras-tu l’irrémédiable, l’as-tu déjà fait ? L’as-tu déjà
préparé ? Tu n’as pas encore donné la date mais ce chemin, c’est celui que
connaissent tous ceux qui fuient..
C’est pour cela M. que tu
aimes l’horizon de la mer à F., parce qu’un horizon, on ne peut jamais
l’atteindre. Alors, on peut le regarder, le scruter et se rassurer car, pour le
rejoindre, on sait que la route est longue, inatteignable, comme le but de la
fuite..
M., un nom, une histoire, celle de EUX, celle que l’on t’a obligé à porter,
alors que c'est mort qu'il te "voulait".
Mais M., cher M., ta dernière
fuite sera peut-être ton dernier choix...le plus dur…Le plus terrifiant…
Tu ne pourras jamais fuir ceux
qui t’aiment, jamais.
M.A. 23/08/22
Discussion imaginaire avec M. partie IV
M. comme il est curieux, je me dis, que tu veilles à tel point disparaitre que
tu ne veuilles que connaitre la vie de ceux qui t’interroge.
Qui interrogent ta fuite, nos
fuites, et nous les aimons mystère, curiosité non révélée, accrue, ardente,
frénésie…
M., ton nom comme une trace indélébile de ton passé. Tu connais les anecdotes
des uns et des autres, tu es l’inspecteur de leurs morts, le biographe de leur
disparition, tu l’exposes, tu expliques que toi tu ne veux pas que l’on
connaisse, que tu refuses que l’on cherche.
M., tu portes fascination à la
disparition brutale, comme celle que tu n’as pas faite, que tu n’as pas
brutalement infligée, à toi, à ceux qui t’aiment, à ceux qui se posent
question.
Tu as choisi la disparition lente
de la fuite.
Tu dois l’entendre, je te
l’écris, je te le dis, ta disparition est violence pour ceux qui t’aime, que tu
n’aimes pas, pas forcément, pas forcément puisque pas de volonté d’attache, ou
que tu t'efforce de ne pas aimer.
Tu fuis les attaches, toutes, les
familiales, les amicales, celles que tu as choisi, à un moment, qui,
aujourd’hui t’encombrent.
M., ta fuite est la vision, la
trace, l’absence de ton égotisme. Et, de fait, M. , je te le dis, je te l’écris
plus que je ne te le dis, puisque tu as fui ma question de par ma faute, tu
m’as fui par mon propre choix de ne plus te voir, de te croiser, tu nous
exposes à ce que tu détestes qui n’est pas toi, proche ou lointain.
Autre paradoxe M., pourquoi m’as-tu approché, parlé, jusqu’à la sympathie
apparente, réelle ou feinte ? Toi qui fuis toute relation, toute relation
amicale, et surtout familiale ?
Tu voulais te prouver
(m’infliger) que tu étais encore en capacité de fuir de nouveau…Tu l’as dit,
écrit, tu me l’as dit, tu me l’as écrit…
M., j’ai été, vis-à-vis de toi,
le Dagerman de M., comme Dagerman réel ou double fut celui de Nietzsche. Tu es
Nietzsche et je suis ta Lou ?
Quelle est donc cette
construction de l’approche qui n’en était pas une, pas une réelle, une feinte,
une approche esquive ?
Je te l’ai écrit, faute de te le
dire, je ne connais ni légèreté, ni paix.
Je suis moi qui ait rencontré M.,
aimé M. et qui, déjà, depuis même le début, même peut-être avant que je te
connaisse (reconnaisse ?) regrette M., la disparition de M., le regret
peut-être même de t’attendre sans que tu viennes, sans que tu viennes,
vraiment. Ou, que tu viennes mais que tu ne me reconnaisses pas, comme un qui
aurait pu, qui aurait dû…
Peut-être celui qui aurait pu te
faire douter, te faire remettre en cause la fuite, les fuites, toutes les
fuites.
M., permets-moi d’avoir cette immodestie puisque nous ne l’avons jamais évoqué,
nous ne l’avons jamais espéré, nous n’en avons peut-être jamais eu l’idée.
Je suis celui aussi qui fuit, qui
ne veut s’attacher, qui ne s’attache pas, mais à quel prix ?
M.A. 24/08/22
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